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  • Le temps de la Révolution et de l'Empire

    Par Didier Cariou, maître de conférences HDR en didactique de l’histoire à l’Université de Brest Quelques références BOUCHERON, Patrick (dir.) (2017). Histoire mondiale de la France. Paris : Seuil. CARBONNIERE, Philippe de (2011). La Révolution en images. Textes et documents pour la classe n° 1013, Scéren. JOURDAN, Annie (2021). La Révolution française. Une histoire à repenser. Flammarion, Champs. MARTIN, Jean-Clément (2006). La Révolution. Documentation photographique n° 8054. La Documentation française. SERNA, Pierre (2021). La Révolution française. Documentation photographique n° 8141. CNRS éditions. Mots-clés du cours Révolutions Atlantiques, Lumières, Déficit budgétaire, Privilèges, États généraux, Cahiers de doléances, Assemblée nationale, Souveraineté nationale, Séparation des pouvoirs, Serment du jeu de paume, Constitution, Prise de la Bastille, Grande peur, Nuit du 4 août 1789, DDHC, Presse, Journées d’octobre 1789, Droite, Gauche, Fête de la Fédération, Départements, Communes, Clubs, Constitution civile du clergé, Biens nationaux, État civil, Loi Le Chapelier, Fuite à Varennes, Constitution de 1791, Déclaration de guerre, Manifeste de Brunswick, 10 août 1792, Sans-culottes, Massacres de Septembre, Valmy, Proclamation de la république, Convention, Procès et exécution du roi. Napoléon Bonaparte, Coup d’État de Brumaire, Consulat, Fouché, Rétablissement de l’esclavage, Livret ouvrier, Concordat, Banque de France, Franc germinal, Préfet, Légion d’honneur, Code civil, Masses de granit, Couronnement de Napoléon, Serment du sacre, Noblesse impériale, Waterloo. Plan du cours Que dit le programme ? 1. La Révolution française de l’année 1789 à la mort du roi en 1793 1.1 Les causes de la Révolution française 1.2 La révolution constitutionnelle (1789-1791) 1.2.1 L’année 1789 : la fin de la monarchie absolue de droit divin et des privilèges 1.2.2 La construction d’un nouvel espace politique 1.2.3 Les premières f ractures 1.3 La Révolution en guerre 1.3.1 Le déclenchement de la guerre 1.3.2 La proclamation de la République 2. Intermède : de l’exécution du roi à la fin de la Révolution (1793-1799) 3. la Révolution à l’Empire (1799-1815) 3.1 Le Consulat 1799-1804 3.1.1 L’instauration du Consulat 3.1.2 Le retour précaire à la paix 3.1.3 Le rétablissement de l’autorité de l’État : les « masses de granit » 3.2 Le premier Empire 1804-1815 3.1 Le couronnement de Napoléon 3.2 L’Empire de Napoléon Conclusion Que dit le programme ? Extrait du programme du cycle 3, classe de CM1, 2020 Thème 3 - Le temps de la Révolution et de l’Empire - De l’année 1789 à l’exécution du roi : Louis XVI, la Révolution, la Nation. - Napoléon Bonaparte, du général à l’Empereur, de la Révolution à l’Empire. La Révolution française marque une rupture fondamentale dans l’ordre monarchique établi et on présente bien Louis XVI comme le dernier roi de l’Ancien Régime. On apportera aux élèves quelques grandes explications des origines économiques, sociales, intellectuelles et politiques de la Révolution. Cette première approche de la période révolutionnaire doit permettre aux élèves de comprendre quelques éléments essentiels du changement et d’en repérer quelques étapes clés (année 1789, abolition de la royauté, proclamation de la première République et exécution du roi). Napoléon Bonaparte, général dans les armées républicaines, prend le pouvoir par la force et est proclamé empereur des Français en 1804, mais il conserve certains des acquis révolutionnaires. Le programme demande d’étudier le début et la fin de la période révolutionnaire, afin de montrer que la Révolution française marque une rupture fondamentale avec les périodes qui précèdent et aussi le début de notre époque et de notre société. Les acquis de la Révolution ayant été stabilisés durablement, jusqu’à nos jours, par les mesures de Napoléon Bonaparte. Il s’agit d’étudier la Révolution de 1789 jusqu’à la mort du roi en 1793, puis le Consulat et l’Empire, de 1799 à 1815. Entre les deux se glisse une ellipse temporelle de six années qu’il serait certes difficile d’étudier avec des élèves de CM1, mais qui interroge quand même. Officiellement, la Révolution française a duré de 1789 à 1799, date de la prise de pouvoir par Bonaparte. Cette période historique est d’une très grande richesse et, plus que tout autre période, elle peut être envisagée sous l’angle d’une rupture fondamentale, dans tous les domaines, car la Révolution est l’événement central de l’histoire de France. Elle est difficile à étudier en raison de la complexité et de la multiplicité de ses enjeux. Elle a donné, et donne toujours lieu à des débats entre les historien.nes. Elles et ils insistent aujourd'hui sur le climat de guerre civile qui domina toute la période et qui explique la dynamique de la Révolution. 1. La Révolution française, de l’année 1789 à la mort du roi 1.1 Les causes de la Révolution française Depuis deux siècles, les historien·nes s’interrogent sur les causes de la Révolution car elles sont multiples. Aujourd’hui, les historien·nes intègrent la Révolution française dans un contexte spatial et temporel plus large. En 1955, l’historien Jacques Godechot avait placé la Révolution française dans le contexte des révolutions atlantiques , un processus initié par la guerre d’indépendance américaine, poursuivi par la révolution batave et la Révolution française, puis la guerre d’indépendance de Saint-Domingue (Haïti) et les guerres d’indépendances en Amérique latine. Les historien.nes français.es , convaincu.es de la spécificité de la Révolution française, restèrent longtemps sceptiques face au concept de révolution atlantique. Aujourd’hui, ce concept est repris, tout en le considérant comme un peu étroit et en mettant en évidence de nouveaux contextes étroitement liés les uns aux autres, comme le fait notamment l'historienne Annie Jourdan. Le premier élément de contexte est celui de la guerre qui opposa la France à l’Angleterre lors de la Guerre de Sept ans (1756-1763), considérée comme une première guerre mondiale mettant aux prises toutes les puissances européennes et leurs colonies en Amérique et en Asie. A l’issue de cette guerre, la France perdit la Nouvelle France en Amérique du Nord et la plupart de ses colonies en Inde. Cette guerre consacra la prééminence mondiale de l’Angleterre. Elle conduisit certains États à développer une marine de guerre extrêmement coûteuse, financée par des prélèvements d’impôts et de taxes pesant de plus en plus lourd sur les populations. Les nouvelles taxes imposées par la monarchie britannique sur le thé importé en Amérique du nord, contribuèrent au déclenchement de la Révolution américaine. La Boston Tea Party de 1773 est considérée comme une étape décisive vers le déclenchement de la Guerre d’indépendance des États-Unis, de 1776 jusqu’en 1783. De même, le financement de la flotte française, commandée par Rochambeau et La Fayette, envoyée en 1780 depuis Brest en soutien aux Américains afin d’affaiblir l’ennemi britannique, creusa le déficit budgétaire de la monarchie française, qui fut l'une des causes directes de la Révolution française. Le second élément de contexte qui découle du précédent est celui de l’importance des empires coloniaux, souvent fondés sur le système de la plantation esclavagiste, dans le Sud des Treize colonies britanniques et aux Antilles. La guerre d’indépendance des États-Unis entre 1776 et 1783, et la guerre d’indépendance de Saint-Domingue , la principale colonie française aux Antilles (l'actuel Haïti), entre 1791 et 1804, jouèrent un rôle essentiel dans la dynamique révolutionnaire d’ensemble. Cette question provoqua notamment de graves dissensions en France dans le camp républicain, entre les partisans de l’abolition de l’esclavage et leurs adversaires qui, dans les grands ports maritimes (Nantes, Bordeaux, Saint-Malo...) s’enrichissaient notamment avec la traite négrière. Le troisième élément de contexte est celui de la diffusion des idées républicaines développée en Angleterre au XVIIe siècle par des imprimeurs qui furent expulsés vers les colonies américaines. Ils y diffusèrent la conception d’une république fixée par une constitution, fondée sur la volonté générale et assurant le bien commun. La Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 reprit ces idées. Les jeunes nobles français partis se battre en Amérique revinrent convaincus de la nécessité d’écrire une constitution et du fait que les impôts devaient être votés par les députes. Ces idées se retrouvèrent lors de la révolution en Corse derrière Pascal Paoli entre 1755 et 1768, de la révolution batave des actuels Pays-Bas entre 1781 et 1787 et de l'actuelle Belgique entre 1784 et 1790. Partout, se développait l’idée que, pour se régénérer, les sociétés devaient être gouvernées par la loi et une constitution. En France, sans adhérer pour le moment à l’idée républicaine, de nombreux Français ne croyaient plus vraiment que le roi était désigné par Dieu, même s’ils le respectaient en tant que premier magistrat du royaume. A ce propos, l’historien Roger Chartier a montré que, contrairement à ce que l’on a souvent dit, les idées des Lumières (Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau) n’ont pas directement provoqué la Révolution française. Elles imprégnaient la manière de penser de la plupart des femmes et des hommes de l’époque, y compris dans les campagnes où les colporteurs diffusaient les ouvrages bon marché de la Bibliothèque bleue de Troyes. De leur côté, Louis XVI se passionnait pour la lecture de l’Encyclopédie et Marie-Antoinette était une grande lectrice de Rousseau (cet élément est bien mis en évidence dans le film Marie-Antoinette de Sophia Coppola avec Kirsten Dunst dans le rôle titre). Selon Roger Chartier, un grand nombre de personnes lisait des ouvrages philosophiques à la suite d'un désinvestissement symbolique à l'égard du roi qui, aux yeux de tous, avait perdu sa sacralité. Le développement de l'imprimé et de l'alphabétisation dans le nord-est de la France modifièrent les pratiques de lecture : la lecture individuelle, silencieuse et critique, se substitua à la lecture à haute voix dispensée par un ancien à la communauté rassemblée le soir à la veillée et qui ne pouvait de ce fait qu'adhérer à ce qui était lu. La perte de sacralité de la lecture fut première, elle entraina la perte de sacralité de la figure royale et ouvrit la voie à la lecture des philosophes. Nous pouvons ajouter à ce constat une évolution de la pratique religieuse. L'historien Michel Vovelle a montré par exemple un affaiblissement des rituels religieux qui avaient été imposés par la réforme catholique. Après 1750, les testaments indiquent une diminution de demande de messes pour les défunts et, en parallèle, les pratiques contraceptives se développèrent tandis que le nombre des vocations religieuses se réduisit. C’est surtout le développement de l’esprit critique qui contribua à la formation et à la politisation de l’opinion publique qui se tourna vers la philosophie des Lumières. Les Lumières contribuèrent alors à mettre en cause les préjugés de la société d’Ancien Régime et à libérer l’action des révolutionnaires qui, a posteriori , se réclamèrent des Lumières. Mais, selon Roger Chartier, la Révolution française ne fut pas une application stricte des idées des Lumières. 1.2 La Révolution constitutionnelle (1789-1791) 1.2.1 L’année 1789 : la fin de la monarchie absolue de droit divin et des privilèges Un élément immédiatement déclencheur de la Révolution fut la question du déficit budgétaire de la monarchie, provoqué notamment par le financement du soutien à la guerre d’indépendance des États-Unis. En 1788, les recettes de l'Etat se montaient à 503 millions de livres, tandis que les dépenses atteignaient 629 millions de livres. La plus grande partie des dépenses était consacrée au remboursement de la dette contractée pour soutenir la guerre en Amérique. Chaque année, la monarchie s'endettait toujours plus auprès des grands financiers du royaume Depuis plusieurs années, la question se posait de faire payer des impôts aux ordres privilégiés, le clergé et la noblesse, qui ne payaient pas d'impôts, afin de renflouer les caisses de l’État. Chaque proposition de réforme était bloquée par les Parlements où siégeaient les officiers titulaires de titres de noblesse. La critique des privilèges du clergé et de noblesse, qui refusaient toute réforme, devenait de plus en plus virulente dans tout le pays. A la réforme fiscale s’ajoutait la revendication de droits pour le Tiers état. Ainsi, Sièyes, un abbé, futur député du Tiers état et futur homme politique majeur jusqu’à l’Empire, se fit connaître par une brochure dans laquelle il écrivait : « Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose ». La gravure ci-dessous formule la critique des inégalités de la société d'ordres. « A faut esperer q’eu jeu là finira bientôt ». Anonyme, mai 1789. Paris, BnF. Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6944022s.item Comme aucun compromis n’était possible avec les ordres privilégiés, Louis XVI se résolut donc, le 24 janvier 1789, à convoquer les États généraux pour le conseiller sur la question du budget de la monarchie. Cette annonce suscita un grand espoir car les Etats généraux n’avaient pas été réunis en France depuis 1614. D’une certaine manière, cette annonce scella la fin de la monarchie absolue qui avait muselé cette institution héritée de la fin du Moyen Age et qui servait à exprimer auprès du roi le point de vue des différentes catégories de la population. Au début de l’année 1789, pour préparer les Etats généraux, les institutions locales produisirent près de 60 000 cahiers de doléances qui commençaient tous par un appel au roi considéré non plus comme un monarque sacré mais comme le père du peuple. Ils dénonçaient les injustices de la société d’Ancien Régime et proposaient des réformes, notamment la répartition égale des impôts entre tous et la rédaction d’une constitution, selon le modèle américain. Ces cahiers de doléance signalent une politisation de l’ensemble de la société. Dans l’ensemble du royaume, 1 139 délégués des trois ordres (1 315 en comptant les suppléants) furent élus au suffrage universel masculin pour siéger aux États généraux. Le contexte était agité et plusieurs émeutes furent brutalement réprimées par l'armée du roi. Ainsi, le 27 avril 1789, l'armée royale tira sur la foule manifestant contre Reveillon, le patron d'une manufacture de papiers peints située dans le faubourg Saint-Antoine à Paris, qui avait annoncé une baisse du salaire de ses ouvriers. Plusieurs dizaines de personnes furent tuées par l'armée. Document : L'Ouverture des États généraux, à Versailles, le 5 mai 1789 . Gravure par Isidore-Stanislaus Helman (1743-1806) et Charles Monnet (1732-1808). Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Source : https://fr.vikidia.org/wiki/Ouverture_des_%C3%89tats_g%C3%A9n%C3%A9raux,_%C3%A0_Versailles_dans_la_salle_des_Menus_Plaisirs,_le_5_mai_1789 La réunion des États généraux s’ouvrit à Versailles le 5 mai 1789, mais ces derniers ne purent fonctionner en raisons de nombreux blocages : le roi refusa de débattre des impôts, la question de l’organisation du vote ne fut pas tranchée. Les députés devaient-ils voter par ordre, selon la tradition féodale, (dans ce cas, le clergé et la noblesse imposeraient leurs vues au Tiers état) ou par tête, selon une logique qui reconnait l'existence d'individus tous égaux (dans ce cas, les 578 députés du Tiers état, rejoints par les députés réformateurs du clergé et de la noblesse, l’emporteraient face aux 291 députés restants du clergé et aux 270 députés restants de la noblesse) ? Dès lors, une série d’événements s’enchaînèrent très rapidement qui mirent fin à la monarchie absolue de droit divin. Le mercredi 17 juin 1789, les députés du Tiers état, qui s’étaient donnés comme président l'astronome Bailly, réunis dans la salle des Menus-Plaisirs et rejoints par quelques députés du clergé et de la noblesse, se proclamèrent Assemblée nationale et souveraine. Cette assemblée se substitua alors au États généraux. Cette déclaration est fondamentale pour deux raisons. Tout d’abord, les députés, suivant la formulation proposée par Sieyès le lundi 15 juin, affirmèrent qu’ils représentaient « les quatre-vingt-seize centièmes de la Nation » (les 4 % restant étaient représentés par les députés du clergé et de la noblesse). En conséquence, il leur appartenait « d’interpréter et de présenter la volonté général de la nation ». Cela revient à dire que, désormais, le pouvoir résidait dans la Nation et qu’il s’exprimait par la voix des députés. A la légitimité divine et descendante du pouvoir se substitua la légitimité ascendante de la Nation, la souveraineté nationale . Le pouvoir ne venait plus de Dieu, il venait des citoyens constituant la Nation. Cette déclaration marqua la fin de la monarchie de droit divin et de la légitimité religieuse du pouvoir remontant à l’Empire romain. Ensuite, en se proclamant Assemblée nationale, les députés s’arrogeaient le pouvoir législatif et instauraient la séparation des pouvoirs : « Il ne peut exister entre le trône et cette assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif ». C’est la fin de la monarchie absolue qui concentrait tous les pouvoirs. Les députés prêtèrent ensuite le serment suivant : "Nous jurons à Dieu, au Roi et à la Patrie de remplir avec zèle et fidélité les fonctions dont nous sommes chargés". En quelques jours, la France avait basculé dans un autre système politique, celui de la monarchie constitutionnelle et de la démocratie représentative. Document : La déclaration instituant l’Assemblée nationale le 17 juin 1789 L'Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la Nation (…). De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants vérifiés de concourir à former le vœu national et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient et qu'il n'appartient qu'à elle d'interpréter et de présenter la volonté générale de la nation ; il ne peut exister entre le trône et cette assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif. L'Assemblée déclare donc que l’œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard, par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle. La dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la Nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée. L'Assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des États généraux. À quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France. L'Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la Nation. Versailles, le 17 juin 1789. Bien entendu, le roi n'accepta pas cette décision. Chassés de la salle des Menus-Plaisirs par les soldats du roi, les députés se réunirent dans la salle du jeu de paume (un ancêtre du tennis) où, le samedi 20 juin 1789, ils prêtèrent le fameux Serment du jeu de paume : ils jurèrent de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une constitution pour le royaume. Ce serment réitérait et précisait ce qui avait été décidé le 17 juin. En s’engageant à rédiger une constitution, les députés constituaient un nouveau corps politique et rejetaient à nouveau la monarchie absolue puisqu’une constitution est un texte législatif qui organise la séparation des pouvoirs et leur répartition entre plusieurs institutions. En prêtant serment, les députés incarnaient à nouveau la nation qui se détachait ainsi du roi. Notons en effet, que la référence à Dieu et au Roi du serment du 17 juin, a disparu le 20 juin. Le basculement dans un nouveau monde était opéré. Document : Le texte du serment du jeu de paume du 20 juin 1789 L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale ; Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en particulier confirmeront, par leur signature, cette résolution inébranlable. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Serment_du_Jeu_de_paume#Texte_du_serment Le célèbre tableau de David ci-dessous immortalise ce moment. Le tableau fut commandé à David en octobre 1790. Mais il ne parvint pas à peindre le portrait de tous les députés présents ce jour-là car certains avaient quitté Paris. Ce tableau resta une esquisse que David n’acheva pas : au moment de l’achever, à la fin de 1791, l’unité décrite par ce tableau semblait à jamais perdue et sa représentation obsolète. En effet, le 20 juin 1791, au deuxième anniversaire du serment, Louis XVI s'enfuit à Varennes, manifestant ainsi sa défiance à l'égard de la Révolution. Le tableau de David est divisé en deux parties. Dans la partie inférieure sont réunis les députés qui prêtent serment en levant le bras. Leurs bras sont dirigés vers la main levée de Bailly, le président de séance qui prononce le serment. Sa main se trouve exactement au centre du tableau, au croisement des deux diagonales. En représentant les corps unis dans cette prestation de serment, David a montré l’unité et la volonté de la nation. La partie supérieure du tableau est vide. Selon les dires de David lui-même, le mouvement des rideaux emportés par le vent symbolise le vent de la liberté. Le grand mur vide à l’arrière plan signale la fin de la transcendance qui était voulue par la monarchie de droit divin : dans le domaine politique, il n’y a plus de Dieu, le ciel est vide, et le roi n'est déjà plus là. Jacques-Louis David, Esquisse pour le tableau du serment du jeu de paume, 1789-1791. Dessin, plume et lavis. Musée du château de Versailles. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Serment_du_Jeu_de_paume.jpg Le roi émit une série d’injonctions contradictoires. Il chercha tout d’abord à dissoudre l’Assemblée nationale et à chasser les députés de la salle du jeu de Paume. A cette occasion, Mirabeau aurait déclaré : « Nous sommes ici par la volonté du peuple, et on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes ». Le roi ordonna ensuite aux députés du clergé et de la noblesse de rejoindre l’Assemblée qui se proclama alors Assemblée nationale constituante, le 9 juillet 1789. En même temps, il fit venir des troupes aux alentours de Paris. Le peuple parisien chercha des armes pour se défendre. Le 14 juillet, après avoir pillé des armureries et les Invalides, les Parisiens aidés des soldats des Gardes françaises prirent d’assaut la Bastille où ils pensaient trouver des armes. Les combats firent une centaine de morts, et les Parisiens ne trouvèrent dans la prison que sept prisonniers. La tête de Launay, le commandant de la Bastille responsable des morts, fut promenée au bout d’une pique jusqu’à l’Hôtel de Ville. Claude Cholat (un participant de la prise de la Bastille), Le siège de la Bastille, 1789. Gouache, Musée Carnavalet. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Siege_of_the_Bastille_(Claude_Cholat).jpg Depuis 1787, les émeutes violentes étaient fréquentes, mais la prise de la Bastille visait directement le symbole de l’arbitraire du roi. En effet, par lettre de cachet, ce dernier pouvait emprisonner qui il voulait dans cette prison. Les Parisiens imposèrent donc leur volonté au roi et lui retirèrent le symbole de son pouvoir judiciaire, alors que l’Assemblée lui avait déjà retiré son pouvoir législatif le 17 et le 20 juin. Le 17 juillet, en acceptant de venir à Paris et de rencontrer Bailly, le nouveau de maire de Paris, le roi reconnaissait sa défaite. La révolution avait triomphé. Sur la journée du 14 juillet, on lira avec grand profit le remarquable 14 juillet d’Eric Vuillard (2016), paru chez Actes Sud. Encart : Les origines du drapeau tricolore On ne sait pas exactement d’où vient le drapeau tricolore. On considère généralement que son acte de naissance est le 17 juillet 1789, lorsque le nouveau maire de Paris, Bailly, donna au roi une cocarde qui unissait le blanc de la monarchie au bleu et au rouge des couleurs de Paris. Cette cocarde était celle des gardes nationaux de Paris qui arboraient les couleurs bleues et rouges, couleurs de la ville de Paris, auxquelles Lafayette, le commandant la garde nationale, aurait ajouté le blanc de la monarchie. Le drapeau tricolore symboliserait l'union du roi et du peuple de Paris. Il est également possible que les trois couleurs soient inspirées des trois couleurs bleue, blanche et rouge du drapeau américain, elles-mêmes issues des trois couleurs du drapeau britannique. Les Américains auraient repris les couleurs britanniques et les auraient disposées en bandes pour marquer leur victoire sur leur ancienne puissance coloniale. Traditionnellement, les rayures symbolisaient la transgression et la remise en cause de l'ordre établi. Ces trois couleurs et les rayures auraient été ensuite reprises par les Français pour incarner la liberté désormais acquise. La symbolique attachée aux rayures explique sans doute le grand nombre de drapeaux composés de trois bandes colorées, en Europe et dans le monde. Dans les semaines qui suivirent, la Grande Peur se diffusa dans les campagnes, sauf en Bretagne. En cette période de moissons, alors que les récoltes des années précédentes avaient été mauvaises, les paysans étaient inquiets car des nouvelles alarmantes et confuses venaient de la capitale. En outre, des rumeurs circulaient selon lesquelles des brigands pillaient les campagnes. Les communautés villageoises prirent les armes pour se défendre puis, ne voyant surgir aucun brigand, s’en prirent aux châteaux des propriétaires fonciers. Les paysans brûlèrent les titres de propriété qui justifiaient le paiement des redevances sur les terres. Le processus global de la Grande Peur se déroula vraisemblablement selon la description proposée dans le document suivant : Document : La circulation des rumeurs pendant la Grande Peur en Champagne Le bruit s’est répandu dans ce pays-ci que 500 brigands dévastaient toutes les campagnes, brûlaient les villages et mettaient tout à contribution. Cela a commencé à Romilly-sur-Seine, distante de trois lieux de Nogent. On a sonné le tocsin et monté la garde pendant plusieurs jours, mais on n’a rien vu. Ce tocsin, entendu d’un village à l’autre en remontant [la Seine], a été partout répété, ce qui a gagné jusqu’à Arcis, où les habitants ont pris les armes ; les dragons qui y sont en quartier ont monté à cheval et ont cherché à deux lieues aux environs sans rien trouver. Lettre des officiers municipaux de Troyes, fin juillet 1789. Source : Henri Dinet, L’année 1789 en Champagne, Annales historiques de la Révolution française , 1983, n° 254, p. 586. https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1983_num_254_1_1074 Document : Les courants de la Grande Peur Source: Michel Vovelle (1972). La chute de la monarchie 1787-1792. Paris: Seuil, Points. Document : L'une des rares représentations de la Grande Peur. Philippe Joseph Maillart, "Insurrection paysanne, émigration des Princes et des Courtisans de leurs Châteaux de Campagne brûlés en août 1789". 30eme tableau, planche 2 de la Galerie historique ou Tableau des événements de la Révolution française. Estampe, entre 1795 et 1799. Paris, Musée Carnavalet. Source : h ttps://www.parismuseescollections.paris.fr/de/node/110542#infos-principales Pour mettre fin à cette révolte, en cours de généralisation et qui risquait de porter atteinte à leurs propres propriétés, les députés de l’Assemblée nationale (qui étaient pour la plupart des possédants) abolirent les privilèges durant la nuit du 4 août. Les décrets adoptés les jours suivants en précisèrent les dispositions. Les impôts sur les personnes dus aux seigneurs (art. 1) ainsi que la dîme due au clergé (art. 5) furent abolis. Le droit de posséder un colombier (art. 2) et le droit de chasse (art. 3) n’étaient plus des privilèges et devinrent accessibles à tous. Les privilèges de la noblesse et du clergé furent abolis et les impôts seront payés par chacun en fonction de ses ressources (art. 9). Cela conduisit à l'abolition des impôts indirects (gabelle, octrois, etc.) à l'exception des droits de douane et d'enregistrement des actes officiels. Les privilèges des villes et des provinces furent également abolis (art. 10) afin que les mêmes règles s’appliquent à toutes. Enfin, tous les emplois publics devenaient accessibles à tous sans distinction (art. 11). Au total, les trois ordres étaient abolis et il n’existait plus de différence d’ordre juridique entre les personnes. Cette décision détruisit la société d’Ancien Régime et mit en place notre société fondée sur l’égalité des droits . Document : Les décrets des 4, 6, 7, 8, 11 août 1789 (extraits) 1. L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal . Elle décrète que, dans les droits et les devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle , et à la servitude personnelle , et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; et tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode de rachat seront fixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont points supprimés par ce décret continueront néanmoins d'être perçus jusqu'au remboursement. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain . 3. Le droit exclusif de la chasse ou des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire ou faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. Toutes les capitaineries même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi. M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existantes à cet égard. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelques dénominations qu'elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous les gens de mainmorte , même par l' ordre de Saint-Jean de Jérusalem , et d'autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à la dépense du culte divin, à l'entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l'entretien desquels elles sont actuellement affectées. Et cependant, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l'Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée. Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu'elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l'Assemblée ; et jusqu'au règlement à faire à ce sujet, l'Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée. 9. Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme ; et il va être avisé aux moyens d'effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'année de l'imposition courante. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers de provinces , principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, soient abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français. 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissances, pourront être admis à tous les emplois et les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n'emportera dérogeance. 18. L'Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le « Te deum » soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même. L'assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. Les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera (…). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Décrets_des_4,_6,_7,_8_et_11_août_1789#:~:text=Par%20les%20d%C3%A9crets%20des%204,d%C3%A9truire%20enti%C3%A8rement%20le%20r%C3%A9gime%20f%C3%A9odal%20%C2%BB . Afin de fixer toutes les décisions adoptées depuis le mois de juin, l’Assemblée nationale promulgua le 26 août 1789 la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen . Ce texte s’inspirait de la Déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776. Il reste toujours un texte essentiel pour nous et il a une valeur constitutionnelle car il est cité comme référence dans le préambule de la constitution de la Ve République. Ce texte rappelle tout d’abord les principaux droits applicables à chaque être humain (art. 1, 2, 4 et 17) : l’égalité, la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. Il fixe les bases d’un nouveau système politique démocratique et représentatif : la souveraineté nationale (art. 3 et 6), qui s’exprime également par les contributions remplaçant les impôts (art. 13 et 14). et la séparation des pouvoirs (art. 16). Ce texte garanti enfin les droits individuels : le droit à la sûreté individuelle (art. 7, 8, 9), la liberté d’opinion et d’expression (art. 10 et 11). Bien entendu, en consacrant le droit à la propriété, ce texte ne remettait pas en cause les inégalités sociales. Ce texte fonde la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Document : La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen. Article 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. Article 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. Article 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. Article 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. Article 5. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. Article 6. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Article 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance. Article 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Article 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. Article 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Article 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Article 12. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. Article 13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. Article 14. Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. Article 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Article 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. Article 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. Source : https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789 Avec la promulgation de ce texte, les contemporains pouvaient penser que les Français avaient réussi leur révolution là où d’autres avaient échoué quelques années auparavant (les Pays-Bas et l’actuelle Belgique par exemple) et sans intervention militaire étrangère (les États-Unis). Les années 1790 et 1791 furent un moment de profonde réorganisation de la vie politique, économique et sociale sur la base des principes édictés dans les textes de 1789. Le document suivant, qui témoigne de l'optimisme (un peu forcé) des années 1789-1790, peut être en mis en regard de la gravure des trois ordres placée au début de ce chapitre. Des allégories des trois anciens ordres désormais disparus trinquent à l'égalité nouvelle. Au second plan, un individu peut chasser les oiseaux qui dévorent les récoltes, privilège qui appartenait auparavant aux seuls seigneurs. Document : L’égalité des citoyens après 1789 Source : Le Triple accord : bons françois portons a nous trois, La santé du meilleur des Rois, En servant sa patrie, Liguons nous mes amis, Nous bravons la furie De tous nos ennemis : [estampe] / [non identifié] | Gallica (bnf.fr) 1.2.2 La construction d’un nouvel espace politique A partir de 1789, la population dans son ensemble s’accultura très vite à la nouvelle vie politique. Cette acculturation fut rendue possible par l'essor de la presse lié à la reconnaissance de la liberté d’expression. Elle s’exprima par des manifestations relatives aux prix des denrées alimentaires qui augmentaient sans cesse, par l’intérêt porté aux délibérations de l’Assemblée. Parallèlement, certains nobles, dont le frère du roi, le futur Louis XVIII, commencèrent à émigrer hors du royaume par hostilité envers la Révolution et afin de préparer le retour à l'Ancien Régime. Le 5 octobre 1789 , près de 5 000 femmes de Paris se rendirent à Versailles pour exprimer des revendications économique liées notamment au prix du pain en cette période de disette. A cette occasion, la reine Marie-Antoinette aurait dit : « Ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ». Des altercations éclatèrent, les têtes de quelques gardes furent placées au bout de piques, et les femmes obligèrent la famille royale à revenir à Paris le 6 octobre, afin de rapprocher le roi de son peuple. Le but était surtout de placer le roi sous surveillance en l'installant aux Tuileries. Les femmes, souvent présentes dans les journées révolutionnaires, montrèrent ainsi au grand jour leur engagement politique, leur capacité à organiser des manifestations et à exprimer des revendications. Document : La marche des femmes sur Versailles le 5 octobre 1789. Paris, BnF, Gallica Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:A_Versailles,_%C3%A0_Versailles_5_octobre_1789.jpg Encadré : deux grandes figures féminines de la Révolution Les deux grandes figures féminines de la Révolution furent Théroigne de Méricourt (1762-1817) et Olympe de Gouges (1748-1793), qui comptent parmi les figures fondatrices du féminisme. Théroigne de Méricourt ne participa pas aux journées d'octobre mais elle y fut associée. Elle s'était installée à Versailles pour y suivre les débats politiques. elle fut dénoncée pour avoir porté un vêtement de coupe masculine. Elle réclama l'armement des femmes, elle fut fouettée en public par des femmes proches des Girondins et jetée dans un hospice car elle était considérée comme folle. Olympe de Gouges se fit connaitre comme autrice de pièces de théâtre et de pamphlets politiques sur les questions de l'esclavage et du droit des femmes notamment. Elle rédigea en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne pour répondre au texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et qui reste d'actualité. Proche des Girondins et hostile à Robespierre, elle fut guillotinée le 3 novembre 1793. L'héritage de ces deux femmes est revendiqué à juste titre par les féministes d'aujourd'hui. La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne mériterait de figurer ici dans sa totalité. Nous en indiquons ci-dessous quelques articles particulièrement d'actualité encore aujourd'hui. Document : La Déclaration de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges en 1791. Article premier.  La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. Article 2.  Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression.
 Article 6. 
La loi doit être l'expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

 Article 13. 
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions de la femme et de l'homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie. Source: https://gallica.bnf.fr/essentiels/anthologie/declaration-droits-femme-citoyenne-0 Le 19 octobre 1789, les députés de l'Assemblée vinrent également s’installer à Paris, dans la salle du manège, aux Tuileries. Les députés favorables au renforcement des pouvoirs du roi s’installèrent à droite du président de séance, et les députés partisans d’une réduction de ses pouvoirs s’installèrent à gauche . De ce moment date la différence entre la droite et la gauche en politique. Les députés ainsi réunis formèrent l'Assemblée constituante chargée d'élaborer la constitution du royaume et de réaliser des mesures qui bouleversèrent l'espace et la société de la nouvelle France. Un événement spectaculaire fut la fête de la Fédération , le 14 juillet 1790, pour commémorer l’anniversaire de la prise de la Bastille. Cette fête rassemblait, sur le Champ de Mars, le roi, les députés et les représentants des gardes nationales de toutes les villes de France (environ 100 000 hommes), rassemblés derrière La Fayette, le commandant de la garde nationale de Paris. La Fayette, commandant de la Garde nationale, prêta serment au nom de tous les gardes nationaux venus de toute la France : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ». Puis le roi prêta serment à son tour : « Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois ». En 1880, le 14 juillet devint la fête nationale. Contrairement à ce que l’on croit souvent, il ne s’agit pas de commémorer le 14 juillet 1789, journée d’émeute sanglante, mais de commémorer la fête de la Fédération, journée d’unité et d’unanimité nationale. Document : Charles Monet, La fête de la fédération du14 juillet 1790 sur le Champ de Mars à Paris , 1790. Eau forte, BnF. La fête de la Fédération - Histoire analysée en images et œuvres d’art | https://histoire-image.org/ Le 15 février 1790 les circonscriptions administratives de l’Ancien Régime furent supprimées et remplacées par 83 départements, tous de taille équivalente, et dont le nom venait d’une particularité géographique. Chaque département était géré par un Conseil général élu. A l’échelle encore plus locale, les anciennes paroisses devinrent des communes , au nombre de 40 000 environ, dont le conseil était également élu par tous les citoyens. Chaque commune était dotée de pouvoirs importants pour organiser la police, la justice de paix, l’éducation, et constituer des unités de la gade nationale. Le département et plus encore la commune devinrent le lieu d’exercice de la politique au quotidien. Cette révolution administrative et territoriale eut pour effet d'augmenter considérablement le nombre des agents de l'Etat, tous élus. Alors que 60 000 personnes permettaient de faire fonctionner la monarchie, il en fallait désormais 1,2 million. Au départ, il était prévu de découper le territoire français en carrés de superficie égale. On s'orienta plutôt vers une logique géographique : il devait être possible aux électeurs de se rendre au chef-lieu du département en une journée à pied. Enfin l’activité des clubs , réunissant des députés de l'assemblée constituante dans d’anciens couvents, les Cordeliers (club populaire), les Jacobins (regroupant ultérieurement les députés girondins et les montagnards), les Feuillants (monarchiste) était suivie assidûment par les Parisiens et relayée en province où ces clubs développèrent progressivement un réseau dense. Avec la presse et les manifestations, ces clubs contribuèrent grandement à l’éducation politique des populations Comme l'illustre la gravure suivante, l’unanimité semblait l’emporter en 1790. Le roi était vu comme le protecteur des populations et le garant des réformes mises en place. Document : Les étrennes patriotiques offertes au Roi au nouvel an 1790. Estampe. Paris, BnF. Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8411018b.item Transcription de la légende : Le Vieillard : (illisible) Le Roi : la naïveté qui décorent (sic) ces âmes vertueuses approcheront de mon trône, oui, messieurs, voilà, voilà mes amis. Monseigneur le Dauphin : Ce petit agneau mord-t-il ? La petite fille : Non, Monseigneur, il n’est pas aristocrate Aujourd'hui, les historien·nes remettent en cause l'apparente unanimité de l'année 1790. Les mesures évoquées ci-dessus provoquèrent des conflits, des fractures durables et même des guerres civiles dans le sud-est de la France. En outre, le déroulement de la Fête de la Fédération inquiéta certains révolutionnaires : le peu d'empressement du roi à prêter serment sembla suspect et on accusa La Fayette d'aspirer à une dictature militaire. Mais ce sont surtout les décisions concernant la religion qui mirent le feu aux poudres. 1.2.3 Les premières fractures Dans l'œuvre de l'Assemblée constituante, des fractures apparurent en effet, qui furent lourdes de conséquence pour la suite. La Constitution civile du clergé , adoptée par décret le 12 juillet 1790, abolit les vœux religieux perpétuels et supprima les ordres monastiques. Les biens de l’Église avaient été confisqués et mis à la disposition de la nation le 2 novembre 1789. Ils devinrent les biens nationaux . Leur vente devait permettre de résorber le déficit budgétaire de l’État. En contrepartie, les hommes d’Église recevaient un traitement de l’État et devaient pour cela prêter serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, devant le conseil municipal et les fidèles de la paroisse. Les circonscriptions religieuses étaient désormais calquées sur les nouvelles circonscription administratives : un diocèse par département, une ou plusieurs paroisses par commune. La religion catholique bénéficiait ainsi d'un statut de religion officielle. Cependant, le pape s’opposa à la Constitution civile du clergé et provoqua de profondes dissensions au sein de l’Église catholique. Les prêtres « jureurs » (qui avaient prêté serment) s’opposèrent aux prêtres « réfractaires », bientôt contre-révolutionnaires. Le 27 juillet 1792, il fut décidé que les biens es nobles émigrés à l'étranger soient vendus également comme biens nationaux. La vente de s biens nationaux, les biens de l'Eglise confisqués pour rembourser la dette de l'Etat, fut l'une des mesures fondamentales de la Révolution. Il aurait été possible d'annuler la dette de l'Etat monarchique qui avait été contractée sous l'Ancien Régime. Mais cela aurait conduit à la ruine des grands financiers détenteurs des emprunts d'Etat et proches de certains dirigeants politiques de la Révolution. Les révolutionnaires lancèrent donc un nouvel emprunt sous la forme d'"assignats" souscrits par tous ceux qui le pouvaient et remboursables en biens nationaux. La vente des biens nationaux sous la forme de cet emprunt favorisa un gigantesque transfert de propriété (environ 10 % de la superficie du territoire) vers la bourgeoisie qui acheta à vil prix des propriétés foncières ecclésiastiques ainsi que des bâtiments religieux qui hébergèrent parfois les premières usines françaises. La paysannerie en bénéficia également et put accroitre la taille de ses exploitations agricoles. Ces acquisitions expliquent l'anomalie, comparativement au reste de l'Europe de l'ouest, du maintien d'une paysannerie moyenne en France jusqu'à la fin du XIXe siècle. Cependant, là où la bourgeoisie ne laissa que des miettes aux paysans, ces derniers s'opposèrent ensuite à la Révolution, comme ce fut le cas en Vendée. Les assignats furent par la suite transformés en papier monnaie officiellement garanti par la valeur des biens nationaux encore disponibles. Cependant, les besoins de financement de la guerre conduisirent à une émission excessive de papier-monnaie, hors de proportion avec la valeur effective des biens nationaux. L'assignat se dévalua rapidement, jusqu'à sa suppression en 1795. Evoquons, en effectuant un autre saut chronologique, la création de l’état civil et l’autorisation du divorce, adoptés par décret de l’Assemblée législative du 20 septembre 1792. Depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, les registres paroissiaux (baptême, mariage, enterrement) étaient tenus par le curé de la paroisse. Désormais, l’ état civil (registre des naissances et non plus des baptêmes, mariages civils, décès et non plus des enterrements) était enregistré par un officier d’état civil en mairie. Cette mesure permit d’arracher la mesure des rythmes de la vie de chacun à l’Église, même si les cérémonies religieuses n’étaient nullement interdites. Parallèlement, l’Assemblée constituante prit des mesures contre les artisans et les ouvriers. Le décret d’Allarde, voté les 2 et 17 mars 1791 supprima les corporations qui réglementait les salaires, les normes et la production des corps de métiers de l’artisanat. Il légalisait ainsi la liberté d’entreprise et la libre concurrence. Ce décret fut complétée par la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 qui interdisait tout groupement professionnel et toute « coalition », ce que nous appelons aujourd’hui les syndicats et la grève, notamment pour exprimer des revendications salariales. Ces deux mesures aggravèrent considérablement les conditions de travail et de vie de la classe ouvrière naissante qui ne disposait plus de moyens légaux pour se défendre face au patronat. En juin 1791, la famille royale tenta de s’enfuir des Tuileries pour rejoindre à Metz les armées du marquis de Bouillé composées de nobles émigrés. Elle fut reconnue et arrêtée à Varennes le 21 juin 1791. Cet événement montre que les contre-révolutionnaires commençaient à s’organiser autour des nobles émigrés derrière les frontière de la France qui souhaitaient rétablir la monarchie absolue. Les députés membres du club des Jacobins, Robespierre, Danton, Camille Desmoulins, commencèrent à réclamer la déchéance du roi. La famille royale revint à Paris sous bonne garde. Document : Le retour de la famille royale à Paris, le 25 juin 1791. Gravure coloriée. Paris, Musée Carnavalet. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Retour_Varennes_1791.jpg L'Assemblée, occupée à rédiger la constitution, mit hors de cause la personne du roi. Les partisans de la monarchie constitutionnelle cherchaient à minimiser la trahison du roi en accréditant la légende d’un enlèvement et non pas d’une fuite du roi à Varennes Selon eux, il fallait coûte que coûte parvenir à faire adopter la constitution en cours de rédaction depuis la fin de 1789. Aussi, le 17 juillet 1791, une manifestation populaire, organisée par le club des Cordeliers, eut lieu pour déposer sur l'autel du Champ de Mars une pétition réclamant la déchéance du roi qui avait clairement montré sa trahison en fuyant à Varennes. L'Assemblée ordonna au maire de Paris, Bailly, de disperser le rassemblement et la loi martiale fut proclamée. La manifestation fut violemment dispersée par la Garde nationale sous les ordres de La Fayette qui fit tirer sur la foule. Elle aurait tué une douzaine des personnes. Avant de donner l'ordre de tirer, La Fayette avait fait déployer le drapeau rouge qui, à l'époque, annonçait l'application rigoureuse de la loi martiale et la menace d'une répression violente. Plus tard, ce drapeau fut détourné de son sens premier et repris comme emblème du mouvement ouvrier. Pour la première fois, l'Assemblée (surtout Barnave, le dirigeant des Feuillants monarchistes, la mairie de Paris (Bailly) et la Garde nationale dirigée par La Fayette s'unirent pour réprimer le mouvement populaire. Près de 200 personnes, dont Camille Desmoulins, furent emprisonnées à la suite de cette manifestation, Danton s'enfuit en Angleterre pour échapper à la prison. Le camp révolutionnaire commençait à se fracturer. La rupture était consommée entre le mouvement populaire et certains dirigeants de l'Assemblée. Document : Publication de la loi martiale au Champ de Mars : le 17 juillet 1791 Fusillade du Champ de Mars, le 17 juillet 1791. Gravure à l'eau forte et au burin de Pierre-Gabriel Berthault (1737-1831) d'après un dessin de Jean-Louis Prieur (1759-1795). Source : BnF https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40248685f La constitution de 1791 fut adoptée par l'Assemblée constituante le 30 septembre 1791. Contrairement aux principes affirmés en 1789, la population masculine était divisée entre les citoyens « actifs » qui payaient des impôts et qui avaient le droit de vote, et les citoyens « passifs » (et les femmes) qui ne payaient pas d’impôts et n’avaient pas le droit de vote. Les premiers avaient des droits civiques et les seconds n'avaient que des droits civils. La constitution respectait la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif était attribué à une assemblée législative unique élue par les citoyens actifs. Cependant, cette constitution accordait des pouvoirs très importants au pouvoir exécutif tenu par le roi : ce dernier nommait et dirigeait les ministres, il avait un droit de veto suspensif pendant quatre ans sur les lois votées par l’Assemblée et il était le commandant en chef des armées. Enfin, comme aux Etats-Unis, les juges, au nombre de 15 000, étaient également élus. Les députés de l'Assemblée constituante (Robespierre, Barrère, Barnave, Siéyès, Talleyrand, etc.) ne pouvant se représenter aux élections à l'Assemblée législative, un nouveau personnel politique fut élu en septembre 1791 . Document : La constitution de 1791 Document : Les 745 députés élus à l’assemblée législative en septembre 1791 De gauche à droite : les jacobins (136 députés), les constitutionnels (345 députés), les feuillants (264 députés). Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Diagramme_AN_fran%C3%A7aise_1791.svg Pourtant, à la suite de la fuite à Varennes, le discrédit du roi commençait à l’emporter, et son image à se dégrader au sein du peuple, comme le signale la gravure ci-dessous. Elle oppose l’image du « bon roi » Henri IV à celle du roi Louis XVI représenté en cochon. Document : « Ventre saint-gris où est mon fils ? Quoi ? C’est un cochon ? » . Estampe anonyme, 1791, Paris : Musée Carnavalet. Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8411569c 1.3 La Révolution en guerre 1.3.1 Le déclenchement de la guerre La guerre accéléra la Révolution et provoqua le passage à la république. Le rejet de la Constitution civile du clergé par le pape, la présence d’un nombre croissant de nobles émigrés et contre-révolutionnaires aux frontières nord-est de la France suscitaient l’inquiétude des révolutionnaires. Les nobles émigrés bénéficiaient en outre du soutien des monarchies traditionnelles, l’Espagne, l’Autriche, le Piémont qui voyaient la France révolutionnaire comme un danger pour elles-mêmes. Le camp révolutionnaire, derrière les députés jacobins Brissot et Roland, était persuadé que, à l’instar de ce qui s’était passé récemment aux États-Unis, en Suisse et aux Pays-Bas, la Révolution risquait d'être menacée par une intervention étrangère. Selon eux, il fallait donc agir préventivement en déclarant la guerre aux monarchies européennes. L'objectif des Jacobins était de conquérir en priorité la Belgique et la Hollande actuelles. Le contrôle de leurs ports aurait permis de disputer la suprématie de l'Angleterre sur les mers. Seul, Robespierre (qui n'était plus député mais s'exprimait fréquemment au club des Jacobins) était contre la guerre car il craignait qu’elle ne renforce l’armée et ne donne à un général l’occasion de prendre le pouvoir. Le roi était également favorable à la guerre, mais pour des raisons opposées à celles de Brissot : il en attendait une défaite des armées françaises qui permettrait le rétablissement de la monarchie absolue. Le 12 avril 1792, la guerre fut donc déclarée par l’Assemblée législative au roi de Prusse et au roi (et futur empereur) d’Autriche. Document : La déclaration de guerre de 1792 Louis XVI propose aux députés de l'Assemblée nationale législative de déclarer la guerre au roi de Bohême et de Hongrie (20 avril 1792). Cette proposition est votée par l’Assemblée : « L'Assemblée nationale délibérant sur la proposition formelle du roi, décrète que la guerre sera faite par la nation française au roi de Bohême et de Hongrie ». Gravure allemande de Johann Carl Bock d'après un dessin de C. Heydeloff, 1792. Source : Gallica. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84115345/12148 De nombreux volontaires affluèrent à Paris. Parmi eux, Rouget de Lisle composa la Chant de guerre pour l’armée du Rhin , vite appelé La Marseillaise . Le roi entrava les efforts militaires de son propre pays. Il opposa son veto à diverses mesures, dont la construction d’un camp militaire pour protéger Paris en cas d’invasion. En outre, les armées françaises subirent des défaites plus ou moins provoquées par des officiers, anciens nobles hostiles à la Révolution. Le 25 juillet 1792, le manifeste de Brunswick , le général en chef de l’armée prussienne, mit le feu aux poudres. Brunswick menaçait de détruire Paris et sa population si la famille royale était mise en danger. Loin de terroriser la population parisienne, ce manifeste, qui prouvait la collusion du roi avec les armées ennemies, rendit les Parisiens encore plus déterminés. Ils exigèrent, en vain, de l’Assemblée législative qu’elle dépose le roi . Document : Le manifeste de Brunswick, adressé aux Parisiens, 25 juillet 1792 Sa Majesté l’Empereur et Sa Majesté le roi de Prusse appellent et invitent à retourner sans délai aux voies de la raison et de la justice, de l’ordre et de la paix. C’est dans ces vues que moi, soussigné général commandant en chef des deux armées déclare : Que les généraux, officiers, bas-officiers et soldats des troupes de la ligne française sont tous sommés de revenir à leur ancienne fidélité et de se soumettre sur le champ au roi leur légitime souverain. Que la ville de Paris et tous ses habitants sans distinction seront tenus de se soumettre sur le champ et sans délai au roi, de mettre ce prince en pleine et entière liberté et de lui assurer, ainsi qu’à toutes les personnes royales, l’inviolabilité et le respect auxquels le droit de la nature et des gens obligent les sujets envers les souverains ; leurs Majestés impériale et royale rendant personnellement responsables de tous les évènements, sur leur tête, pour être jugés militairement sans espoir de pardon, tous les membres de l’Assemblée Nationale, du département, du district, de la municipalité et de la garde nationale de Paris, les juges de paix et tous autres qu’il appartiendra, sur leur foi et parole d’empereur et de roi. Que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage à Leurs Majestés, le roi, la reine et la famille royale, s’il n’est pas pourvu immédiatement à leur sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés coupables d’attentats aux supplices qu’ils auront mérités. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_de_Brunswick Document : Les sans-culottes en armes. Gouache de J.-B. Lesueur, 1793-1794, Paris, Musée Carnavalet. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sans-culottes_en_armes_-_Lesueur.jpg 1.3.2 La proclamation de la République L'Assemblée législative refusa de déposer le roi. Aussi, le 10 août 1792, les sans-culottes de Paris (terme au départ péjoratif désignant le peuple parisien d’artisans et de petits commerçants politisés qui portaient des pantalons et pas des culottes) organisés en Commune insurrectionnelle attaquèrent le palais des Tuileries. Au terme de combats sanglants qui firent près d'un millier de morts, ils s’emparèrent de la famille royale et la jetèrent dans la prison du Temple. L’estampe ci-dessous ne montre pas tellement l’état physique supposé du roi mais surtout la déconsidération totale de l’image royal et de la monarchie constitutionnelle. Document : « Louis le dernier et sa famille conduits au Temple le 13 aoust 1792 ». Estampe anonyme, Paris, BnF. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Louis_le_dernier_et_sa_famille_conduits_au_Temple_le_13_aoust_1792_%28etching,_29,5_x_40,5_cm%29_%28cropped%29.jpg Dans les jours qui suivirent, l’avancée des armées prussienne et autrichienne provoqua la panique de la population. On apprit en outre le déclenchement de la révolte de Saint-Domingue accompagnée, elle aussi, d’atrocités. Certains députés apeurés pensèrent quitter Paris. Le 2 septembre, Danton prononça son plus célèbre discours à l'Assemblée législative où, pour galvaniser la population, il s'exclama : "Pour les vaincre, messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France est sauvée". Mais l'inquiétude se fit croissante. Entre le 3 et 6 septembre, lors des massacres de septembre , les sans-culottes massacrèrent plus d'un millier de prisonniers détenus dans les prisons parisiennes car une rumeur accusait ces derniers d’ourdir un complot contre-révolutionnaire. L’armée française remporta une première victoire à Valmy , le 20 septembre 1792. Elle mit un coup d’arrêt définitif à la menace prussienne et autrichienne contre Paris. A l’annonce de cette victoire, le 21 septembre, lo rs de sa première réunion publique, la Convention abolit la royauté . Cette décision équivalait à proclamer la République qui, cependant, ne fut pas officiellement proclamée. Le député Billaud-Varenne fit décider que, à compter du 22 septembre 1792, « La Convention nationale décrète que tous les actes publics porteront dorénavant la date de l'an premier de la République française ». Certains s’attachèrent alors à rédiger un nouveau calendrier. Cette première République dura de 1792 à 1799, date de la prise de pouvoir par Bonaparte. Document : Expédition en province du décret pris par la Convention lors de sa première séance et portant abolition de la royauté, signée par Pétion, président, Brissot et Lasource, secrétaires de séance. Source : Archives nationales, AE/II/1316. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:D%C3%A9cret_de_la_Convention_abolissant_la_Royaut%C3%A9,_21_septembre_1792.png Transcription : « DÉCRET de l’Assemblée nationale du vingt et un septembre 1792. L’an quatrième de la Liberté. La convention nationale décrète à l’unanimité que la royauté est abolie en France. Collationné à l’original par nous, Président et Secrétaires de la convention nationale à Paris, le 22 septembre 1792, l’an premier de la république française.  (signé) Pétion, Brissot, Lasource» La Convention, la nouvelle assemblée qui se réunit à partir du 21 septembre 1792, remplaçait l’Assemblée législative. Celle-ci n’avait plus lieu d’être après la déchéance du roi qui rendait caduque la constitution de 1791. La Convention était une assemblée unique exerçant à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et dont le rôle était de rédiger la constitution du régime républicain. Mais surtout, les députés de la Convention avaient été élus au suffrage universel masculin au début du mois de septembre 1792. Cependant, moins de 10 % du corps électoral avait voté car le scrutin n'avait put se tenir dans les territoires envahis par les armées étrangères et parce que, ailleurs, la lassitude et la peur avaient découragé les électeurs. Cette convention était dominée par les députés girondins (Brissot, Vergniaud, Rolland, Condorcet), libéraux et proches de la bourgeoisie d’affaire, et les députés montagnards (Danton, Marat, Robespierre, Saint-Just, Camille Desmoulins), qui devaient leur nom au fait qu’ils siégeaient sur les bancs situés en haut de la Convention. Ces derniers étaient plus proches du peuple et des sans-culottes. Girondins et Montagnards étaient tous issus du club des Jacobins, mais la montée des périls avais mis en évidence leurs divisions. Cependant, la majorité des députés était centriste (regroupés dans la Plaine ou le Marais, dont les députés, comme Siéyès, étaient surnommés les "crapauds" par leurs opposants). Le Marais soutint les girondins dans un premier temps puis les montagnards dans un second temps. Document : Les 749 députés de la Convention nationale élus en septembre 1792 De gauche à droite : les Montagnards (200 députés), le Marais (389 députés), les Girondins (160 députés). Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:French_National_Convention,_1792.svg La vie politique se structura autour de la rivalité entre la Convention et la Commune de Paris, émanation des 48 sections de Paris (l'équivalent des vingt arrondissements de Paris actuels) au sein desquelles le peuple de Paris débattait démocratiquement, votait des motions et cherchait à influencer les votes de la Convention. Deux pouvoirs, dont l'une était subordonné à l'autre, coexistaient. La Convention, émanation d'une démocratie représentative, était composée de députés issus de milieux favorisés, plus ou moins favorables au peuple, élus par les citoyens de tout le pays. En revanche, la Commune, incarnation d'une démocratie directe, était animée par des sans-culottes parisiens qui représentaient le groupe révolutionnaire le plus avancé et qui avaient mené l'assaut contre les Tuileries le 10 aout 1792. Leur objectif n'était pas de prendre le pouvoir, mais de faire pression sur la Convention pour qu'elle adopte des mesures favorables au peuple. Les deux pouvoirs connurent une situation d'équilibre émaillée de graves tensions, de l'automne 1792 au printemps 1794. Puis la Convention l'emporta et mit fin au mouvement populaire. La première grande affaire de la Convention fut le procès du roi, entre le 10 décembre 1792 et le 20 janvier 1793. Les députés débattirent tout d'abord de la possibilité de juger le roi. La découverte de "l'armoire de fer" aux Tuileries, renfermant des documents et de lettres échangées entre le roi et les émigrés massés au frontières, convainquit tous les députés de sa trahison et de la nécessité de le juger. La Convention, transformée en tribunal, condamna le roi à mort. Plus précisément, 691 députés le jugèrent coupable et 387 votèrent la peine de mort, contre 334. Il s’agissait de faire disparaître un symbole plus qu’un homme, comme l’expliqua Robespierre : « Il faut que Louis meure parce qu'il faut que la patrie vive ». Le roi fut exécuté le 21 janvier 1793 sur l'actuelle place de la Concorde. Cette exécution, perçue comme une déclaration de guerre à toutes les monarchies, fut l’une des raisons de l’entrée en guerre de l’Angleterre le 1er février 1793, aux côtés des autres monarchies européennes dans le cadre de la première coalition. Mais la principale raisons de l'entrée en guerre de l'Angleterre fut l'invasion de la Belgique puis de la Hollande par les troupes françaises qui menaçaient alors directement les intérêts commerciaux britanniques. La situation de la Révolution devint très difficile : il fallait développer l’effort de guerre contre les puissances européennes coalisées, mais aussi contre de nombreuses révoltes qui éclatèrent en même temps en France, notamment contre les recrutements forcés dans l’armée. 2. Intermède : de l’exécution du roi à la fin de la Révolution (1793-1799) Le programme de CM1 fait l’impasse sur les événements qui se déroulèrent entre l’exécution du roi et l’arrivée au pouvoir de Bonaparte en 1799. Je vais prendre le risque de résumer très grossièrement cette période pourtant essentielle de la Révolution. 2.1. Vers la Convention montagnarde Au printemps 1793, comme nous le savons, la Convention était dominée par les Girondins soutenus par les députés du centre. Mais ils semblèrent vite incapables de prendre des mesures fortes pour préserver la Révolution face aux ennemis extérieurs et intérieurs. Les Vendéens se révoltèrent contre la levée des 300 000 hommes décidée le 24 février 1793 par la Convention pour aller combattre les puissances coalisées. Les paysans vendéens ne souhaitaient pas défendre la Révolution qui leur avait peu apporté. En effet, la bourgeoisie urbaine avait racheté la plus grande partie des biens nationaux de la région et les avait ainsi empêché d'en acquérir et d'agrandir leurs exploitations agricoles. Cette révolte, au départ populaire et dirigée par le voiturier Cathelineau, fut captée ensuite par les monarchistes (Charette, La Rochejacquelin). Les Vendéens constituèrent une véritable armée qui s'empara de toutes les villes de la "Vendée militaire" (nord du département de la Vendée, sud-ouest du département du Maine-et-Loire, sud du département de la Loire inférieure) mais échoua devant Nantes. En même temps, en raison des troubles et de la guerre, le prix des subsistances ne cessait d'augmenter à cause de l'inflation. En effet, pour régler les frais de la guerre, la Convention fit imprimer de plus en plus d'assignats, dans des proportions sans commune mesure avec la valeur des biens nationaux censés garantir leur valeur. En conséquence, la valeur réelle des assignats s'effondra. Attachés au libéralisme économique, les Girondins refusaient le contrôle des prix des denrées, ce qui rendait encore plus difficile la situation du peuple des villes. Au printemps 1793, les porte-paroles des sans-culottes étaient ceux que l'on appelait les Enragés, Jacques Roux (un ancien prêtre), Théophile Leclerc et Jean Varlet, ainsi que Claire Lacombe, la dirigeante de la Société des femmes révolutionnaires. Ils étaient issus d'un milieu aisé et avaient bénéficié d'une bonne instruction mais ils connaissaient la misère et vivaient parmi les pauvres de la section des Gravilliers, dans le nord de Paris. Ils critiquaient la bourgeoisie, y compris la bourgeoisie révolutionnaire, et réclamaient la réquisition des profits des profiteurs de guerre et de ceux qui spéculaient sur les prix des produits alimentaires. Les sans-culottes parisiens, regroupés au sein de la Commune de Paris et dirigés par les Enragés, envahirent la Convention et imposèrent l’élimination des Girondins le 30 mai et le 2 juin 1793. Désormais, la Convention fut dirigée durant une année par les Montagnards, dont les chefs étaient Robespierre et Danton, et bénéficiant du soutien des députés du Marais. Aussitôt après leur prise du pouvoir, les Montagnards exigèrent de la Commune qu'elle se débarrasse des Enragés qui leur avaient permis de prendre le pouvoir, au prétexte que Jacques Roux avaient tenu un discours trop virulent contre la vie chère devant la Convention. Ce dernier fut jeté en prison, y resta de longs mois et se suicida le 10 février 1794 pour échapper à la honte de la comparution devant le Tribunal révolutionnaire. Il ne voulait pas être assimilé aux contre-révolutionnaires qui y étaient habituellement jugés. Hébert, un démagogue proche des Montagnards, qui avait contribué à la liquidation des Enragés, se positionna désormais comme le porte-parole des sans-culottes, notamment avec son journal Le père Duchesne . Il s'efforça de canaliser le mouvement populaire. Il lança à cet effet, en septembre 1793 le mouvement de la déchristianisation qui correspondait cependant à un souhait profond des sans-culottes hostiles à l'Eglise : fermetures d'églises, mascarades anti-religieuses, transformation d'un grand nombre de noms de lieux portant un nom de saint, etc. Au même moment, sous la pression populaire, le Maximum des prix fut voté par la Convention, le 29 septembre 1793 : le prix des denrées ne pouvait dépasser un prix maximum fixé par la loi. Cette mesure coercitive était un moyen d'assurer la subsistance du peuple en limitant autoritairement l'inflation. Le 24 juin 1793, la Convention, conformément à son mandat originel, avait élaboré une nouvelle constitution, dite de l'an II ou de 1793. Cette constitution était très courte et reste un texte fondamental de la démocratie sociale et politique. Cependant, elle fut suspendue en attendant le retour à la paix, et ne fut jamais appliquée. Parallèlement, de nombreux députés girondins, ayant fui Paris en juin 1793, poussèrent de nombreuses régions à se soulever dans le cadre de la révolte dite "fédéraliste". En effet, au nom de la liberté politique et économique, les Girondins étaient hostiles à la centralisation parisienne. Ils défendaient l'idée d'une nation composée d'une fédération de provinces, un peu sur le modèle américain. Dès lors, une grande partie de la France (la Vendée, Lyon, Toulon et près de 60 départements au total) échappa à l’autorité de Paris, comme l'indique la carte ci-dessous. Source : Hors-série du journal Le Monde , 2009. De fait, les victoires et les défaites eurent une profonde incidence sur le cours de la Révolution. Les défaites contraignaient la bourgeoisie révolutionnaire à faire des concessions au mouvement populaire pour bénéficier de son engagement contre les ennemis de la Révolution, les victoires militaires renforçaient la bourgeoisie révolutionnaire et conduisaient à un assouplissement des mesures révolutionnaires. La perte de Longwy et de Verdun en août 1792 renforcèrent la Commune de Paris, la prise de Toulon par les Anglais le 27 août 1793 préluda à la mise en place du maximum des prix exigé par les sans-culottes. A l'automne 1793, la situation militaire se retourna : Lyon fut reprise le 9 octobre 1793, les Vendéens furent écrasés le 17 octobre et Toulon fut reprise par Bonaparte le 19 décembre. Dès lors les sans-culottes perdirent leur rôle moteur dans la Révolution car le Comité de salut public avait moins besoin d'eux. Les députés de la Convention, toujours méfiants à l'égard du mouvement populaire, décidèrent d'affaiblir la Commune de Paris en lui retirant ses forces de police le 4 décembre 1793. 2.2. La défense de la Révolution Face aux menaces, il fut nécessaire de prendre des mesures fortes pour sauver la Révolution. Aujourd'hui encore, les historien.nes débattent de la pertinence du terme de "Terreur". Le 5 septembre 1793, les sans-culottes parisiens avaient exigé de mettre "la terreur à l'ordre du jour". Par la suite, la période qui s'écoula de mars 1793 à juillet 1794, fut nommée la Terreur. Pour certain·es historien·nes, cette période ne fut pas celle de la "Terreur" car elle ne fut jamais mise officiellement à l’ordre du jour. Ce terme, qui désigne une politique centralisée, appliquée impitoyablement par un dictateur, Robespierre, aurait surtout été une invention de ses collègues du Comité de Salut public pour justifier leur coup d'Etat contre Robespierre en juillet 1794. Cependant, l'adoption de mesures très fortes à partir de septembre 1793 avait effectivement pour objectif d'inspirer la terreur aux ennemis de la Révolution. Ces mesures très fortes furent imposée par la Convention montagnarde qui, de mai 1793 à juillet 1794, avait organisé un « gouvernement révolutionnaire », constitué de plusieurs instances émanant de la Convention qui restait l'organe central du pouvoir, comme l'indique le schéma ci-dessous. Le Comité de sureté générale (dont fit partie le peintre David) se chargeait d'arrêter les suspects. Le statut de suspect avait été défini par la "loi des suspects", le 17 septembre 1793. Le Tribunal révolutionnaire (dirigé par Fouquier-Tinville) jugeaient les "suspects" qui étaient considérés comme des traitres à la nation : les girondins, des aristocrates mais aussi des femmes (Olympe de Gouges, Madame Rolland, Marie-Antoinette). Du 6 avril 1793 à mars 1794, le Tribunal révolutionnaire jugea 1 425 personnes et condamna à mort 624 d'entre elles. Les autres acquittées. Le Comité de salut public (présidé par Robespierre) exerçait le pouvoir exécutif sous le contrôle de la Convention. Il lui incomba de prendre des mesures radicales sous la pression des sans-culottes, sur le plan économique (contrôle du prix "maximum" des denrées et du montant des salaires par la loi du 29 septembre 1793) et sur le plan militaire (organisation d’une économie de guerre, enrôlements massifs de soldats par "la levée en masse" décidée par la loi du 23 août 1793). Contrairement à ce qui se dit souvent, La Convention montagnarde ne s'est pas résumée en une dictature du Comité de salut public présidé par Robespierre. Le terme de Convention désigne ici l'ensemble des instances qui émanaient de l'Assemblée et qui étaient composées de députés élus en septembre 1792. Le pouvoir législatif était donc central et la Convention était très démocratique dans son principe. Encadré : les douze membres du Comité de salut public (les "Douze") Robespierre (1758-1794) : direction du Comité de salut public, liaison avec la Convention et le club des Jacobins Barrère (1755-1841) : instruction publique et diplomatie Billaud-Varenne (1756-1819) : correspondance avec les représentants en mission Carnot (1753-1823) : armées et stratégie militaire Collot d'Herbois (1749-1796) : correspondance avec les représentants en mission Couthon (1755-1794) : politique générale (proche de Robespierre) Hérault de Séchelles (1754-1794) : diplomatie (auxiliaire de Barrère) Jeanbon Saint-André (1749-1813) : en mission dans les départements Lindet (1746-1825) : ravitaillement Prieur de la Côte-d'Or (1763-1832) : armement (auxiliaire de Carnot) Prieur de la Marne (1756-1827) : en mission dans les départements Saint-Just (1767-1794) : missions auprès des armées du Nord et du Rhin (proche de Robespierre) Document : J.-B. Lesueur, cinq militants révolutionnaires, 1793. Sous chaque personnage, de g. à d. : « Terroriste Jacobin exaltant le Journal de Marat. » « Enragé Patriote. Ces hommes exaltés par la lecture du Journal de Marat, alloient criant qu’il faloit tuer tous les Aristocrates et les Riches. » « Terroriste lisant un Journal, et mécontent de ce qu’il contient. » « Jacobin réfléchissant sur la manière de gouverner la france. » « Terroriste du temps de Robespierre payé pour susciter des querelles et occasioner des arrestations. »  Source : https://journals.openedition.org/ahrf/13170 Document : le plan de Paris sous la Convention. Source: hors-série du journal Le Monde , 2009 Pour gagner le soutien de la population et l’attacher à l’idée républicaine, des mesures de bienfaisance furent prises en faveur des pauvres, des paysans, et de l’école, par les "décrets de Ventôse", les 26 février et 3 mars 1794 (8 et 13 ventôse an II). A cette occasion, Saint-Just, député proche de Robespierre, prononça deux discours célèbres qui constituèrent par la suite la référence de toute république sociale. Document : extraits de discours de Saint-Just "La force des choses nous conduit peut-être à des résultats auxquels nous n'avions point pensé. L'opulence est entre les mains d'un assez grand nombre d'ennemis de la Révolution, les besoins mettent le peuple qui travaille dans la dépendance de ses ennemis. Concevez-vous qu'un empire puisse exister si les rapports civils aboutissent à ceux qui sont contraires à la forme du gouvernement ? " (Discours du 8 ventôse an II) "Le bonheur est une idée neuve en Europe" (Discours du 13 ventôse an II) N’oublions pas l’abolition de l’esclavage, le 4 février 1794 (16 pluviôse an II) dans toutes les colonies (sauf la Martinique occupée par els Anglais), décision prise en lien avec la guerre civile qui ravageait alors le territoire de Saint-Domingue. Document : La loi abolissant l'esclavage, 4 février 1794 "La Convention nationale déclare que l'esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouissent de tous els droits assurés par la Constitution". Le 26 octobre 1793 fut adopté le calendrier révolutionnaire destiné à désacraliser le temps. Il commençait le 22 septembre 1792, le premier jour de la République et il était composé de 12 mois dont les noms furent créés par Fabre d’Églantine (l’auteur de la chanson « il pleut, il pleut bergère ») en lien avec les saisons. Il resta en vigueur jusqu'en 1806. Document : Le calendrier républicain, en usage de 1793 à 1806 Mois d'automne (terminaison en -aire , du latin -arius , suffixe adjectival) Vendémiaire (22/23/ 24 septembre ~21/22/ 23 octobre ) – Période des vendanges Brumaire (22/23/ 24 octobre ~20/21/ 22 novembre ) – Période des brumes et des brouillards Frimaire (21/22/ 23 novembre ~20/21/ 22 décembre ) – Période des froids ( frimas ) Mois d'hiver (terminaison en -ôse , du latin -osus , « doté de ») Nivôse (21/22/ 23 décembre ~ 19/20/ 21 janvier ) – Période de la neige Pluviôse (20/21/ 22 janvier ~ 18/19/ 20 février ) – Période des pluies Ventôse (19/20/ 21 février ~ 20/ 21 mars ) – Période des vents Mois du printemps (terminaison en -al , du latin -alis , suffixe adjectival) Germinal (21/ 22 mars ~19/ 20 avril ) – Période de la germination Floréal (20/ 21 avril ~ 19/ 20 mai ) – Période de l'épanouissement des fleurs Prairial (20/ 21 mai ~18/ 19 juin ) – Période des récoltes des prairies Mois d'été (terminaison en -idor , du grec dôron , don) Messidor (19/ 20 juin ~ 18/ 19 juillet ) – Période des moissons Thermidor (19/ 20 juillet ~ 17/ 18 août ) – Période des chaleurs Fructidor (18/ 19 août ~ 16/ 17 septembre ) – Période des fruits Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Calendrier_républicain L es mesures extrêmes sauvèrent la Révolution qui parvint à résorber les guerres civiles en France (y compris au prix de nombreux massacres en Vendée) et qui remportèrent des victoires à l'extérieur. Les représentants en mission envoyés en province par le Comité de salut public jouèrent à cet égard un rôle décisif. Saint-Just, représentant en mission auprès des armées, parvint à galvaniser les armées révolutionnaires. En revanche, parmi ces représentants en mission, quelques affairistes commirent des atrocités sous couvert de défense de la Révolution : Carrier à Nantes, Fouché à Lyon, Barras à Toulon. La menace extérieure fut définitivement repoussée grâce aux victoires militaires de juin 1794, notamment la victoire de Fleurus, le 26 juin 1794, qui permit de prendre ensuite Bruxelles et Anvers. Dès lors, les mesures extrêmes semblaient moins nécessaires, d’autant plus que Robespierre avait perdu le soutien des sans-culottes en neutralisant, à sa gauche, les Enragés puis en faisant exécuter le 4 germinal an II (24 mars 1794) les Hébertistes qui réclamaient davantage de mesures contre la vie chère dont souffrait le peuple. Le même jour parut un nouveau maximum "allégé" qui fit augmenter le prix des denrées au détriment des conditions de vie du peuple. A sa droite, Robespierre fit également exécuter le 16 germinal an II (5 avril 1794) ses alliés compromis dans des malversations de la Compagnie des Indes et partisans de l'indulgence envers les ennemis de la révolution (les "Indulgents" : Danton, Camille Desmoulins, Fabre d'Eglantine). La veille de son exécution, Danton aurait décl aré : "Si encore je pouvais donner mes jambes à Couthon [ qui était infirme ] et mes couilles à Robespierre, tout irait encore très bien... ". Sur l'échafaud, le 5 avril 1794, il aurait dit au bourreau : "Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut bien la peine". Désormais, dépourvu du soutien populaire des sans-culottes et du soutien des députés de la Convention favorables à Danton, le gouvernement révolutionnaire ne pouvait se maintenir que par la répression brutale : du 11 juin au 27 juillet, le Tribunal révolutionnaire prononça 796 condamnations à mort, soit 26 exécutions par jour en moyenne. La guillotine fut alors déplacée de la place de la Révolution (place la Concorde) à la place du Trône (place de la Nation) pour déporter aux limites de Paris l'odeur écœurante du sang qui en résultait. Parallèlement, la fête en l'honneur de l'Etre suprême fut célébrée à Paris le 8 juin 1794 sous l'autorité de Robespierre. Selon l'historienne Annie Jourdan, certains mon tagnards (Barrère, Carnot, et des techniciens membres du gouvernement révolutionnaire et hostiles au peuple) et certains députés du Marais inventèrent alors de le terme de « Terreur » pour discréditer Robespierre qu'ils présentèrent comme un dictateur, alors qu'ils l'avaient toujours soutenu jusqu'alors. Maintenant que les armées révolutionnaires avaient éloigné la menace des puissances étrangères avec la victoire de Fleurus notamment, ils souhaitaient mettre fin au régime de contrainte pour que le commerce puisse reprendre dans un marché libéré des contraintes du maximum des prix. Dans le même ordre d'idées, le 21 juillet 1794, fut adopté à Paris un nouveau Maximum des salaires qui abaissait ces derniers. La hausse des prix et la baisse des salaires jetaient les sans-culottes dans la misère et contribuèrent à l'enrichissement de la bourgeoisie révolutionnaire. Robespierre fut donc renversé par un coup d'Etat mené par ses collègues du Comité de salut public le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et exécuté le lendemain. Le 10 thermidor, 109 montagnards furent exécutés, dont Robespierre, Saint-Just et Couthon. Les sans-culottes, déçus par Robespierre et la Convention montagnarde, ne réagirent pas. Dans toute la France, les partisans des montagnards furent alors pourchassés et massacrés. Dès lors, les jeunes gens de la bourgeoisie se vengèrent de l'austérité imposée par le mouvement populaire depuis deux ans. Les "incroyables" et les "merveilleuses" s'habillèrent de vêtements extravagants et donnèrent des fêtes somptueuses alors que le peuple de Paris mourrait littéralement de faim. Parmi eux, les "muscadins" contre-révolutionnaires manièrent le gourdin contre les révolutionnaires. Document : J.-B. Lesueur, Sept personnages féminins (après 1794) . Musée Carnavalet. Sous chaque personnage, de g. à d. : « N° 11/Muscadine s’hyvernant au Palais-Royal. » « Cheveux en vrille et spincer ouvert. » « Chapeau de tafetas plissé, et gance d’or. » « 21/Poissarde » « Femmes à l’antique, avec les Rubans croisés. » « Jeune Marchandes des Halles. »  Source : https://journals.openedition.org/ahrf/13170 Document : J.-B. Lesueur, Misère et pénurie à Paris, entre 1794 et 1796 Musée Carnavalet, Histoire de Paris. Source : https://www.parismuseescollections.paris.fr/es/node/111723#infos-principales 2.3. La réaction politique : le Directoire Les membres de la Convention (les députés du Marais ainsi que certains montagnards qui avaient changé de camp au moment opportun, tels que Carnot, Fouché, Barras) rédigèrent la Constitution de l’an III (octobre 1795), celle du Directoire, une république conservatrice revenue au suffrage censitaire. Ce régime politique obéissait à des principes inverses de ceux de la Convention : suffrage censitaire, séparation des pouvoirs, bicamérisme (Conseil des cinq-cents, Conseil des anciens), morcellement du pouvoir exécutif exercé par cinq directeurs. Document : La constitution de l'an III (1795) Depuis lors, dans le champ des sciences politiques, le vocable de "Thermidor" est synonyme de l'arrêt d'une révolution par certains de ceux qui y avaient participé, et de la répression brutale du mouvement révolutionnaire. Ce nouveau régime chercha à établir une forme de stabilité politique en réduisant les libertés, en mettant fin aux lois sociales et en rétablissant la liberté des prix et du marché (le Maximum fut totalement aboli le 9 décembre 1794), en réprimant alternativement le mouvement populaire et la menace royaliste par la mise en place d'un appareil policier très efficace. Une alliance classique de libéralisme économique et répression politique. Le mouvement populaire, épuisé par plusieurs années de guerre civile et de combats politiques, affaibli par la misère et par la faim (le retour au libéralisme économique avait provoqué une hausse considérable du prix des denrées), s'étiola rapidement. La dernière émeute de la faim, du 20 au 23 mai 1795, fut violemment réprimée et marqua la fin du mouvement sans-culotte. En 1797, la "conjuration des Egaux" qui visait le renversement du gouvernement et le retour à la constitution de 1793 fut déjouée et son dirigeant, Gracchus Baboeuf, considéré comme le premier communiste de l'histoire, fut guillotiné. Parallèlement, la guerre civile en France se poursuivait. Si la révolte des Vendéens avait été écrasée lors de la bataille de Savenay en décembre 1793, les troubles se poursuivirent dans l'ouest de la France avec la chouannerie. Afin d'échapper au service militaire obligatoire instauré par la loi Jourdan du 5 septembre 1798, des jeunes gens prirent le maquis et gonflèrent les effectifs des royalistes. En outre, le Directoire se maintint au pouvoir par une série de coups d'Etat. En effet, la constitution de l'an III prévoyait le renouvellement par tiers des assemblées, chaque année. Lors des élections de 1797, les royalistes remportèrent les élections dans les deux assemblées. Pour éviter de perdre le pouvoir, les Directeurs dirigés par Barras, firent arrêter par l'armée les principaux chefs royalistes qui furent déporté au bagne en Guyane, surnommé "la guillotine sèche", lors du coup d'Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797). Les nouvelles élections donnèrent l'avantage aux Jacobins nostalgiques de la Terreur. Certains d'entre eux furent alors arrêtés par l'armée lors du coup d'Etat du 22 floréal an VI (11 mai 1798). Ce régime se maintenant donc en place par des coup d'Etat militaire qu'il commanditait lui-même. Le rôle de l'armée s'accrut encore grâce aux victoires militaires remportées aux Pays-Bas et en Italie en 1796. Les généraux victorieux, parmi lesquels Bonaparte, créèrent dans les territoire conquis les « Républiques-sœurs » proclamées avec l'aide de patriotes locaux et associées à la République française. Document : Les républiques sœurs. Source: Jean-Marc Schiappa, La Révolution française 1789-1799. Librio, 2005. Les soldats révolutionnaires de 1792-1793 d'étaient mués en soldats professionnels dévoués à leurs généraux plutôt qu'à la Révolution. Le pillage des territoires conquis permettait de renflouer le budget de la France et faisait dépendre la survie du régime de la bonne volonté des généraux. Les anciens députés du Marais, et notamment Siéyès, firent alors appel à Bonaparte, rendu très populaire par ses victoires en Italie et en Égypte, pour réaliser un nouveau coup d'Etat afin d'instituer un régime plus fort et plus stable. Bonaparte prit le pouvoir par le coup d’État du 18 et 19 brumaire an VIII (9 et 10 novembre 1799). Le 19 brumaire, Bonaparte et ses soldats envahirent le corps législatif pour prendre le pouvoir. Cet événement marque traditionnellement la fin de la Révolution. Document : Séance du Conseil des Cinq-Cents tenue à St Cloud le 19 brumaire an huit : les braves grenadiers du corps législatif en sauvant Buonaparte ont sauvé la France, par Jean-Baptiste MORRET. Encre sur papier, 1799. © BnF Source: https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/iconographie/seance-du-conseil-des-cinq-cents-tenue-a-st-cloud-le-19-brumaire-an-huit-les-braves-grenadiers-du-corps-legislatif-en-sauvant-buonaparte-ont-sauve-la-france/ 3. De la Révolution à l’Empire Le régime politique mis en place par Napoléon Bonaparte constitue un problème historique : cette dictature militaire d'apparence monarchique marquait-elle un retour à l'Ancien Régime ou bien marquait-elle une forme de stabilisation de l'héritage révolutionnaire ? 3.1 Le Consulat 1799-1804 3.1.1 L’instauration du Consulat Après le coup d’État des 18 et 19 Brumaire an VIII , Bonaparte mit en place le Consulat avec Siéyès (ancien élu du Tiers état en 1789, de la Convention et du Directoire) et Ducos (ancien élu de la Convention et du Directoire). Le Consulat fut instauré par la constitution du 4 nivôse de l’an VIII (26 décembre 1799). A cette occasion, les trois consuls proclamèrent la fin de la Révolution : Les consuls de la République aux Français : Une constitution vous est présentée. Elle fait cesser les incertitudes que le Gouvernement provisoire mettait dans les relations extérieures, dans la situation intérieure et militaire de la République. Elle place dans les institutions qu'elle établit les premiers magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à son activité. La Constitution est fondée sur les vrais principes du Gouvernement représentatif, sur les droits sacrés de la propriété, de l'égalité, de la liberté. Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent être pour garantir les droits des citoyens et les intérêts de l'Etat. Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie. Document : Proclamation des Consuls de la République du 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799). Source : documentation photographique n°8141, p. 61. En apparence, cette constitution était démocratique car le suffrage universel masculin était restauré. Mais les électeurs n’élisaient que des listes de candidats à partir desquelles les membres des assemblées législatives étaient désignés par les sénateurs, eux-mêmes désignés par le premier consul. Le pouvoir législatif était réparti entre trois assemblées au pouvoir réduit et qui se neutralisaient réciproquement. Le pouvoir exécutif était partagé entre trois consuls dont le plus important était le premier consul, c’est-à-dire Bonaparte. Les deux autres consuls, Siéyès et Ducos dans un premier temps, Cambacérès et Lebrun ensuite, n’avaient qu’un rôle consultatif. Les pouvoirs de Bonaparte étaient très étendus : il dirigeait l’armée, il exécutait les lois, il nommait aux principales fonctions publiques, il pouvait proposer des lois. Une innovation importante fut celle du plébiscite (l'ancêtre de nos referendums) consistant à consulter directement les citoyens sur des modifications de la constitution. Document : La constitution de l’an VIII (le consulat) et de l’an XII (Empire) Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Constitution_an_VIII_et_le_Empire_Francais.png Document : Portrait de Napoléon Bonaparte en costume de premier consul en 1802 , par Antoine-Jean Gros. Source : https://fr.vikidia.org/wiki/Fichier:Bonaparte_premier_consul.png De fait, le consulat était une dictature militaire féroce. Très vite, une soixantaine de journaux d’opposition furent interdits, des milliers d'opposants politiques furent emprisonnés ou exilés. Entre 1800 et 1802, près de 3 000 personnes furent condamnées à mort. Le ministère de la police générale se trouvait sous l’autorité de Fouché (1759-1820), ancien prêtre et ancien membre de la Convention montagnarde, qui avait violemment réprimé la révolte de Lyon en 1793. Ce dernier joua un rôle essentiel dans le contrôle des oppositions et de la population en général (police secrète, contrôle du courrier de la presse, arrestations arbitraires, etc.). Dans une célèbre lettre adressée plus tard à Fouché, Napoléon, devenu alors empereur, montrait clairement son mépris pour la liberté de la presse : Document : lettre adressée par Napoléon à Fouché le 22 avril 1805 Stupinigi, 22 avril 1805 A M. Fouché Monsieur Fouché, les journaux se plaisent, dans toutes les circonstances, à exagérer le luxe et les dépenses de la cour, ce qui porte le public à faire des calculs ridicules et insensés. Il est faux que le château de Stupinigi soit si magnifique ; il est meublé avec d’anciens meubles, que des serviteurs zélés du roi avaient cachés et qu’ils se sont empressés de restituer après le sacre. Faites faire des articles détaillés sur cet objet. On pourra même en tirer parti pour faire sentir l’amélioration de l’esprit public dans ce pays. Faites vérifier qui a fait mettre dans les journaux que M. Saliceti avait reçu un présent de 200 000 francs du gouvernement génois ; ce fait n’est point à ma connaissance, et, fût-il vrai, les journaux n’auraient pas dû le publier, à moins qu’il ne leur ait été communiqué de Gènes. Réprimez un peu plus les journaux ; faites-y mettre de bons articles. Faites comprendre aux rédacteurs du Journal des Débats et du Publiciste que le temps n’est pas éloigné où, m’apercevant qu’ils ne me sont pas utiles, je les supprimerai avec tous les autres, et n’en conserverai qu’un seul ; que, puisqu’ils ne me servent qu’à copier les bulletins que les agents anglais font circuler sur le continent, qu’à faire marcher, sur la foi de ces bulletins les troupes de l’empereur de Russie en Pologne, à contremander le voyage de l’empereur d’Autriche en Italie, à l’envoyer en Courlande pour avoir une entrevue avec l’empereur de Russie, puisqu’ils ne me servent qu’à cela, je finirai par y mettre ordre. Mon intention est donc que vous fassiez appeler, les rédacteurs du Journal des Débats , du Publiciste , de la Gazette de France , qui sont, je crois, les journaux qui ont le plus de vogue, pour leur déclarer que, s’ils continuent à n’être que les truchements des journaux et des bulletins anglais, et à alarmer sans cesse l’opinion, en répétant bêtement les bulletins de Francfort et d’Augsbourg sans discernement et sans jugement, leur durée ne sera pas longue ; que le temps de la révolution est fini, et qu’il n’y a plus en France qu’un parti ; que je ne souffrirai jamais que les journaux disent ni fassent rien contre mes intérêts; qu’ils pourront faire quelques petits articles où ils pourront montrer un peu de venin, mais qu’un beau matin on leur fermera la bouche. Il faut avoir bien peu de discernement pour ne pas voir qu’en annonçant que les empereurs d’Allemagne et de Russie vont s’aboucher, une pareille nouvelle ne peut que faire un mauvais effet ; que, pour la donner, il faut qu’elle soit sûre ; que celle de la marche des Russes en Pologne ne peut pas faire un meilleur effet ; et ce n’est point ni à Augsbourg ni à Francfort qu’ils auront des sûretés là-dessus, puisque cela est fait exprès. Source : https://www.napoleon-histoire.com/correspondance-de-napoleon-avril-1805/3/ Mais c’est vraiment en 1802 que la Consulat rompit avec la dimension émancipatrice de la Révolution. Après avoir signé la Paix d'Amiens avec l'Angleterre et à l’issue d’un plébiscite, Bonaparte obtint le consulat à vie. A cette occasion, il se débarrassa des derniers députés contestataires du corps législatif. Surtout, il mit fin à l’idéal universaliste et égalitaire de la Révolution française en rétablissant l’esclavage dans les colonies. L’opposition à l’instauration de cette dictature fut assez réduite car la population était épuisée par dix années de conflits. 3.1.2 Le retour précaire à la paix L’une des premières actions de Bonaparte fut de rétablir la paix en France et en Europe. Dans l’ouest de la France, il parvint à obtenir la capitulation des chefs royalistes dès 1800. Pour mettre fin au conflit religieux hérité de la Constitution civile du clergé de 1790, il signa en 1801 le Concordat avec le pape Pie VII, officialisé par la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802), en vigueur entre 1802 et 1905 (sauf en Alsace-Moselle où il est encore en vigueur aujourd'hui). Le concordat confirmait tout d’abord la liberté de culte en France. Les édifices religieux étaient mis par l'Etat à la disposition des curés et des évêques. Ces derniers étaient rémunérés par l’État à conditions qu’ils prêtent un serment de fidélité au gouvernement. Les conditions du Concordat furent étendues ensuite aux cultes protestant et juif. Sur le plan extérieur, après avoir battu les Autrichiens à Marengo (14 juin 1800), Bonaparte conclut le traité de Lunéville (9 février 1801) avec les Autrichiens puis le traité d’Amiens (25 mars 1802) avec le Royaume-Uni. La France était en paix pour la première fois depuis dix ans, ce qui conféra une popularité encore plus grande à Bonaparte. Il s'arrogea alors le titre de Consul à vie. Cependant, ce retour à la paix fut partiel. Bonaparte rétablit l’esclavage dans les colonies en 1802 et envoya un corps expéditionnaire à Saint-Domingue pour y restaurer l’autorité de la France. L’armée française fut vaincue par une armée composée d’anciens esclaves. Saint-Domingue devint indépendante en 1804 sous le nom d’Haïti. Cet échec cuisant conduisit Bonaparte à se désengager de l’Amérique du nord et à vendre la Louisiane aux Américains en 1803. Le rétablissement de l'esclavage (aboli en 1794) constitue bien entendu une grave atteinte aux valeurs révolutionnaires de liberté et d'égalité. Document : Loi du 30 floréal an X (20 mai 1802) sur la traite des Noirs et le régime des colonies, Centre des Archives d'Outre-Mer. © WikimediaCommons, Sejan-Travail personnel, CC BY-SA 3.0 Source : https://www.napoleon.org/enseignants/documents/video-napoleon-bonaparte-et-le-retablissement-de-lesclavage-20-mai-1802-5-min-40/ Source : Atlas de la France. Les atlas de l’Histoire, L’Histoire n° 390, août 2013, p. 87. La logique répressive toucha également la classe ouvrière naissante, avec le livret ouvrier institué le 12 avril 1803. Dès qu’il changeait d’emploi et de domicile, ce qui arrivait fréquemment, un ouvrier devait faire viser son livret par le maire de la commune et indiquer à ce dernier le lieu où il se rendait. On pouvait également indiquer les raisons pour lesquelles l’ouvrier quittait son emploi. S’il était chassé de son emploi pour mauvaise conduite, fait de grève, etc., il avait du mal à retrouver un emploi. La police et la gendarmerie pouvaient contrôler ce livret en permanence et repérer les fortes têtes. Sans livret, un ouvrier pouvait être considéré comme un vagabond et emprisonné. Ce livret permit donc de contrôler et de réduire à l’obéissance la classe ouvrière naissante. Il ne fut aboli qu’à la fin du XIXe siècle. 3.1.3 Le rétablissement de l’autorité de l’État : les « masses de granit » Sous le Consulat furent créés en l’espace de deux années des institutions dont la plupart perdurent encore aujourd'hui. Destinées à stabiliser la société à l'issue de la Révolution, elles furent nommées les Masses de granit . Sur le plan financier, la Banque de France fut créée en 1800. Cette banque privée avec le soutien du gouvernement consentait des avances financières à l’État en attendant la rentrée des impôts. En 1803, elle obtint le monopole de l’émission des billets de banque qui étaient convertibles en or. Le Franc, monnaie créée en 1795, devint une monnaie bimétallique définie par un poids en argent (1 Franc = 5 g d’argent) et en or (1 Franc = 0,322 g d’or) selon un rapport de 1 à 15 entre l’argent et l’or. Les pièces de 20 francs et de 40 Francs étaient en or, les autres pièces en argent. Ce bimétallisme fut fixé par la loi du 17 germinal an XI (7 avril 1803). C’est pourquoi l’on a appelé cette monnaie le Franc germinal , dont le cours demeura globalement inchangé jusqu’en 1914. Ces mesures permirent le rétablissement des finances de l’État et la relance de l’économie. Document : Une pièce de 40 francs en or (1804). Source : https://co.wikipedia.org/wiki/File:40_francs_or_Bonaparte_Premier_Consul,_1804,_Paris.jpg La loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) réorganisa les institutions locales. L’arrondissement remplaça le district, la commune fut maintenue, le canton fut créé (encore aujourd’hui, il s’agit d’une circonscription électorale pour élire les conseillers départementaux), ainsi que l'arrondissement géré par un sous-préfet. Le département fut maintenu. La nouveauté est que, au niveau de la commune et du département se trouvaient une assemblée élue (conseil municipal et conseil général) et un fonctionnaire nommé (le maire et le préfet). Le préfet , création de Bonaparte était l’élément nouveau et essentiel de cette réforme. Nommé par le premier consul, le préfet dirigeait le conseil général et administrait le département. Il était l’intermédiaire entre chaque ministre et le département. Il informait également les ministres de la situation dans le département. Personnage central du département, le préfet était le principal rouage de la centralisation administrative. Document : La Circulaire du 21 Ventôse an VIII (17 février 1800) envoyée par le ministre de l'intérieur Lucien Bonaparte au préfets, dite Circulaire de Breugnot Vous êtes appelé à seconder le gouvernement dans le noble dessein de restituer la France à son antique splendeur, d'y ranimer ce qu'elle a jamais produit de grand et de généreux, et d'asseoir enfin ce magnifique édifice sur les bases inébranlables de la liberté et de l'égalité (…). Vous n'aurez point à administrer au gré des passions ou des caprices d'un gouvernement versatile, incertain de son existence, inquiet sur sa durée (…). La Révolution est finie : une ligne profonde sépare à jamais ce qui est de ce qui a été (…). Le Gouvernement ne voit en France que (…) des Français. Il doit protection à tous, repos à tous (…), bonheur à tous (…).Votre premier soin doit être de détruire sans retour dans votre département l’influence morale des événements qui nous ont trop longtemps dominés. Faites que les passions haineuses cessent, que les ressentiments s’éteignent, que les souvenirs douloureux s'effacent (…). Ralliez tous les cœurs dans un sentiment commun, l'amour de la patrie (…). Les méchants et les ineptes sont seuls exclus de la confiance et de l'estime du Gouvernement (…). Dans vos actes publics, et jusque dans votre conduite privée, soyez toujours le premier magistrat du département, jamais l'homme de la révolution (…). Vos attributions sont multipliées; elles embrassent tout ce qui tient à la fortune publique, à la prospérité nationale, au repos des administrés. On veut la guerre ? Eh bien ! secondez, hâtez, pressez de tous vos efforts l'exécution des lois rendues sur la conscription (…). Vous devez à la fois faire concourir toutes les mesures qui doivent hâter le moment de la paix (…). A la tête de ces mesures, je place la prompte rentrée des contributions ; leur acquittement est aujourd’hui un devoir sacré(…). Vous surveillerez avec sévérité toutes les caisses de votre département. De longs abus dans le maniement des deniers publics ont excités une juste défiance (…). La répression de tous les abus administratifs vous appartient (…). Aimez, honorez les agriculteurs. Protégez le commerce, sa liberté de peut avoir d’autre borne que l’intérêt de l’État. Visitez les manufactures (…). Encouragez les arts qui sont les fruits les plus heureux de la civilisation (…). Vous savez que la facilité des communications est l'un des premiers besoins de l'agriculture et du commerce (…), vous aurez à vous en occuper sans relâche (…). Occupez -vous de la génération qui monte : donnez des soins à l'éducation publique. Formez des hommes, des citoyens, des Français(…). Vos succès feront la gloire du gouvernement et la prospérité publique deviendra votre récompense. L'influence de vos travaux peut être telle que dans quelque mois le voyageur, en parcourant votre département, dise avec douce émotion : Ici, administre un homme de bien. Aidez donc le gouvernement à rendre à la France cette splendeur et surtout ce bonheur qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Source: https://www.meuse.gouv.fr/layout/set/print/Services-de-l-Etat/Prefecture-et-sous-prefectures/La-Prefecture-de-la-Meuse/Histoire-des-prefets Les lycées (de garçons) furent créés par la loi du 1er mai 1802. Ils devaient former l’élite militaire et administrative nécessaire au régime. Il fut ouvert à l’origine un lycée par département. Ces lycées étaient des internats où régnait une discipline militaire afin d’inculquer l’obéissance et la discipline militaire aux enfants des classes dirigeantes. Document : L’uniforme des lycéens du Premier Empire. Source : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/la-creation-des-lycees-et-des-proviseurs-par-napoleon-bonaparte/ La loi du 19 mai 1802 créa l’ordre de la légion d’honneur , décoration récompensant un fait militaire ou un fait civil d’exception. Cet ordre conduisit à établir une distinction entre les citoyens. La cérémonie de remise de la légion d’honneur rétablit l’apparat de l’Ancien Régime : les récipiendaires se présentèrent à genoux devant Bonaparte assis sur un fauteuil ressemblant à un trône. Document : Jean-Baptiste Debret. Première distribution de décorations de la légion d’honneur dans l’église des Invalides, le 14 juillet 1804. 1812. Versailles, Musée de l’histoire de France Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Debret_-_Premiere_distribution_des_decorations_de_la_Legion_d%27honneur.jpg?uselang=fr Commentaire détaillé : https://histoire-image.org/etudes/creation-legion-honneur Une mesure essentielle fut la rédaction du Code civil promulgué le 27 mars 1804. Ce texte est essentiel puisqu’il organise encore aujourd’hui les relations sociales, même si un grand nombre d’articles ont été actualisés à plusieurs reprises depuis deux siècles, en fonction de l’évolution de la société. Le Code civil rassemblait en un seul document les 36 lois votées par les assemblées du Consulat en 1803 et 1804, pour former au total 2 281 articles. Il venait compléter le Code pénal promulgué en 1791. Il unifiait toutes les règles juridiques sur le territoire français et fixait par écrit les décisions de la Révolution portant sur l’organisation de la société. Il fixait l’égalité entre tous les citoyens jouissant des mêmes droits (art. 8), il fixait les conditions d’accès à la citoyenneté française qui relavait de la notion de citoyenneté universelle (art. 9, 10, 12). Cependant, le Code civil défendait une vision hiérarchique et inégalitaire de la société, notamment dans le cadre des relations entre le mari et sa femme (art. 212 à 216 et 1421). Si le droit au divorce était maintenu (il avait été instauré en 1792, il fut supprimé en 1816 puis rétabli en 1884), les conditions n’étaient pas les mêmes pour l’homme et la femme (art. 229 et 230). De même les enfants devaient obéissance à leur père qui pouvait les faire emprisonner s’il le jugeait bon (art. 371 à 377). Ces relations hiérarchiques existaient également dans les entreprises où, en cas de conflit sur les salaires par exemple, le patron était toujours cru sur parole (art. 1781). Bien entendu, ces dispositions n’existent plus dans le Code civil actuellement en vigueur. Document : Le Code civil des Français, 1804 (extraits) 8. Tout Français jouira des droits civils. 9. Tout individu né en France d’un étranger, pourra, dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité, réclamer la qualité de Français ; pourvu que, dans le cas où il résiderait en France, il déclare que son intention est d’y fixer son domicile, et que, dans le cas où il résiderait en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile, et qu’il l’y établisse dans l’année, à compter de l’acte de soumission. 10. Tout enfant né d’un Français en pays étranger, est Français. Tout enfant né, en pays étranger, d’un Français qui aurait perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en remplissant les formalités prescrites par l’article 9. 12. L’étrangère qui aura épousé un Français, suivra la condition de son mari. 212. Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. 213. Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari. 214. La femme est obligée d’habiter avec le mari, et de le suivre partout où il juge à propos de résider : le mari est obligé de la recevoir, et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son état. 215. La femme ne peut ester en jugement sans l’autorisation de son mari, quand même elle serait marchande publique, ou non commune, ou séparée de biens. 216. L’autorisation du mari n’est pas nécessaire lorsque la femme est poursuivie en matière criminelle ou de police. 229. Le mari pourra demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme. 230. La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari, lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune. 371. L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. 372. Il reste sous leur autorité jusqu’à sa majorité ou son émancipation. 373. Le père seul exerce cette autorité durant le mariage. 374. L’enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de son père, si ce n’est pour enrôlement volontaire, après l’âge de dix-huit ans révolus. 375. Le père qui aura des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d’un enfant, aura les moyens de correction suivans. 376. Si l’enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père pourra le faire détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet, le président du tribunal d’arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation. 377. Depuis l’âge de seize ans commencés jusqu’à la majorité ou l’émancipation, le père pourra seulement requérir la détention de son enfant pendant six mois au plus ; il s’adressera au président dudit tribunal, qui, après en avoir conféré avec le commissaire du Gouvernement, délivrera l’ordre d’arrestation ou le refusera, et pourra, dans le premier cas, abréger le temps de la détention requis par le père. 1421. Le mari administre seul les biens de la communauté. Il peut les vendre, aliéner et hypothéquer sans le concours de la femme. 1781. Le maître est cru sur son affirmation, Pour la quotité des gages ; Pour le paiement du salaire de l’année échue ; Et pour les à-comptes donnés pour l’année courante. Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Code_civil_des_Fran%C3%A7ais_1804/Texte_entier Le Code civil s’appliqua à tous les territoires annexés alors par la France (les actuelles Belgique et Rhénanie). Il fut par la suite imposé, malgré des résistances, aux pays incorporé dans le Grand Empire (Allemagne, Pologne, Italie actuelles). Il ne fut en revanche pas appliqué dans les colonies de l’époque puisque l’esclavage y avait été rétabli en 1802. Les limites de l'Empire français en 1811 ("la France des 130 départements") Source : Georges Duby (dir.). Atlas historique Larousse. Paris, Larousse , p. 118. Ces nouvelles institutions (Banque de France et franc germinal, préfet, légion d’honneur, lycée et Code civil) furent qualifiées par Bonaparte en 1802, de « masses de granit ». Cette expression montre qu’elles visaient le renforcement durable de l’héritage de la Révolution par des institutions solides et durables. Ces institutions devaient également souder entre elles et avec le pouvoir les différentes parties de la société, mais surtout les élites qui étaient concernées par elles. 3.2 Le premier Empire 1804-1815 3.2.1 Le couronnement de Napoléon La Constitution de l’an VIII (le Consulat) octroyait le pouvoir à Bonaparte en tant que premier consul pour dix ans. En 1802, Bonaparte fit voter par le Sénat le Consulat à vie qui fut validé par un plébiscite de tous les citoyens. Le 11 frimaire an XIII (2 décembre 1804), Napoléon et sa femme Joséphine furent sacrés empereur et impératrice. Désormais devenu un souverain, Napoléon était appelé par son seul prénom. La Constitution de l’an VIII n’évolua qu’à la marge puisque le titre d’empereur résultait de la transformation de la fonction de consul en consul à vie (réforme de 1802, après la signature de la Paix d'Amiens) puis en consul héréditaire (réforme de 1804), créant ainsi une dynastie impériale. Le passage à l’Empire fut voté par le Sénat le 28 floréal an XII (18 mai 1804) et approuvé par plébiscite le 2 août 1804 par 3 521 675 « oui » et 2 579 « non ». Ce résultat signale que Napoléon devait la légitimité de son pouvoir à la souveraineté nationale et il montre également à quel point les oppositions politiques étaient muselées. Il est utile d’analyser le déroulement de la cérémonie du sacre pour comprendre la nature du pouvoir de Napoléon. Pour cela, il est habituel d’analyser le tableau du sacre réalisé par David (celui-là même qui avait commencé à peindre le Serment du jeu de paume en 1789). Jacques-Louis David: Le couronnement de Napoléon . 1808. Huile sur toile, 979 cm x 621 cm. Paris, Musée du Louvre. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jacques-Louis_David,_The_Coronation_of_Napoleon.jpg Pour un commentaire détaillé : https://histoire-image.org/etudes/sacre-napoleon Cette cérémonie mixa plusieurs traditions. Dans la tradition de la monarchie de droit divin, Napoléon reçut l’onction du Saint-Chrême, et arborait les regalia : épée, manteau, main de justice et sceptre. En outre, exactement au centre du tableau de David, se trouve la croix, qui affirme la prééminence de la religion catholique. Il conviendrait également de décrire l’apparat de la cérémonie, la place de la famille Bonaparte et des généraux qui sont ainsi présentés comme les piliers du nouveau régime. Mais le sacre eut lieu dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, et pas à Reims, et le sacre fut réalisé par le pape Pie VII lui-même, à l’image du sacre de Charlemagne à Rome en 800. L’affirmation de l’héritage carolingien est essentielle puisque Napoléon n’est pas un roi mais un empereur et il prétendait, par ses conquêtes militaires, ressusciter l’Empire de Charlemagne. Enfin, le titre du tableau ne correspond pas à l’action représentée : il représente le couronnement de Joséphine et non pas celui de Napoléon. En fait, Napoléon s’était couronné lui-même quelques instants auparavant. Il montrait ainsi qu’il ne devait son pouvoir qu’à lui-même et surtout pas à Dieu, comme le montre cette esquisse de David. Document : L’empereur Napoléon se couronnant lui-même. Dessin de David. Paris, Musée du Louvre. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:David_-_L%27Empereur_Napoleon_se_couronnant_lui-meme.png Ce fait renvoie à la légitimité de la Révolution française. En effet, Napoléon devait son pouvoir à un vote du Sénat et au vote des citoyens. Officiellement, son pouvoir émanait donc de la souveraineté nationale (quoiqu’un peu manipulée). En outre, Napoléon prononça le serment du sacre par lequel il s’engageait à faire respecter l’intégrité du territoire de la République, le concordat, la liberté et l’égalité des citoyens, de respecter le consentement à l’impôt. Il stabilisait de cette manière, du moins officiellement et en apparence, les acquis de 1789. Cette cérémonie montre donc bien les ambiguïtés du régime du Premier Empire : une monarchie issue d’une dictature militaire et policière, stabilisant durablement les principaux acquis de la Révolution. Document : Le serment prononcé par Napoléon lors de la cérémonie du sacre « Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République, de respecter les lois du Concordat et de la liberté des cultes ; de respecter et de faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de la Légion d'honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français ». 3.2.2 L’Empire de Napoléon Il n’est pas le lieu ici de raconter précisément le déroulement de l'histoire de l’Empire de Napoléon. Signalons d’une part que les tendances monarchiques s’exacerbèrent progressivement avec la création d’une cour impériale et d’une noblesse impériale . Les titres de noblesse étaient attribués au mérite par l’empereur ou achetés très cher par la nouvelle bourgeoisie. En outre, en 1810, après avoir répudié Joséphine de Beauharnais qui ne lui avait pas donné d’héritier, Napoléon épousa Marie-Louise d’Autriche et devint membre par alliance d’une grande famille régnante d’Europe, celle de l'empereur d'Autriche. Sous l'Empire, les tendances répressives s'accentuèrent encore. Par le décret du 5 février 1810, les imprimeurs et la presse furent étroitement contrôlés et censurés. A partir de 1805, l’Empire fut presque constamment en guerre contre le reste de l’Europe. A Austerlitz (le 2 décembre 1805, jour anniversaire de son couronnement), Napoléon l’emporta sur les Autrichiens. A Iéna, en 1806, il l’emporta sur les Prussiens. Il affronta ensuite l’armée russe à Eylau et à Friedland en 1807. Napoléon imposa à toute l’Europe le Blocus continental destiné à empêcher le commerce avec la Grande-Bretagne, la seule puissance invaincue, et de ruiner son économie (en fait, c’est plutôt l’inverse qui se produisit). Ces victoires lui permirent d’attaquer l’Espagne par laquelle il espérait envahir le Portugal, allié des Britanniques. Cette guerre contre tout un peuple fut émaillée d’atrocités dont le peintre Francisco Goya rendit compte avec ses tableaux ( El dos de Mayo et El tres de Mayo ), et surtout ses eaux fortes sur les Malheurs de la guerre . L’armée française s’embourba dans ce conflit qui affaiblit considérablement l’Empire. Francisco de Goya, El tres de mayo , 1814. Madrid, Musée du Prado Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:El_Tres_de_Mayo,_by_Francisco_de_Goya,_from_Prado_in_Google_Earth.jpg L’occupation par l’armée française de l’Espagne eut pour effet les révolutions et les guerres d’indépendance de l’Amérique espagnole au début des années 1810. Une nouvelle guerre éclata, qui se solda par la victoire de Wagram sur les Autrichiens en 1809. Dès lors l’Empire connut son extension maximale. Les territoires annexés constituaient « la France des 130 départements » où le code civil français s’appliquait. La Confédération du Rhin, l’Italie et de Grand duché de Varsovie étaient des protectorats sous occupation militaire. La Russie et l’Autriche étaient des alliées. Cette situation explique par exemple la différence d’appréciation de la Révolution française entre les Français et les Allemands aujourd’hui. Pour nous, elle fut un événement positif qui apporta à tous la liberté et l’égalité. La perception des Allemands est très négative car la Révolution est pour eux synonyme de massacres et d’occupation militaire. Source : Atlas de la France. Les atlas de l’Histoire, L’Histoire n° 390, août 2013, p. 85. En juin 1812, Napoléon, à la tête de la Grande Armée composée de 600 000 hommes, attaqua la Russie. Son armée parvint en hiver dans Moscou livrée aux flammes par les Russes appliquant la politique de la terre brûlée. A partir de ce moment, l’armée impériale ne cessa de reculer, battue lors de la campagne de Prusse en 1813 puis lors de la campagne de France en 1814. Napoléon fut exilé à l’île d’Elbe et la monarchie fut restaurée en France avec l’intronisation de Louis XVIII, frère de Louis XVI. Napoléon revint en France à l’occasion des Cent jours, puis fut battu par une coalition dirigée par Wellington à Waterloo, le 18 juin 1815 (fort opportunément, un autre 18 juin nous permet d’occulter cette défaite). Napoléon fut exilé à l’île d’Elbe, dans l’Atlantique sud, où il mourut en 1821 . Conclusion La période de la Révolution et de l’Empire a marqué une accélération de l’histoire. Elle a vu le renversement radical de l’ordre ancien autoritaire et inégalitaire et l’émergence d’une société nouvelle fondée sur les valeurs de liberté et d’égalité juridique qui sont toujours les nôtres aujourd’hui. Cette période est passionnante également car elle montre que, à plusieurs reprises, les acteurs de l’époque se trouvèrent confrontés à différents possibles et que leurs décisions impulsèrent un cours des choses qui aurait pu être fort différent.

  • Sujet possible : La monarchie française de 1789 à 1793 / Les mobilités douces à Paris

    Par Didier Cariou, maitre de conférences HDR en didactique de l'histoire à l'Université de Bretagne Occidentale Composante histoire (12 points) 1. Sur la base de vos connaissances et des documents du dossier (documents 1 à 12), vous préciserez les principales étapes de l’évolution de la monarchie en France entre 1789 et 1793. Vous indiquerez également l’intérêt que peut présenter l’étude d’images en histoire au cycle 3. 2. En vous appuyant sur les documents du dossier, vous présenterez l’organisation d’une séquence sur : « Le temps de la Révolution, de l’année 1789 à l’exécution du roi » centrée sur la question de la monarchie. Vous proposerez l’exploitation pédagogique d’un document du dossier. Composante géographie (8 points) 1. Sur la base de vos connaissances et des documents du dossier (documents 13 à 20), vous préciserez les principales notions à développer sur le sujet des mobilités douces à Paris. 2. En vous appuyant sur des documents du dossier que vous choisirez, vous indiquerez comment vous pourriez travailler avec des élèves de CM2 sur des conflits d’acteurs spatiaux au sujet des mobilités douces. Histoire / classe de CM1 Thème 3 - Le temps de la Révolution et de l’Empire (...) La réunion des états-généraux peut être abordée dans la perspective de la genèse de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui sera longuement étudiée. Le programme d’EMC du cycle 3 indique en effet comme exemple de pratique en classe « Réflexion et débats sur les articles 1, 4, 6, 9, 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ». Ces débats préparés sont l’occasion de faire travailler les élèves en groupes. L’étude d’une représentation de la prise de la Bastille (que l’on racontera) le 14 juillet 1789 et de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790, sur le Champ de Mars, permettra d’aborder la nouvelle conception de la nation qui surgit alors : des citoyens libres et égaux en droit qui s’associent volontairement, et de montrer l’origine de la fête nationale du 14 juillet. Elle permettra également de poser la question de la place du roi Louis XVI face à une nation qui affirme sa souveraineté. L’étude de la tenue des gardes nationaux et celle de quelques gravures permettront de faire découvrir aux élèves les symboles révolutionnaires (cocarde tricolore par exemple) et de montrer qu’ils sont toujours présents dans la symbolique républicaine actuelle. La figure de Louis XVI permet, par effet de contraste, d’aborder le passage à la République, fruit d’un divorce entre le roi et les révolutionnaires. Il s’agit ainsi de faire comprendre que c’est à propos du roi que les révolutionnaires ont commencé à se diviser massivement entre eux, ce qui est une particularité de la période que l’on qualifie de « Terreur ». L’ exécution du roi , épisode frappant, peut faire comprendre la difficile naissance et la difficile existence de la Première République. Document 1 : Extrait de la fiche EDUSCOL : le temps de la Révolution et de l’Empire Document 2 : Joseph-Siffred Duplessis, Louis XVI en costume de sacre, 1777.  Huile sur toile. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Louis_XVI_en_costume_de_sacre_-_Joseph-Siffred_Duplessis.jpg Document 3 : Les étrennes patriotiques offertes au Roi au nouvel an 1790. Estampe. Paris, BnF. Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8411018b.item Transcription de la légende : Le Vieillard  : Or voici donc venu ce temps où nous n’avons plus qu’un roi et que nous pouvons sans crainte donner des marques de notre amour. Le Roi  : La naïveté qui décorent (sic) ces âmes vertueuses approcheront de mon trône, oui, messieurs, voilà, voilà mes amis. Monseigneur le Dauphin  : Ce petit agneau mord-t-il ? La petite fille  : Non, Monseigneur, il n’est pas aristocrate Document 4 : Charles Monet, La fête de la fédération du14 juillet 1790 sur le Champ de Mars à Paris, 1790. Eau forte, BnF. La fête de la Fédération - Histoire analysée en images et œuvres d’art | https://histoire-image.org/   Commentaire : Sur l’estrade centrale, La Fayette, commandant de la Garde nationale, prête serment au nom de tous les gardes nationaux venus de toute la France : «  Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité  ». Puis le roi prête serment : «  Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois  ». Les justifications de la fuite de la famille royale à Varennes : » (…) D’après tous ces motifs et l’impossibilité où le roi se trouve d’opérer le bien et d’empêcher le mal qui se commet, est-il étonnant que le roi ait cherché à recouvrer sa liberté et à se mettre en sûreté avec sa famille ? » François, et vous surtout Parisiens, vous habitans d’une ville que les ancêtres de sa majesté se plaisoient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis ; revenez à votre roi ; il sera toujours votre père, votre meilleur ami : quel plaisir n’aura-t-il pas à oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous, lorsqu’une Constitution, qu’il aura acceptée librement, fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable, et que par son action, les biens et l’état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu’enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables. » À Paris, le 20 juin 1791, Louis. » Document 5 : La déclaration de Louis XVI aux Français pour justifier sa fuite de Paris, le 20 juin 1791 (extrait). Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Déclaration_du_Roi_adressée_à_tous_les_Français,_à_sa_sortie_de_Paris Document 6 : Le retour de la famille royale à Paris, le 25 juin 1791 après la fuite à Varennes. Gravure coloriée. Paris, Musée Carnavalet. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Retour_Varennes_1791.jpg Document 7 : Publication de la loi martiale au Champ de Mars : le 17 juillet 1791 Fusillade du Champ de Mars, le 17 juillet 1791. Gravure à l'eau forte et au burin de Pierre-Gabriel Berthault (1737-1831) d'après un dessin de Jean-Louis Prieur (1759-1795). Source : BnF https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40248685f Document 8 : Henri IV à Louis XVI : « Ventre saint-gris où est mon fils ? Quoi ? C’est un cochon ? ». Estampe anonyme, 1791, Paris : Musée Carnavalet. Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8411569c Extraits de la constitution de septembre 1791 Article (1).  - La Souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice. Article (2).  - Le Pouvoir législatif est délégué à une Assemblée nationale composée de représentants temporaires, librement élus par le peuple, pour être exercé par elle, avec la sanction du roi, de la manière qui sera déterminée ci-après. Article (3).  - Le Gouvernement est monarchique : le Pouvoir exécutif est délégué au roi, pour être exercé sous son autorité, par des ministres et autres agents responsables, de la manière qui sera déterminée ci-après. Article (4).  - Le Pouvoir Judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple. Article (5).  - Au roi seul appartiennent le choix et la révocation des ministres. Article (6).  - Il n'y a point en France d'autorité supérieure à celle de la loi. Le roi ne règne que par elle, et ce n'est qu'au nom de la loi qu'il peut exiger l'obéissance. Article (7).  - Le Pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans la main du roi. - Le roi est le chef suprême de l'administration générale du royaume : le soin de veiller au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique lui est confiée. - Le roi est le chef suprême de l'armée de terre et de l'armée navale. - Au roi est délégué le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, d'en maintenir les droits et les possessions. Article (8).  - La guerre ne peut être décidée que par un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et sanctionné par lui. Document 9 : Extraits de la constitution de septembre 1791. Source : https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1791 Document 10 : La déclaration de guerre du 20 avril 1792. Gravure allemande de Johann Carl Bock d'après un dessin de C. Heydeloff, 1792. Source : Gallica. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84115345/12148 Commentaire : Louis XVI propose aux députés de l'Assemblée nationale législative de déclarer la guerre au roi de Bohême et de Hongrie (20 avril 1792). Cette proposition est votée par l’Assemblée : « L'Assemblée nationale délibérant sur la proposition formelle du roi, décrète que la guerre sera faite par la nation française au roi de Bohême et de Hongrie ». Document 11 : « Louis le dernier et sa famille conduits au Temple le 13 aoust 1792 ». Estampe anonyme, Paris, BnF. Document 12 : Document expédié en province concernant le décret pris par la Convention lors de sa première séance et portant abolition de la royauté, signée par Pétion, président, Brissot et Lasource, secrétaires de séance. Source : Archives nationales, AE/II/1316. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Décret_de_la_Convention_abolissant_la_Royauté,_21_septembre_1792.png Transcription : « DÉCRET de l’Assemblée nationale du vingt et un septembre 1792. L’an quatrième de la Liberté. La convention nationale décrète à l’unanimité que la royauté est abolie en France. Collationné à l’original par nous, Président et Secrétaires de la convention nationale à Paris, le 22 septembre 1792, l’an premier de la république française.  (signé) Pétion, Brissot, Lasource » Document 13 : Extrait du programme du cycle 3, classe de CM2 (2020) Document 14 : Carte de la concentration annuelle de dioxyde d’azote en 2022 à Paris Source : Ville de Paris, Le bilan des déplacements à Paris en 2022 . Source: https://www.paris.fr/pages/le-bilan-des-deplacements-a-paris-en-2022-24072#:~:text=La%20circulation%20automobile%20dans%20Paris%20intra%2Dmuros%20est%20en%20baisse,km%2Fh%20en%202021 ) Document 15 : Les mobilités douces à Paris. Source : Ville de Paris, Le bilan des déplacements à Paris en 2022 . Document 16 : Carte des aménagements cyclables à Paris. Source : Ville de Paris, Le bilan des déplacements à Paris en 2022 . Document 17 : Vue des aménagements de transport dans le sud de Paris. Document 18 : La voie sur berge sur la rive droite de la Seine et le pont de Bir-Hakem (Paris 16e). Source : https://www.lepoint.fr/automobile/paris-voitures-et-scooters-bientot-traques-sur-les-pistes-cyclables-05-09-2018-2248784_646.php La mobilisation des automobilistes continue [Article du 28/09/2015] La fermeture de la rive gauche provoque déjà davantage d’embouteillages En mai dernier, déjà, alors qu’Anne Hidalgo lançait une pseudo-consultation visant à recueillir l’opinion des administrés parisiens sur le futur aménagement des voies de la rive droite, l’association "40 millions d’automobilistes" faisait le bilan de la fermeture de la rive gauche à la circulation en janvier 2013, s’appuyant sur des études du Medef et de la société d’info-trafic Inrix : la fermeture des voies sur berges a provoqué une aggravation des conditions de circulation, non seulement sur les axes à proximité des quais, mais aussi sur le périphérique. Ces embouteillages supplémentaires se traduisent par des émissions polluantes et des nuisances sonores accrues pour les riverains. Les effets sont à l’exact opposé de ce que l’on souhaiterait voir. Document 19 : Le point de vue d’une association d’automobilistes sur la piétonisation de la rive gauche de la Seine décidée par la mairie de Paris. Source : https://www.40millionsdautomobilistes.com/articles/le-fiasco-de-la-fermeture-des-voies-sur-berge-parisiennes Une description humoristique de la circulation en vélo à Paris Paris a beau avoir été élue  meilleure ville de France  pour faire du vélo  (à notre plus grande surprise), il n’empêche qu’ arpenter ses pistes cyclables n’est pas toujours le moment le plus cool de notre journée . Il y a du monde,  des obstacles, des pavés, des trous  dans la chaussée, bref,  personne n’est épargné  (non, même pas les  vélos électriques ). On vous propose donc un  petit récapitulatif (non-exhaustif) de ces trucs vraiment relous  (et parfois dangereux)  auxquels vous êtes susceptibles d’être confrontés  pendant vos trajets quotidiens. Les obstacles vivants (...) Les deux-roues motorisés : On en a tous déjà fait l’expérience, mais  les motos et autres scooters ont souvent tendance à penser que la piste cyclable n’est rien d’autre qu’une extension de la route principale , une sorte de voie auxiliaire, pour ceux qui maîtrisent les codes de l’autoroute, mise à disposition pour leur bon plaisir. Il n’est pas rare de les voir s’immiscer,  pour éviter les  bouchons , ou bien prendre une rue en sens inverse . Et si nous, pauvres cyclistes, avant  le malheur de leur faire une réflexion , ils nous lâchent alors, avec tout l’aplomb du monde : «  De toute façon, toi t’es pas maquillée, donc t’es moche  » (oui, ceci est une histoire vraie). Les piétons : Aka les rois de la street . On le sait, en leur qualité d’usagers les plus vulnérables,  les piétons sont toujours prioritaires , quelle que soit la situation. Seulement, voilà,  ils l’ont bien compris, et tirent souvent parti de cette position , au détriment des autres. Et vas-y que  je me promène tranquillement au milieu des vélos . Vas-y que je traverse au milieu de nulle part sans regarder, parce que  de toute façon, la  piste cyclable , ce n'est pas vraiment la route  (et c’est encore pire si la piste a le malheur de se trouver sur un bout de trottoir). Vas-y que je n’hésite pas à  m’étaler sur la chaussée parce que le trottoir devant le bar est trop petit  et que j’ai besoin de place pour faire des blagues lourdes à mes potes. Et vas-y que… Bref,  on ne s’épanchera pas plus sur le sujet . Les gens qui tournent : Un peu plus généraliste, cette catégorie englobe  tous les gens qui veulent s’engager dans les voies perpendiculaires . D’un côté, les voitures qui traversent la piste cyclable  à toute berzingue sans même vérifier que personne n’arrive,  ou bien qui font mine de s’arrêter alors qu’elles se trouvent déjà complètement sur la bande verte, empêchant  quiconque aurait le malheur de se trouver sur une bicyclette  à ce moment-là de passer. De l’autre, les  cyclistes qui  ralentissent d’un coup pour tourner, sans aucun signe avant-coureur  bien évidemment, créant ainsi un  carambolage géant  derrière. Bref,  quand on tourne, on l’indique  (avec un bras, par exemple, on vous assure que ça marche très bien, ou un clignotant), on ralentit progressivement, et on respecte les priorités.  C’est bien noté ? Les pigeons : Impossible de terminer cette liste sans mentionner  l’un des nouveaux fléaux des cyclistes , véritable mal de notre époque moderne :  les  pigeons . Des créatures somme toute inoffensives, qui ne feraient pas de mal à une mouche, et  qui, dans leur état naturel, ont tendance à s’envoler rapidement à l’approche d’une menace . Seulement, voilà, les pigeons parisiens sont clairement la race du mal, qui n’en a plus rien à faire, et qui n'hésite pas à  attendre un dixième de seconde à peine avant l’impact  pour étendre leurs ailes grisâtres et s’en aller vers de nouveaux horizons.  Ça file la frousse, c’est pénible (…). Document 20 : Top des trucs hyper relous qu’on croise tout le temps sur la piste cyclable. Publié le 25 avril 2024 à 20h00. Par Clémence Varène. Source : https://www.lebonbon.fr/paris/wtf/velo-paris-trucs-hyper-relous-croise-piste-cyclable/ Proposition de corrigé Composante histoire (12 points) 1. Sur la base de vos connaissances et des documents du dossier (documents 1 à 12), vous préciserez les principales étapes de l’évolution de la monarchie en France entre 1789 et 1793. Vous indiquerez également l’intérêt que peut présenter l’étude d’images en histoire au cycle 3. Les principales étapes de l’évolution de la monarchie entre 1789 et 1793 La description de ces étapes permet d’illustrer le passage de la monarchie absolue de droit divin à la monarchie constitutionnelle jusqu’à l’abolition de la monarchie et le passage à la république. Document 2 :  Au début de l’année 1789, la France connaît encore le régime de la monarchie absolue de droit divin. Le portrait de Louis XVI en costume de sacre le montre en monarque absolu de droit divin. Elle présente les symboles du pouvoir du roi : la couronne, le sceptre. Elle présente els symboles de la monarchie de droit divin : le manteau bleu doublé de banc (le manteau du grand prêtre du temple de Jérusalem), portant des queues d’hermine (la pureté) et des fleurs de lys (emblème de la monarchie et symbole marial). Document 3 :  Après les événements de l’année 1789 (serment du jeu de paume, prise de la Bastille, DDHC), le roi est désormais un monarque constitutionnel, il n’exerce plus que le pouvoir exécutif. Il est présenté ici comme le père de la nation. Les échanges inscrits sous la gravure font croire à une proximité directe et une forme d’affection entre le peuple, le roi et son héritier, le Dauphin. Document 4 :  Cette gravure représente la fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Elle rassemble sur le Champ de Mars près de 100 000 personnes et gardes nationaux venus de toute la France pour célébrer l’unité de la nation derrière le roi. C’est un moyen de célébrer et de conjurer la journée sanglante du 14 juillet 1789. La Fayette, le commandant de la Garde nationale jure fidélité « à la nation (la souveraineté nationale), à la loi et au roi (la séparation des pouvoirs) ». Le roi s’engage à faire respecter la constitution en cours d’élaboration. Ce moment d’unanimité est considéré comme l’apothéose de la monarchie constitutionnelle. (Rappel, la fête nationale du 14 juillet instituée en 1880 célèbre la fête de la Fédération et pas la prise de la Bastille) Document 5 :  Cependant, certains nobles et le roi lui-même n’ont pas renoncé à combattre la Révolution. Le 20 juin 1791, la famille royale s’enfuit du château des Tuileries pour rejoindre les nobles émigrés à la frontière du royaume. Elle est reconnue et capturée à Varennes. Dans ce texte, Louis XVI justifie sa fuite en exigeant une constitution qui renforce son pouvoir et qui respecte davantage la religion (menacée selon lui par la Constitution civile du clergé de 1790). Apparemment, il ne souhaite pas revenir à la monarchie absolue. Document 6  : La fuite à Varennes a déconsidéré le roi auprès du peuple. Cette gravure montre que, lors de son retour, le peuple de Paris lui tourne le dos en signe de mépris. Les nombreux soldats sont là pour surveiller le roi mais surtout pour le protéger contre la population. Document 7 :  Le 17 juillet 1791, le club des Cordeliers porte une pétition sur l’autel du Champ de Mars pour réclamer la déchéance du roi qui a clairement manifesté sa trahison par la fuite à Varennes. A la suite d’un incident, la Garde nationale de Paris dirigée par La Fayette tire sur la foule, sur l’ordre du maire de paris, Bailly et de l’Assemblée constituante. Une fracture s’opère entre le peuple parisien progressivement partisan de la République et les dirigeants révolutionnaires, hostiles au revendications du peuple et qui souhaitent garder le roi à la tête d’un pouvoir exécutif fort. Document 8 : Cette gravure de 1791 montre la dégradation de l’image du roi auprès du peuple. Louis XVI est représenté comme un cochon et un ivrogne, indigne de l’héritage de la dynastie des Bourbons fondée par Henri IV. Document 9 :  malgré tout, la constitution est adoptée en septembre 1791. Elle établit la souveraineté de la nation (articles 1 et 2), la séparation des pouvoirs (articles 3, 4, 5, 6, 7). Il s’agit d’une monarchie constitutionnelle où le roi détient des pouvoirs très étendus, plus étendus que dans els monarchies constitutionnelles habituelles : il nomme et dirige les ministres, il dirige l’administration, il dirige les armées. Document 10 :  Le 20 avril 1792, la guerre est déclarée au roi de Bohême et de Hongrie (le futur empereur d’Autriche) par l’Assemblée, sur proposition du roi. On sait que le roi espère une défaite de l’armée française qui lui permettra de rétablir totalement son autorité. Dans le mois qui suivent, le roi refuse d’adopter des mesures qui auraient permis de défendre Paris contre l’avancée des Autrichiens. Document 11  : Convaincus que le roi veut la défaite de la Révolution, les Parisiens réunis dans une Commune révolutionnaire attaquent les Tuileries, le 10 août 1792. Au prix de combats sanglants, ils s’emparent de la famille royale. Le roi est présenté ici en chemise, dépouillé de tous les symboles du pouvoir. Un sans-culotte pose un bonnet de prisonnier sur sa tête pour symboliser la victoire du peuple sur la monarchie. La famille royale est ensuite emprisonnée à la prison du Temple qui est représentée au second plan. Document 12  : Comme l’indique ce document, la monarchie est officiellement abolie le 21 septembre 1792, le lendemain de la victoire de Valmy. La République n’est pas officiellement proclamée, mais les actes officiels de la république sont datés à partir de ce jour. Une Convention se réunit pour élaborer une constitution républicaine. Le roi est jugé, condamné à mort et exécuté le 21 janvier 1793. Résumé : L’intérêt présenté par l’étude d’images au cycle 3 Les images en servent pas tellement à montrer la réalité du passé telle qu’elle aurait pu être. Elle servent à étudier les intentions de leurs auteurs et la façon dont ils voyaient la réalité politique de leur temps. Ici, les images servent à montrer la dégradation progressive de la façon dont le peuple voyait le roi, depuis le roi paternel et bienveillant, au roi présenté comme un cochon. Les images permettent de comprendre le discrédit de la monarchie et l’aspiration à la république. 2. En vous appuyant sur les documents du dossier, vous présenterez l’organisation d’une séquence sur : « Le temps de la Révolution, de l’année 1789 à l’exécution du roi » centrée sur la question de la monarchie. Vous proposerez l’exploitation pédagogique d’un document du dossier. Organisation d’une séquence : Compétences visées : Savoirs travaillés : monarchie absolue de droit divin, monarchie constitutionnelle, souveraineté nationale, séparation des pouvoirs, République Séance 1 : de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle Document 2 : rappel des caractéristiques de la monarchie absolue de droit divin (vue lors du chapitre sur « le temps des rois ») L’enseignant·e raconte le serment du jeu de paume et la prise de la Bastille, et étudie avec les élèves certains articles de la DDHC. Séance 2 : la monarchie constitutionnelle Document 4 : la fête de la Fédération. L’enseignant·e raconte la fonction de cette fête et étudie avec les élèves les serments prononcés qui rappellent la souveraineté nationale et la séparation des pouvoirs, au fondement de la monarchie constitutionnelle. Document 6 : les élèves étudient quelques articles de la constitution pour retrouver les caractéristiques de la monarchie constitutionnelle Séance 3 : la chute de la monarchie Document 6 : L’enseignant·e raconte la fuite de la famille royale à Varennes et son retour à Paris Document 7 : L’enseignant·e raconte la fusillade du champ de Mars et la coupure au sein du camp révolutionnaire Document 8 : étude de l’image révolutionnaire qui montre la dégradation de l’image du roi dans la population. Document 9 : étude de l’image qui montre à nouveau la dégradation de l’image du roi lors de son emprisonnement L’enseignant·e évoque le procès et l’exécution du roi Évaluation  : on demandera aux élèves de raconter l’échec de la monarchie constitutionnelle entre 1789 et 1792. Exploitation pédagogique d’un document : le document 8 1. Quelle est la date du document ? Après quel événement a-t-il été réalisé ? Réponse : 1791, après la fuite à Varennes. 2. Qui sont les deux personnages représentés et comment sont-ils représentés ? Réponse Henri IV (vu lors du chapitre sur « le temps des rois ») et Louis XVI, en cochon dans un tonneau en train de boire du vin. 3. Pourquoi le personnage de Henri IV dit-il « Ventre saint-gris où est mon fils ? » Réponse : Louis XVI est le descendant d’Henri IV (dynastie de Bourbons). Il est surpris de voir la déchéance de son héritier. 4. S’agit-il d’une scène réelle ? Non, Henri IV et Louis XVI n’ont pas vécu à la même époque. Louis XVI est caricaturé en cochon. 5. Que veut suggérer l’auteur de l’image en mettant en scène Henri IV et Louis XVI ? Réponse : il veut montrer que Louis XVI n’est pas digne de son ancêtre et que la monarchie est discréditée. Composante géographie (8 points) 1. Sur la base de vos connaissances et des documents du dossier (documents 13 à 20), vous préciserez les principales notions à développer sur le sujet des mobilités douces à Paris. Ce dossier porte sur les mobilités douces à Paris. En géographie, le concept de mobilité  désigne Une mobilité est un changement de lieu accompli par des êtres humains (des acteurs spatiaux). Le concept de mobilité douce concerne les déplacements opérés avec des moyens de transport non carbonés (marche à pied, vélo, trottinette) ou faiblement carbonés (VAE, Trottinette électrique, transports en commun) (documents 15, 16, 17). Ces mobilités supposent des aménagements (documents 15, 16, 17). Un aménagement permet de surmonter une contrainte spatiale ou de tirer profit d'une ressource spatiale en proposant des équipements permettant le déroulement des activités humaines en un lieu donné et dans une société donnée. Ces aménagement sont réalisés et utilisés par des acteurs spatiaux, à savoir l'ensemble des agents (individus, groupes de personnes, institutions, entreprises) susceptibles d’exercer une action sur les territoires. Comme ces acteurs n’ont pas tous le même usage des aménagements, cela peut produire des conflits d’acteurs (documents 18, 19). La question des mobilités douces s’inscrit dans la logique du développement durable : un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. En effet, le développement des mobilités douces doit permettre la réduction des émissions de gaz polluants liés à la circulation automobile (document 13). Document 14 : Ce document montre que les concentrations de pollution se situent le long des boulevards et du périphérique. Cette pollution est donc due essentiellement à la circulation automobile Document 15 et 16 : Ces documents permettent de définir les mobilités douces  (marche à pied, vélo, transports en commun) et leur évolution. Ces mobilités sont liées à des aménagements spécifiques, trottoirs, pistes cyclables Document 17 : Ce document montre un exemple caractéristiques des aménagements  de transports à Paris qui associent l’automobile, la ligne de tramway, les pistes cyclables et les trottoirs. Documents 18 et 19 : ces documents portent sur la fermeture progressive des voies sur berge à Paris et rendent compte des conflits d’acteurs  qui en résultent. L’ouverture de la piste cyclable réduit la place de l’automobile et génère des embouteillages pour les voitures et les scooters. Document 19 : Ce document évoque également les conflits d’acteurs concernant l’usage des pistes cyclables à Paris entre les différents acteurs qui les empruntent : usagers des motos et des scooters, les piétons, les autres cyclistes et les pigeons. Production graphique possible  : schématiser le document 17 pour représenter les mobilités, les aménagements, les acteurs. 2. En vous appuyant sur des documents du dossier que vous choisirez, vous indiquerez comment vous pourriez travailler avec des élèves de CM2 sur des conflits d’acteurs spatiaux au sujet des mobilités douces. Il est possible d’utiliser les documents 18, 19 et 20 Document 18 : 1. Quelles mobilités apparaissent sur cette photographie ? Réponse : automobiles et scooter (mobilités carbonées), vélo et métro (mobilités douces) 2. Quels aménagement apparaissent sur cette photographie ? Réponse : route, piste cyclable, ligne de métro aérienne, voie fluviale. 3. Que veut suggérer l’auteur de la photographie et quel type d’acteurs défend-il ? Réponse : embouteillage sur la route, peu de cyclistes sur la piste cyclable. Il veut suggérer que la piste cyclable sert surtout à gêner la circulation automobile. Document 19 : 1. Qui sont les acteurs évoqués dans ce texte ? Réponse : Anne Hidalgo et la mairie de Paris, l’association « 40 millions d’automobilistes » 2. Quelle est la raison du conflit entre ces acteurs ? Réponse : l’association d’automobilistes veut montrer que la décision de la mairie de Paris de fermer la voie sur berge à la circulation automobile ne réduit pas la pollution, qu’elle ne fait que la déplacer et qu’elle ne sert à rien. 3. Imaginer la réponse qu’aurait pu faire la Mairie de Paris à cette association. Réponse : il est nécessaire de réduire la circulation automobile à Paris pour réduire la pollution de l’air qui menace la santé de la population. Et il est meilleur pour la santé de se déplacer à vélo plutôt qu’en voiture. Document 20 (en enlevant les § sur les deux roues motorisées et sur les pigeons) 1. Qui sont les différents acteurs évoqués dans ce texte ? Les cyclistes, les piétons, les automobilistes 2. Selon ce texte, quelle est la principale cause de ces conflits d’acteurs ? Réponse : le manque de civilité Sur la base de ce document, on pourrait organiser un débat en EMC sur les moyens qui permettraient de réduire ces conflits.

  • 1892 : La République fête ses cent ans (l'évolution politique de la France de 1814 à 1914)

    Par Didier Cariou, maître de conférences HDR en didactique de l’histoire à l’Université de Bretagne Occidentale Références : Maurice AGULHON (1990). La République, tome 1, 1880-1932 . Histoire de France Hachette, rééd. Pluriel. Patrick BOUCHERON (dir.) (2017). Histoire mondiale de la France . Paris : Seuil. Mathilde LARRERE (2018). Voter en France de 1789 à nos jours. Documentation photographique n° 8122. La documentation française. Mathilde LARRERE (2019). Lieux et symboles de la République. Documentation photographique n° 8130. CNRS Editions. Gérard NOIRIEL (2019). Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jour s. Agone. René REMOND (1965). La vie politique en France depuis 1789, tome 1 : 1789-1848. Armand Colin, rééd. Pocket, 2005. René REMOND (1969). La vie politique en France depuis 1789, tome 2 : 1848-1879. Armand Colin, rééd. Pocket, 2005. Mots-clés : Ancien Régime, Principes de 1789, Régime libéral / régime autoritaire, Régime démocratique / régime censitaire, Régime socialement conservateur / socialement progressiste, Marianne, Bonnet phrygien, drapeau tricolore Restauration, Louis XVIII, Charte constitutionnelle, Suffrage censitaire, Système bicaméral, Ultra-royalistes, Légitimisme, Sainte-Alliance, Trocadéro, Charles X, Prise d’Alger, Trois Glorieuses, Romantisme, Victor Hugo Louis-Philippe, Drapeau tricolore, Canuts, Guizot, Enrichissez-vous, Orléanistes, Banquets républicains Révolution de février 1848, Fraternité, Devise républicaine, Suffrage universel masculin, Abolition de l’esclavage, droit au travail, Journées de juin 1848, Constitution de 1848, Président de la République, Assemblée législative, Louis-Napoléon Bonaparte, Parti de l’ordre, Loi Falloux, Coup d’État du 2 décembre 1851, Plébiscite Second Empire, Bonapartisme, Empire autoritaire, Candidature officielle, Guerre de Crimée, Magenta, Solférino, Empire libéral, Droit de grève, Thiers, Guerre de 1870, Sedan Proclamation de la République, Gouvernement de la défense nationale, Gambetta, Assemblée monarchiste, Paix de Francfort, Alsace-Lorraine, Commune de Paris, Semaine sanglante, comte de Chambord, Mac-Mahon, Ordre moral, Amendement Wallon, Lois constitutionnelles de 1875,Crise du 16 mai 1877, Amnistie des Communards, Marseillaise, 14 juillet, Liberté de réunion, Liberté d’expression, Liberté syndicale, Liberté d’association, Lois sur l’école primaire, Séparation des Églises et de l’État, Affaire Boulanger, Ralliement des catholiques, Service militaire universel, Loi sur la nationalité, Affaire Dreyfus, J’accuse. Que dit le programme ? Extrait de la fiche Eduscol « Thème 1 – Le temps de la République » 1892 : la République fête ses cent ans Moins célèbre que le centenaire de la Révolution française de 1889, le centenaire de 1892, qui commémore la naissance de la Première République, ouvre sur deux enjeux majeurs : la difficile histoire de l’idée républicaine en France jusqu’aux années 1880 d’une part, et l’importance de l’héritage de la période révolutionnaire sous la Troisième République, d’autre part. L’idée républicaine est en effet longtemps associée au XIXe siècle au souvenir de la Terreur et de la guerre révolutionnaire. En 1830, lorsqu’une révolution parisienne chasse Charles X du trône, la République fait encore peur, et c’est ainsi que Louis-Philippe d’Orléans monte sur le trône pour fonder la Monarchie de Juillet (1830-1848). En 1848, lorsque la Seconde République est proclamée, l’héritage de la République révolutionnaire divise encore les Républicains ; c’est contre lui que le gouvernement provisoire de Lamartine proclame l’abolition de la peine de mort en politique, et choisit le drapeau tricolore, qui a été celui de l’Empire et de la Monarchie de Juillet. Cette nouvelle expérience républicaine est close par le coup d’État du président de la République Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, et le Second Empire proclamé en 1852. Quand ce dernier s’écroule en 1870, après la défaite de Sedan, ni une restauration de la monarchie constitutionnelle, ni la solution impériale, ne parviennent à s’organiser. Les villes sont plutôt républicaines, mais il faut encore conquérir l’ensemble des campagnes, en donnant de la République une image rassurante. Ce sera l’œuvre de républicains comme Léon Gambetta et Jules Ferry. La symbolique de la Révolution française devient alors la symbolique nationale : la loi du 14 février 1879 déclare que la Marseillaise est l’hymne national, la loi du 6 juillet 1880 fait du 14 juillet la date de la fête nationale : on y commémore à la fois la prise de la Bastille (1789) et la Fête de la Fédération (1790) (le drapeau tricolore, quant à lui, est le drapeau de la France depuis 1830). Les célébrations des centenaires de 1889 et 1892 s’inscrivent dans cette perspective. Introduction La République incarne les valeurs de 1789 fixées notamment par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : égalité de tous les citoyens tous égaux devant la loi, souveraineté nationale, liberté politique (séparation des pouvoirs) et individuelle (sûreté individuelle, liberté d’opinion et liberté d’expression). Ces principes ne parvinrent à s’incarner politiquement et durablement qu’avec l’avènement de la Troisième République, dans le courant des années 1870. De fait, lorsque la Troisième République commémora le centenaire de la Première République (qui ne fut jamais proclamée : le 21 septembre 1792, la monarchie fut officiellement abolie sans que la République fût officiellement proclamée et, le 22 septembre 1792, on décida de dater les documents officiels de l'an I de la République), elle n’était réellement installée que depuis très peu de temps. Nous essaierons donc de comprendre pourquoi ce processus d’installation de la République et des principes de 1789 fut si long. Pour le comprendre, nous verrons que durant près d’un siècle s’affrontèrent les défenseurs des principes de 1789 et les partisans du retour à l’Ancien Régime qui refusaient tous les acquis de la Révolution française. Cet affrontement explique les incertitudes politiques du XIXe siècle qui vit de succéder de nombreux régimes politiques avant l’instauration de la Troisième République. Les concepts de souveraineté nationale (respectée ou non) et de séparation des pouvoirs (respectée ou non) permettent de comprendre els caractéristiques de ces régimes politiques. En outre, ces régimes politiques acceptaient ou non les principes de 1789, et s’inscrivaient tous dans trois couples d’opposition : régime libéral / régime autoritaire, régime démocratique / régime censitaire, régime conservateur / social. Le tableau ci-dessous résume, de manière simpliste mais assez claire, les caractéristiques des régimes successifs du XIXe siècle. 1. 1892 : La République fête ses cent ans 1892 : La République fête ses cent ans L’étude peut débuter par l’analyse de l’affiche de 1892 commémorant le centenaire de la République, le 21 septembre 1792. Rappelons que cette date est celle de l'abolition officielle de la monarchie proclamée par les députés de la Convention qui se réunirent pour la première fois ce jour-là, le lendemain de la victoire de Valmy et après l'emprisonnement de la famille royale le 10 aout 1792. Mais la République ne fut pas officiellement proclamée en 1792. La commémoration du centenaire de la République n’eut aucun écho par la suite et ne laissa aucune trace. Cette affiche est le seul document disponible pour aborder cet événement qui semble être d’une importance secondaire. La date importante de cette époque, c'est l'année 1889, fêtant le centenaire de 1789, avec l'exposition universelle lors de laquelle la Tour Eiffel fut construite. Il est malgré tout intéressant de commencer la séquence par la fin de l’histoire. Rappelons au préalable que la symbolique de la Révolution française triompha à la fin des années 1870 et au début des années 1880, au moment où les Républicains avaient conquis par les élections toutes les institutions de la Troisième République. Après l’exposition universelle de 1889 et après la crise boulangiste de 1887-1889, la République semblait désormais assez solide. L’affiche présente cette République triomphante. Affiche pour le centenaire de la République en 1892. Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90119690.item Sur cette affiche, la République trône avec les symboles de la République. Elle est incarnée par Marianne , coiffée du bonnet phrygien (le bonnet des esclaves affranchis à Rome, symbole de libération), qui tient à la main le drapeau tricolore . Ce dernier date du 17 juillet 1789, jour de la visite de Louis XVI à Paris, trois jours après la prise de la Bastille. Le blanc symbole de la monarchie fut ajouté aux couleurs de Paris, le bleu et le rouge pour créer la cocarde tricolore. Ce drapeau devint l’emblème officiel de la France en 1830. Marianne tient à la main un rameau d’olivier, symbole de la paix. Une palette de peintre portant les trois couleurs évoque peut-être une République protectrice des arts. Ou bien s’agissait-il d’une manière pour l’auteur de l’affiche de signaler son œuvre ? A ses pieds, deux enfants évoquant la mythologie gréco-romaine se tiennent à côté de la corne d’abondance apportant une profusion de fruits locaux et exotiques. Il s’agissait sans doute de montrer que la République apportait la prospérité à ses enfants. Le paysage montre des campagnes prospères et paisibles tandis qu’un train à vapeur file au-dessus d’un pont ferroviaire. Il s’agissait sans doute de montrer que la République assurait la prospérité économique. Un aspect un peu étonnant de cette affiche est qu’elle ne met en évidence que la prospérité économique et ne met nullement en valeur les lois Jules Ferry sur la scolarisation ou les grandes lois libérales du début des années 1880. Peut-être s’agissait-il de rassurer des populations encore éloignées des idées républicaines en leur montrant qu’ils avaient tout à gagner en soutenant la République ? Une fois cette affiche étudiée, il convient maintenant de savoir comment la République incarnant les idées de la Révolution a pu se mettre en place. 2. La Restauration et la monarchie de Juillet 2.1 Le règne de Louis XVIII (1814-1824) Après la première défaite de Napoléon et son exil sur l’île d’Elbe, le comte de Provence, frère de Louis XVI, qui avait pris le titre de Louis XVIII après la mort du dauphin en prison en 1795, arriva sur le trône et octroya une charte constitutionnelle à la France le 4 juin 1814. Contrairement à une constitution votée par les représentants de la nation, une charte est accordée par le roi à ses sujets. Elle n'émane donc pas de la souveraineté nationale. En outre, Louis XVIII se présenta comme « Roi de France par la grâce de Dieu », évoquant le droit divin. De fait ce régime réalisait un compromis entre l’Ancien Régime et les principes de 1789. D’un côté, le roi se présentait comme désigné par Dieu (mais il ne chercha pas à se faire sacrer), toute l’autorité procédait de lui et non pas de l’élection. La souveraineté nationale était donc rejetée. En outre, le drapeau blanc redevint l’emblème du régime et la religion catholique fut proclamée religion d’État. D’un autre côté, la charte reconnaissait l’égalité juridique entre tous, et l’égalité de tous devant les emplois, la liberté individuelle et la liberté de conscience, ainsi que le droit de propriété (notamment de la propriété des biens nationaux pour ceux qui en avaient acheté). La Charte ne respectait pas totalement la souveraineté nationale puisque les députés étaient élus au suffrage censitaire et les membres de la Chambre des pairs étaient nommés par le roi. La charte ne respectait pas non plus la séparation des pouvoirs puisque le roi détenait le pouvoir exécutif et avait également l’initiative des lois qui étaient discutées par la Chambre des pairs et la Chambre des députés. Ce régime bi-caméral s'inspirait de la monarchie britannique. On voit bien que, si cette période se nomme la Restauration, le régime politique mis en place consiste plus en un compromis entre l’Ancien Régime et la Révolution qu’en une restauration pure et simple de l’Ancien Régime. Bien entendu, ce compromis fut difficile à tenir. Document : La Charte de 1814 Source : Manuel d'histoire, Hatier, 2019, p. 59 Ce régime était donc une monarchie autoritaire et non-démocratique, et conservatrice sur le plan social. Document: François Gérard, Le roi Louis XVIII dans son cabinet de travail des Tuileries, 1823. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_roi_Louis_XVIII_dans_son_cabinet_de_travail_des_Tuileries_(bgw17_0044).jpg Après l’épisode des Cent jours, la défaite de Waterloo le 18 juin 1815 et l’exil définitif de Napoléon à Sainte-Hélène, la Seconde Restauration fut marquée par une période de grande violence qui vit le massacre de centaines de Bonapartistes et l’épuration brutale de toute l’administration. Mais la vie politique fut rythmée par l’opposition entre les constitutionnels (défenseurs des principes de 1789) et les ultra-royalistes (partisans du retour à l’Ancien Régime). Entre 1815 et 1820 les constitutionnels dominèrent la chambre des députés. Cependant, l’assassinat du duc de Berry (le neveu de Louis XVIII et fils du futur Charles X, l’héritier du trône incarnant l’espoir d’une pérennité politique des Bourbon) le 13 février 1820 à la sortie de l’opéra, par le bonapartiste Louvel, puis une série de conspirations carbonaristes, mirent fin à cette parenthèse libérale. Le cabinet ministériel dirigé par le comte de Villèle (un ultra-royaliste) se maintint au pouvoir du 16 décembre 1821 au 3 janvier 1828. Les ultra-royalistes haïssaient la République et les droits de l’homme, ils voulaient revenir à l’Ancien Régime. Ils refusaient également la charte de Louis XVIII qui tenait compte de quelques acquis de la Révolution. Ils voulaient restaurer une société inégalitaire avec des ordres privilégiés en se référant à un Moyen Age idéalisé tel qu’il était représenté à la même époque dans les romans de Walter Scott. Ils étaient fidèles aux représentants de la dynastie des Bourbon : Louis XVIII, Charles X puis Henri V comte de Chambord (1820-1883), fils du duc de Berry et héritier du trône, selon eux. L’historien René Rémond a montré que ce camp politique fut à l’origine de la tendance légitimiste de la droite française, plutôt monarchiste, catholique traditionaliste, opposée à l’égalité et aux valeurs de 1789. Elle s’incarna par la suite avec le théoricien royaliste Charles Maurras puis dans le régime de Vichy. On peut considérer que La manif pour tous , Zemmour et Marion Maréchal sont les héritiers actuels de cette famille politique. Précisons un dernier point. Il n’est pas possible de comprendre la Restauration en faisant abstraction du contexte international. Les années 1814-1815 furent marquées par la tenue du Congrès de Vienne dont l’objectif était d’effacer les conquêtes militaires de Napoléon, de redessiner la carte de l'Europe et de restaurer l’autorité des monarchies européennes. La diplomatie européenne fut également dominée par la Sainte-Alliance , un traité signé en 1815 par le tsar de Russie, l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse, rejoints un peu plus tard par le roi d’Angleterre. Cette alliance avait pour objectif de défendre la religion et de réprimer tous les mouvements libéraux et nationaux inspirés par les principes de 1789. Louis XVIII partageaient ce projet et fit notamment intervenir l’armée française contre les révolutionnaires libéraux espagnols. L’armée française s'empara notamment de la ville de Trocadéro, près de Cadix, le 31 août 1823. Cette victoire, qui donna son nom à une colline célèbre de Paris, permit de conforter la monarchie de type absolutiste en Espagne. 2.2 Le règne de Charles X (1824-1830) En septembre 1824, le comte d’Artois, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, accéda au trône sous le nom de Charles X . Il avait été l'un des premiers nobles à émigrer pour fuir la Révolution dès l'été 1789. Favorable aux ultra-royalistes, il garda le ministère Villèle. Le 29 mai 1825, il fut sacré dans la cathédrale de Reims car il espérait restaurer la monarchie de droit divin et effacer l'héritage révolutionnaire, comme l’indique le serment qu’il prêta à l’occasion du sacre. Document : Le serment du sacre prononcé par Charles X (29 mai 1825) En présence de Dieu, je promets à mon peuple de maintenir et d’honorer notre sainte religion, comme il appartient au Roi très chrétiens et au fils aîné de l’Église, de rendre bonne justice à nos sujets, enfin de gouverner conformément aux lois du royaume et à la Charte constitutionnelle, que je jure d’observer fidèlement. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ses saints Évangiles. Source : René Rémond, La vie politique en France depuis 1789, tome 1 : 1789-1848, Armand Colin, 1965, p. 300. Documents : François Gérard, Portrait du roi Charles X en costume de sacre, 1825. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Carlos_X_de_Francia_(Fran%C3%A7ois_G%C3%A9rard).jpg Les élections législatives de 1827 donnèrent la majorité aux députés constitutionnels. Villèle fut obligé de démissionner et de céder la place à un gouvernement plus libéral. Mais Charles X mit en place un nouveau gouvernement ultra-royaliste dirigé par Polignac, du 8 août 1829 à juillet 1830. Lors de la rentrée parlementaire de mars 1830, les 221 députés constitutionnels formulèrent une adresse au roi : ils constataient la contradiction entre les orientations du gouvernement ultra et les vœux des électeurs censitaires plutôt favorables aux constitutionnels. En réponse, le roi dissout la chambre des député, mais les nouvelles élections du 3 juillet 1830 confortèrent l’opposition constitutionnelle. Pour reprendre l’initiative et rehausser son prestige, Charles X ordonna la prise d’Alger, qui fut réalisée le 5 juillet 1830, en prélude à 132 années de colonisation de l’Algérie. Dans le même ordre d’idées, le 25 juillet 1830, Charles X promulgua quatre ordonnances : suspension de la liberté de la presse, restriction du suffrage censitaire (l'impôt sur les activités commerciales et industrielles payé par la bourgeoisie libérale ne conférait plus le droit de vote), dissolution de la Chambre des députés, nouvelles élections en septembre. Les journalistes constitutionnels (notamment l'avocat et journaliste orléaniste Adolphe Thiers dans Le Constitutionnel ) appelèrent à la résistance contre l’arbitraire royal. Des sociétés secrètes, des étudiants, des ouvriers, dressèrent des barricades dans l’Est de Paris en brandissant le drapeau tricolore. Ils combattirent les troupes du roi les 27, 28 et 29 juillet 1830, nommées ensuite les Trois Glorieuses qui constituèrent la révolution de 1830. Près de 1 300 personnes, surtout des ouvriers, furent tués durant ces journées. Le tableau de Delacroix immortalisa les Trois Glorieuses. Document : Eugène Delacroix, La liberté guidant le peuple , 1830 . Huile sur toile, 260 cm x 325 cm. Paris : Musée du Louvre. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eug%C3%A8ne_Delacroix_-_Le_28_Juillet._La_Libert%C3%A9_guidant_le_peuple.jpg Les insurgés, qui inquiétaient les députés constitutionnels et la bourgeoisie, réclamaient la république. Mais la révolution leur fut volée. Le 30 juillet 1830, Lafayette œuvra dans l’ombre et Thiers rédigea un manifeste appelant sur le trône le duc d’Orléans qui accepta aussitôt le drapeau tricolore (pour calmer les insurgés) et la lieutenance générale du royaume (pour rassurer les possédants). Le 31 juillet, le duc d’Orléans apparut sur le balcon de l’Hôtel de ville de Paris en brandissant le drapeau tricolore et en embrassant Lafayette. Avant d’aller plus loin, il convient d’évoquer le mouvement romantique qui s’affirma durant cette période. En France, ce mouvement littéraire (Chateaubriand, Victor Hugo, Musset, Stendhal), musical (Berlioz) et artistique (Delacroix, Géricault) s’efforçait d’exprimer les sentiments et s’inscrivait politiquement dans la continuité de la Révolution et de l’Empire. Les romantiques français étaient souvent des nostalgique de l’Empire auquel ils n’avaient pas pu participer en raison de leur jeune âge. Musset écrivit notamment : "Je suis né trop tard dans un monde trop vieux". Ils soutinrent la lutte des Grecs pour leur indépendance face à l’Empire ottoman (voir les tableaux de Delacroix à ce sujet). Le théâtre romantique s’affirma clairement contre le classicisme lors de la fameuse « bataille d’Hernani », à l’occasion des représentations chahutées du drame romantique de Victor Hugo entre février et juin 1830. Ces chahuts préludèrent à la révolution de juillet 1830. Enfin, il faut replacer les Trois Glorieuses dans un contexte général de révolutions qui éclatèrent dans toute l’Europe. Les peuples, soit partagés entre plusieurs États en Allemagne, soit opprimés par une puissance étrangère, se révoltèrent au nom de la liberté. Seuls les Belges parvinrent à s’émanciper de la tutelle des Pays-Bas en 1830 et mirent en place une monarchie constitutionnelle libérale. En revanche, les révoltes allemandes n’aboutirent pas. La révolte des Polonais fut violemment réprimée par l’armée russe . 2.3 La monarchie de Juillet (1830-1848) Le 9 août 1830, le duc d’Orléans fut proclamé « roi des Français » sous le nom de Louis-Philippe . Il prêta serment de fidélité à la Charte de 1814 devant les députés et les pairs (en opposition au sacre de Charles X à Reims) et promit une révision modérée de la Charte de 1814 : le catholicisme devint la religion de la majorité des Français (dans la logique du concordat de 1802) et non plus de tous les Français, la censure de la presse fut abolie, le cens électoral fut abaissé, mais pas supprimé, les chambres obtinrent l’initiative des lois. Enfin, le drapeau tricolore devint définitivement l’emblème de la France. Le respect des principes de 1789 était désormais établi, à l’exception de la souveraineté nationale dans son intégrité. Par le suffrage censitaire, seuls 250 000 Français pouvaient être électeurs, et 58 000 éligibles. Ce nouveau régime politique, se coulant dans la Charte de 1814, était donc libéral (respect de la séparation des pouvoirs, respect de la liberté politique et des libertés individuelles) mais non démocratique (suffrage censitaire). Nous verrons qu'il était socialement conservateur. Document : l’évocation du serment prêté par Louis-Philippe (9 août 1830) Alors Monseigneur a lu son acceptation ainsi conçue : « Messieurs les pairs, Messieurs les députés, J’ai lu avec une grande attention la déclaration de la Chambre des députés et l’acte d’adhésion de la Chambre des pairs. J’en ai pesé et médité toutes les expressions. J’accepte, sans restriction ni r »serve, les clauses et engagements que renferme cette déclaration, et le titre de Roi des Français qu’elle me confère, et je suis prêt à en jurer l’observation ». Son Altesse Royale s’est ensuite levée et, la tête nue, a prêté le serment dont la teneur suit : « En présence de Dieu, je jure d’observer fidèlement la Charte constitutionnelle, avec les modifications exprimées dans la déclaration : de ne gouverner que par les lois et selon les lois ; de faire rendre honneur et exacte justice à chacun selon son droit, et d’agir en toutes choses dans la seule vue de l’intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français ». Archives parlementaires, 2, L.63, p. 92 Source : René Rémond, La vie politique en France depuis 1789, tome 1 : 1789-1848, Armand Colin, 1965, p. 300-301. Portrait du roi Louis Philippe en costume de général, 1839 . Versailles, Musée de l’histoire de France. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Franz_Xaver_Winterhalter_King_Louis_Philippe.jpg Document : Le Génie de la Liberté par Augustin Dumont (1801-1884), au sommet de la Colonne de Juillet sur la place de la Bastille, Bronze doré, 1836. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_G%C3%A9nie_de_la_Libert%C3%A9#/media/Fichier:Genius_of_Liberty_Dumont_July_Column.jpg En 1836, fut inaugurée la Colonne de juillet, au centre de la place de la Bastille. Sous la colonne furent inhumées les dépouilles des morts des Trois glorieuses qui reposaient jusque-là dans plusieurs fosses communes disséminées dans Paris. Leurs noms sont inscrits sur la colonne. Au sommet de la colonne fut installée une statue en bronze doré de 4 m de haut, appelée le Génie de la liberté. On avait préféré une figure masculine, sous les traits du dieu romain ailé Mercure, car une figure féminine aurait évoqué la figure républicaine de Marianne. Le Génie porte dans sa main droite un flambeau évoquant les Lumières et dans sa main gauche une chaine brisée symbolisant la fin de la servitude de la monarchie absolue. Sur son front, l'étoile à quatre branches symbolise également la lumière. La monarchie de Juillet fut marquée par l’entrée de la France dans l’industrialisation. Elle fut sans doute la période la pire pour la classe ouvrière en ce qui concerne les conditions de travail et de logement. Plusieurs révoltes éclatèrent et furent sévèrement réprimées, notamment la révolte des Canuts lyonnais (les artisans de la soie) en 1831 et en 1834. De même l’agitation républicaine fut sévèrement réprimée. Le 2 juin 1832, l’enterrement du jeune mathématicien républicain Evariste Gallois provoqua quelques heurts. Le 5 juin 1832, l’enterrement du général républicain Lamarque, victime de l’épidémie de choléra, fut l’occasion d'une véritable insurrection avec des barricades dans le centre de Paris. Le 6 juin, les combats très violents provoquèrent la mort de près de cent personnes dans chaque camp. Cet événement est resté célèbre puisqu’il constitue l’un des épisodes les plus célèbres des Misérables de Victor Hugo, où la plupart des protagonistes du roman se retrouvent sur la même barricade qui vit la mort déchirante de Gavroche. En 1834, le gouvernement avait censuré toute propagande républicaine. En réaction des manifestations puis des émeutes eurent lieu à Lyon et à Paris. Le 14 avril 1834, un capitaine de l'armée fut blessé près d’une barricade de la rue Transnonain (actuelle rue Beaubourg) par un tir venu peut-être d’un immeuble proche. En représailles, les militaires massacrèrent douze habitants de cet immeuble. A la suite de ces événements, le régime devint de plus en plus répressif. En 1835, la loi sur la presse punissait l’offense au roi ainsi que toute remise en cause des principes et de la forme du gouvernement. Guizot , un historien ministre de l’instruction publique entre 1832 et 1837, devint le principal ministre dans les années 1840. Favorable à la grande bourgeoisie d’affaire, il accentua progressivement la dimension conservatrice du régime. A l’opposition qui lui demandait d’élargir le corps électoral en réduisant le cens électoral, il aurait répondu en 1843 par cette phrase restée célèbre en tant qu'illustration du cynisme des riches : « Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne et vous deviendrez électeurs ». Guizot fut le premier ministre officiel en 1847-1848. Document : François Guizot peint par Jean-Georges Vibert d'après un portrait de Paul Delaroche. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Guizot,_Fran%C3%A7ois_-_2.jpg La monarchie de juillet fut également marquée par la conquête militaire de l'Algérie face à la résistance acharnée des Algériens. La résistance fut au départ organisée par l'émir Abd el-Kader, vaincu en 1847. Les généraux français, Saint-Arnaud, Cavaignac, La Moricière (bénéficiant d'un immense tombeau dans la cathédrale de Nantes) et surtout Bugeaud (dont de nombreuses rues portent encore le nom) ne purent l'emporter qu'en pillant et en détruisant des villages et leur population, en pratiquant les "enfumades" destinées à asphyxier les combattants et leurs familles réfugiés dans des grottes. L'Algérie devint alors une colonie de peuplement un peu particulière : nous verrons qu'elle servit à déporter les opposants politiques de juin 1848, de 1852 et de la Commune de 1871. L’historien René Rémond a défini une seconde famille politique de droite à partir des caractéristiques de la Monarchie de Juillet : les orléanistes . A la différence des légitimistes, les orléanistes étaient attachés aux principes de 1789 et au régime parlementaire. Ils étaient moins attachés à la personne du roi qu’aux institutions chargées de garantir l’équilibre des pouvoirs et la liberté politique, et surtout la liberté économique. C’est pourquoi ils basculèrent facilement vers la république conservatrice après 1875. En même temps, les orléanistes étaient socialement conservateurs, soutenant la grande bourgeoisie industrielle et financière. Au XIXe siècle, ils refusaient l’égalité juridique et le suffrage universel tout en étant assez favorables aux libertés individuelles. Plus proche de nous, la grande figure de la droite orléaniste fut le président Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), grand bourgeois libéral favorable à la construction européenne qui abaissa la majorité à 18 ans et fit légaliser l’IVG par sa ministre de la santé Simone Veil. L’actuel président de la république s’en rapproche fortement (si tant est que l'on puise encore le catégoriser). A partir de 1847, l’agitation républicaine reprit de plus belle dans un contexte de grave crise économique. Les républicains organisèrent des banquets républicains pour contourner l’interdiction des réunions politiques républicaines. Leur principale revendication était la réforme électorale afin de donner l'accès à la citoyenneté à la majorité des hommes. Guizot décida d’interdire le dernier banquet qui devait clôturer cette campagne. Cette décision provoqua une émeute puis trois nouvelles journées de révolution à Paris, lors desquelles l'armée tira à nouveau sur la foule, les 22, 23 et 24 février 1848. Le 24 février, la garde nationale passa du côté des insurgés, alors Louis-Philippe abdiqua et la république fut proclamée par un gouvernement provisoire de onze membres représentant différentes familles politiques (dont le poète romantique modéré Lamartine, le républicain Ledru-Rollin, le socialiste modéré Louis Blanc, le physicien Arago, l’ouvrier Albert, seul représentant de la classe ouvrière). Ce jour-là, la royauté disparut à jamais en France. Près d’une année fut nécessaire pour retrouver des institutions fermement établies. C’est en effet la rançon de la démocratie : les débats, les conflits, les consultations des citoyens devenaient nécessaires pour rédiger une nouvelle constitution. 3. La Seconde république 1848-1851 3.1 La révolution de février 1848 et la république sociale Il faut tout d'abord rappeler que, comme pour la révolution de 1830, la révolution de Février en France s'inscrit dans le cadre d'un mouvement révolutionnaire européen nommé "le printemps des peuples". Toute l'Europe connaissait une crise agricole, dont la pire manifestation fut la crise de la pomme de terre en Irlande à partir de 1845, qui provoqua la mort d'un million de personnes et une émigration massive. Après Paris, la vague révolutionnaire s'étendit en mars 1848, à Vienne, à Prague, à Cracovie, à Zagreb, à Naples, en Toscane, dans ces empires européens où les nationalités exigèrent leur unité et leur indépendance, le suffrage universel et une constitution. Au même moment, la population des différents Etats allemands se révolta pour les mêmes raisons et pour obtenir la création d'un Etat allemand unifié. La répression fut impitoyable, les tentatives démocratiques furent noyées dans le sang. L'unité allemande et l'unité italienne durent attendre encore deux décennies avant de voir le jour. En France, L’abdication de Louis-Philippe ouvrit la porte à la République qui fut proclamée officiellement le 4 mai 1848. Le gouvernement provisoire évoqué ci-dessus incarnait l’esprit de 1848 qui aspirait à une volonté romantique de fraternité entre les humains et entre les peuples, afin de surmonter à la fois l’individualisme bourgeois et la lutte des classes. A cette occasion, la valeur de la fraternité fut ajoutée à celles de la liberté et de l’égalité, pour former la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. La floraison des clubs et des journaux participèrent d'une ambiance festive qui manifestait les aspirations de toute la population. Désormais, les courriers officiels commençaient par "Citoyen", et la formule de politesse finale était "Salut et fraternité". Le gouvernement était provisoire en attendant l’élection d’une Assemblée constituante. Le 25 février, Lamartine prononça un célèbre discours devant l'Hôtel-de-Ville de Paris. Il y défendit le drapeau tricolore contre le drapeau rouge brandi par une colonne d'insurgés : "Je repousserai jusqu'à la mort contre ce drapeau de sang, et vous devez le répudier plus que moi, car le drapeau rouge que vous rapportez n'a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, trainé dans le sang du peuple en 91 et en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie". Ce discours marque la victoire des républicains modérés qui dominaient le gouvernement contre les démocrates et les socialistes défenseurs de mesures sociales. Une précision s'impose sur le drapeau rouge. A partir de 1789, il était brandi par les forces de l'ordre en application de la loi martiale en guise sommation avant la dispersion violente d'une manifestation. Ce symbole fut repris et détourné par les Sans-culottes lors de la journée du 10 août 1792, lorsqu'ils attaquèrent les Tuileries et capturèrent Louis XVI. Il réapparu lors des révoltes sociales qui émaillèrent le règne de Louis-Philippe. Il devint alors le drapeau de la frange la plus révolutionnaire du mouvement ouvrier défendant la république démocratique et sociale contre le drapeau tricolore devenu l'emblème officiel de la monarchie de Juillet dès 1830 puis de la République modérée en 1848. Il est toujours le drapeau du mouvement ouvrier révolutionnaire. Le gouvernement provisoire prit tout de suite des mesures essentielles. Le 25 février, fut proclamé le droit au travail . Le 26 février fut abolie la peine de mort en matière politique, afin de se démarquer des pratiques de la première république (1792-1799) et de la Terreur. Le 2 mars fut instauré par décret le suffrage universel masculin, à l'instigation de Ledru-Rollin et de Lamartine et conformément à la vieille revendication républicaine d’élargissement du corps électoral. Ainsi, le décret du 5 mars, fixant les modalités de vote, supprima les conditions de cens, abaissa l'âge électoral à 21 ans et la durée de résidence à 6 mois, ce qui permit de donner le droit de vote aux soldats, au ouvriers, aux domestiques. Pour voter, il fallait donc être un homme, français, âgé au moins de 21 ans. Le corps électoral passa alors de 240 000 à 9,3 millions d’électeurs. Le même jour, la journée de travail fut réduite à 10 heures à Paris et à 12 heures en province. Le 4 mars furent instituées la liberté de la presse et la liberté de réunion qui avaient été malmenées par les monarchies précédentes. Ces premières mesures montrent toute l’importance de la révolution de février 1848 : la monarchie fut définitivement abolie en France et le suffrage universel était lui aussi définitivement institué. Si l’on ajoute le respect des libertés politiques, cette république était donc libérale et démocratique, à la différence des régimes précédents. Ajoutons, le 27 avril 1848, l’ abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, à laquelle on associe habituellement le nom de Victor Schoelcher, sous-secrétaire d'Etat à la marine dans le gouvernement provisoire. Pendant quelques semaines, cette république fut également sociale, elle proclama le "droit au travail". Le socialiste Louis Blanc prit la tête de la Commission du Luxembourg (siégeant au palais du Luxembourg, l'actuel siège du Sénat) conçue comme une cour de conciliation composée de représentants du patronat et de représentants des salariés, pour régler les conflits du travail. Elle imposa le passage de la journée de travail de 12 heures à 10 heures à Paris. Elle mit en place les Ateliers nationaux afin de fournir du travail aux très nombreux chômeurs parisiens, au nom du principe du droit au travail. Les Ateliers nationaux étaient financés par une hausse des impôts sur les transactions de 45 %. Cet impôt dit des « 45 centimes » rendit la république très impopulaire dans les campagnes où il provoqua l'augmentation du prix des denrées. Les 110 000 ouvriers inscrits aux ateliers nationaux étaient payés un franc par jour, ce qui leur permettait tout juste de subsister. Ce « pognon de dingue » (170 000 francs par jour pour toute la France) fut rapidement dénoncé par les conservateurs qui s’efforcèrent de discréditer les Ateliers nationaux. Mais surtout, comme il n’y avait aucune tâche à leur confier, les ouvriers inactifs passaient leurs journées à parler de politique. Les 23 et 24 avril 1848 eurent lieu les premières élections législatives au suffrage universel. Même si ces élections furent contrôlées par les notables dans les campagnes, elles furent le premier véritable acte de naissance de la démocratie représentative dans toute la France. Les élections eurent lieu non pas dans chaque commune mais au chef lieu de canton où se trouvaient les magistrats capables d'organiser le vote et de veiller à sa régularité. Le suffrage était individuel mais le vote était communautaire : les habitants de chaque village se rendaient en cortège au bureau de vote où ils déposaient ensemble leur bulletin de vote. Sur les 851 députés, furent élus 300 monarchistes (100 légitimistes et 200 orléanistes) contre 500 républicains parmi lesquels 230 républicains modérés (Lamartine, Arago, Garnier-Pagès, Ledru-Rollin) et 60 républicains « avancés », radicaux et socialistes (Louis Blanc, Albert, Barbès). Une Commission exécutive émanant de l’Assemblée remplaça le gouvernement provisoire. Cette commission, composée de cinq personnalités modérées (Lamartine, Arago, Garnier-Pagès, Marie, Ledru-Rollin) avait pu se débarrasser des démocrates plus avancés. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Assembl%C3%A9e_nationale_constituante_(Deuxi%C3%A8me_R%C3%A9publique) Cependant, les difficultés ne tardèrent pas. Le 15 mai 1848 une manifestation contre la politique de l’Assemblée, qui souhaitait fermer les ateliers nationaux car ils coûtaient trop cher aux yeux des modérés, conduisit à l'envahissement de l'Assemblée. Les chefs des républicains avancés, Barbès, Blanqui et Raspail, furent ensuite jetés en prison. Par un décret du 21 juin, les ateliers nationaux furent supprimés, ce qui mit des milliers d’ouvriers parisiens dans une situation intenable. Ils prirent aussitôt les armes et érigèrent des barricades dans le centre de Paris. Le général républicain Cavaignac (qui s'était auparavant entrainé au massacre de populations civiles lors de la conquête de l'Algérie) organisa la répression et une véritable guerre sociale. Ces Journées de Juin , du 23 au 26 juin 1848, firent environ 3 000 morts dont 1500 fusillés sans jugement. Environ 1 500 soldats furent également tués dans la combats. 11 000 survivants furent jugés dont 4 500 furent déportés en Algérie. La république sociale et l’idéal de fraternité avaient sombré dans le sang des ouvriers parisiens, et Tocqueville lui-même théorisa à cette occasion la lutte des classes. Marx et Engels y virent le premier mouvement autonome de la classe ouvrière. Le 28 juin, Cavaignac devint le chef du pouvoir exécutif jusqu'en décembre 1851 et maintint l'état de siège pour réprimer le mouvement révolutionnaire. Les journées de juin 1848 avaient opposé deux conceptions de la république : la république comme un régime politique représentatif et respectueux de l'ordre social versus la république démocratique et sociale. On pourra lire l'analyse de ces journées dans l'ouvrage de Karl Marx, Les luttes des classes en France. Dès le 9 septembre 1848, la journée de travail fut portée à 12 heures. Document : Gaspard Gobaut, La barricade du faubourg Saint-Antoine en juin 1848, avant l'assaut de l'armée. Daguerréotype. Source : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/la-barricade-du-faubourg-saint-antoine-10eme-arrondissement Document : Tableau de Meissonier : La Barricade, rue de la Mortellerie, juin 1848, dit aussi Souvenir de guerre civile. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Meissonier_Barricade.jpg 3.2 La république conservatrice La constitution de la Seconde République fut rédigée par l'Assemblée constituante sous la dictature républicaine de Cavaignac qui avait proclamé l'état de siège à Paris. Cette constitution fut votée par l'Assemblée le 4 novembre 1848 et promulguée le 21 novembre. Elle garantissait la séparation des pouvoirs et la souveraineté nationale, les deux grands principes constitutionnels hérités de 1789. Le pouvoir exécutif était assumé par un président de la république élu au suffrage universel pour quatre ans et non rééligible avant quatre années. Le président nommait et dirigeait lui-même le gouvernement. Il était à la fois le chef de l'Etat et le chef du gouvernement. Il s’agit d’une innovation considérable, inspirée du modèle américain, mais qui suscita de nombreux débats. En effet, jusqu’ici, seuls Napoléon Bonaparte et les rois avaient exercé seuls le pouvoir exécutif. Dans la tradition républicaine, le pouvoir exécutif était toujours confié à un collège (le comité de salut public en 1793, le directoire en 1795, le consulat en 1799) afin de se garantir d’une dictature. Le pouvoir législatif était attribué à une Assemblée législative composée de 750 députés élus au suffrage universel pour trois ans. On rompait ainsi avec le modèle britannique bicaméral (une assemblée à l’image de la chambre de communes et un sénat à l’image de la chambre des lords) pour donner davantage de pouvoir à cette assemblée, selon la tradition républicaine inspirée de la Convention (1792-1795). Deux pouvoirs distincts et égaux, indépendants l’un de l’autre, se feraient face. Au nom de la séparation des pouvoirs, le président ne pouvait pas dissoudre l’Assemblée qui, de son côté, ne pouvait pas renverser le président. Rien n’avait donc été prévu en cas de conflit entre le président et l’assemblée. Du moins, le conflit ne pouvait déboucher que sur un coup d'Etat mené soit par une fraction de l'Assemblée soit par le président. Le 10 décembre 1848 eurent lieu les élections présidentielles. Louis Napoléon Bonaparte remporta 5,5 millions de voix (74,5 % des suffrages), le général Cavaignac, 1,4 million (19,5 % des suffrages), Ledru-Rollin 371 000 voix (5 % des suffrages), Raspail 37 000 voix, Lamartine 18 000 voix. Les hommes de février 1848 étaient totalement déconsidérés depuis les journées de juin. Louis-Napoléon Bonaparte, le neveux de l’empereur, était un aventurier qui avait été condamné à la prison à vie puis gracié à la suite d’une tentative de coup d’État en 1840. Piètre orateur, il s'attira le mépris des républicains comme des conservateurs. Ces derniers pensaient pouvoir se servir de lui, comme l'atteste ce mot fameux de Thiers : "C'est un crétin que l'on mènera". Il remporta les voix des campagnes nostalgiques de la légende napoléonienne. En fait, il rassemblait les voix de tous les mécontents : les monarchistes orléanistes et légitimistes du parti de l’ordre hostiles à la révolution, les paysans hostiles à la hausse de l’impôt des 45 centimes décidé par la république, les démocrates hostiles aux conservateurs qui avaient confisqué la révolution, le peuple hostile aux élites. Il obtint autant de voix dans les quartiers ouvriers décimés par la répression des journées de juin 1848 que dans les quartiers bourgeois de la capitale. Pour le moment, il joua sur la peur de la révolution ouvrière, il se fit passer pour conservateur et nomma un gouvernement conservateurs dominé par le parti de l'ordre. Les 13 et 14 mai 1849, les élections législatives assurèrent la victoire du parti de l’ordre (53 % des voix, 450 sièges) face à une forte minorité de démocrates-socialistes (centre-gauche) (35 % des voix, 200 sièges) que l'on appela très vite les "montagnards" en souvenir de la Révolution française, et à une petite minorité de républicains modérés (11 % des voix) dans la nouvelle Assemblée législative qui remplaçait l'Assemblée constituante. Le parti de l'ordre rassemblait les monarchistes légitimistes (soutenus par les grands propriétaires fonciers) et les monarchistes orléanistes (soutenus par la grande bourgeoisie d'affaires) qui ne parvenaient pas à s'entendre sur le nom du futur monarque. Les premiers soutenaient le comte de Chambord et le drapeau blanc, les seconds le comte de Paris et le drapeau tricolore. Finalement, la république constituait un bon compromis qui leur permettait d'exercer conjointement le pouvoir. Sans la république, ils ne pouvaient que se déchirer. Nous verrons un phénomène similaire en 1875. Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Assembl%C3%A9e_nationale_l%C3%A9gislative_(Deuxi%C3%A8me_R%C3%A9publique) Dès lors, la vie politique fut rythmée par un double conflit : entre le président et l’Assemblée, entre le parti de l’ordre et les républicains démocrates-socialistes à l'Assemblée. Cette période fut en réalité marquée par une régression conservatrice constante qui vit la répression impitoyable du mouvement républicain social. Nous ne retiendrons que trois mesures adoptées au cours de cette période. Tout d'abord, le 15 mars 1850, fut adoptée la loi Falloux qui était libérale dans son principe mais très réactionnaire dans son contexte : la liberté de l’enseignement (catholique) fut étendue à l’enseignement secondaire, les écoles de filles (gérées par des catholiques) étaient rendues obligatoires dans chaque commune, et les curés obtinrent un droit de contrôle sur les instituteurs laïques. Ensuite, la loi électorale du 31 mai 1850 (dite « loi des Burgraves », surnom donné aux dirigeants du parti de l'ordre et venant du titre d'une pièce de Victor Hugo) portait atteinte au suffrage universel : il fallait désormais résider dans le même canton depuis au moins trois ans pour pouvoir voter. Le corps électoral passa alors de 9 à 7 millions de votants et fut réduit de moitié à Paris. La loi permettait en effet de réduire le nombre des voix des ouvriers qui se déplaçaient fréquemment pour trouver du travail. Document : Première application de la nouvelle loi électorale dite des Burgraves. Sous les rires de Thiers et de Louis Veuillot , le président Louis-Napoléon Bonaparte se voit lui-même mis dans l'impossibilité de voter puisqu'il n'a pas résidé continuellement à Paris depuis trois ans. Caricature de Charles Vernier , Le Charivari , 23 mai 1850. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_31_mai_1850#/media/Fichier:Premi%C3%A8re_application_de_la_loi_%C3%A9lectorale.JPG Enfin, la loi du 16 juillet 1850 réduisit la liberté de la presse : les propriétaires de journaux devaient payer une caution élevée (un « cautionnement ») au trésor public pour avoir le droit de publier leur journal (de 1 800 à 24 000 francs selon le lieu et la périodicité de la publication), ils devaient payer un droit de timbre pour chaque page de leur journal (2 ou 5 centime par page) et les auteurs d’articles politiques devaient signer leurs articles de leur nom. Cependant, le parti de l’ordre était paralysé par les conflits entre légitimistes et les orléanistes et il laissait ainsi la voie libre aux manigances de Louis-Napoléon Bonaparte. Ce dernier entra en conflit avec l'Assemblée car elle lui refusait la révision constitutionnelle qui lui aurait permis d'exercer un second mandat de président. Le 2 décembre 1851, jour anniversaire du couronnement de Napoléon 1er en 1804 et de la bataille d’Austerlitz en 1805, Louis-Napoléon Bonaparte réalisa un coup d’État qui lui permit de rester au pouvoir, contrairement aux dispositions de la constitution qui empêchaient la réélection du président de la république. Ce coup d’État avait été préparé par les fidèles de Louis-Napoléon Bonaparte : Morny, le ministre de l'intérieur, Persigny, le général de Saint-Arnaud, le "pacificateur" de la Kabylie, ministre de la guerre. Le coup d'Etat fut annoncé par des affiches placardées dans la capitale et signée par Morny. Elles annonçaient la dissolution de l’Assemblée et de futures élections, le rétablissement du suffrage universel (afin de présenter le coup d’État comme une revanche du peuple et de la démocratie contre le parti de l’ordre qui avait réduit le suffrage universel), la mise en place de l’état de siège (l’armée occupa les points stratégiques de la capitale et certains opposants tels que Thiers et Cavaignac furent temporairement jetés en prison) et la rédaction d’une nouvelle constitution. Surtout, Louis-Napoléon Bonaparte annonçait un plébiscite qui lui permit ensuite de se maintenir au pouvoir. Ce coup d'Etat marquait la victoire du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, au terme des trois années de conflits. Document : les décrets présidentiels du 2 décembre 1851 Au nom du peuple français Le Président de la République décrète : 1. L’Assemblée nationale est dissoute. 2. Le suffrage universel est rétabli. La loi du 31 mai est abrogée 3. Le peuple français est convoqué dans ses comices à partir du 14 décembre jusqu’au 21 décembre suivant. 4. L’état de siège est décrété dans l’étendue de la première division militaire. 5. Le Conseil d’État est dissous. 6. Le ministre de l’intérieur est chargé de l’application du présent décret. Louis-Napoléon Bonaparte Le ministre de l’intérieur, De Morny Le Président de la République, considérant que la souveraineté réside dans l’universalité des citoyens et qu’aune fraction du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice ; vu les lois et arrêtés qui ont réglé jusqu’à ce jour le mode de l’appel au peuple et notamment les décrets des 5 fructidor an III, 24 et 25 frimaire an VIII, l’arrêté du 20 floréal an X, le sénatus-consulte du 28 floréal an XII, décrète : Article premier - Le peuple français est solennellement convoqué dans ses comices, le 14 décembre présent mois, pour accepter ou rejeter le plébiscite suivant : « Le peuple français veut le maintien de l’autorité de Louis-Napoléon Bonaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour faire une constitution sur les bases proposées dans sa déclaration du 2 décembre ». Source : René Rémond, La vie politique en France depuis 1789, tome 1 : 1789-1848, Armand Colin, 1965, p. 157. A Paris, la résistance à ce coup d’État fut réduite car les ouvriers ne souhaitaient pas défendre la république qui avait massacré les leurs en juin 1848. Un épisode célèbre évoque le cas du député républicain Alphonse Baudin. Il appelait les ouvriers du faubourg Saint-Antoine à défendre la république. Ces derniers lui répondirent qu’ils ne comptaient pas mourir pour défendre son indemnité de député de 25 francs par jour. Il s’écria alors : « Vous verrez tout à l'heure comment on peut mourir pour 25 francs par jour ». Il se hissa sur l’une des rares barricades érigées dans la capitale et fut tué par une salve tirée par les soldats. Cette mort héroïque (et totalement inutile !) fit de lui un héros de la mythologie républicaine. En revanche, l’opposition fut très forte dans les campagnes du sud-est de la France où l’armée arrêta près de 10 000 personnes, déportées ensuite en Algérie. A Paris, sur l'ordre du ministre de l'intérieur Morny, l’armée tira sans motif valable sur la foule des grands boulevards, le 4 décembre 1851. La fusillade dura un quart d'heure et fit des centaines de morts, afin de terroriser la population. 4. Le Second Empire 4.1 Vers le Second Empire Revenons à la définition des familles politiques de la droite établie par l’historien René Rémond. Après le légitimisme et l’orléanisme, ce dernier a mis en évidence les caractéristiques du bonapartisme à partir de l’analyse du régime mis en place par Louis-Napoléon Bonaparte. Ce courant politique, organisé derrière une personnalité autoritaire dotée, pensait-on, d’un certain charisme, prétendait résoudre un ensemble de contradictions : d’une part, le nationalisme, le conservatisme social et la défense de l’ordre pour rassurer la bourgeoisie ; d’autre part, l’affirmation de la souveraineté nationale assumant l’héritage révolutionnaire pour se gagner la sympathie des classes populaires, et le mépris des classes dirigeantes traditionnelles. Cette ambiguïté explique le caractère instable de ce courant politique qui oscillait entre un bonapartisme de droite (conservateur, nationaliste, anti-ouvrier, anti-parlementaire, incarné par Persigny) et un bonapartisme de gauche (anticlérical, égalitaire et soucieux du sort de la classe ouvrière, incarné par le prince Napoléon, surnommé "Plonplon"). Dans les deux cas, le recours au plébiscite se présentait comme une forme de communication démocratique directe entre le président et les citoyens, passant par dessus les députés. Par cette relation (prétendument) directe avec le peuple, le bonapartisme pouvait se présenter comme démocratique (dans le cadre d'une dictature !). La définition marxiste du bonapartisme diffère légèrement mais reste proche dans le fond. Le bonapartisme consistait selon Marx en une dictature d'un homme soi-disant providentiel élu par la masse de la paysannerie pour maintenir un équilibre précaire entre deux forces sociales et politiques rivales (la bourgeoisie et la classe ouvrière), en donnant des gages aux deux, mais en tendant quand même à museler davantage la classe ouvrière afin de sauvegarder l'ordre social. Par la suite, le courant bonapartiste s’incarna dans le mouvement boulangiste en 1887-1889, puis en la personne de De Gaulle, de Pompidou puis de Chirac. Aujourd’hui, vu l’état de déliquescence de la droite, il est difficile de déterminer quel homme ou quelle femme politique incarne ce courant. Il est éventuellement possible que ce soit Le Pen, ce qui pourrait expliquer ses relations difficiles avec sa nièce qui, proche du catholicisme traditionnaliste, s'inscrirait plutôt dans le courant légitimiste. Dans des brochures écrites précédemment, Idées napoléoniennes (1840) et L’Extinction du paupérisme (1844), Louis-Napoléon Bonaparte avait déjà formulé ses orientations politiques, inspirées de l’œuvre de son oncle mais également des débats qui traversaient alors la société française. Il considérait que le développement des droits et des progrès humains en cours depuis 1789, devait être accompagné par un gouvernement fort dirigé par un chef charismatique et éclairé, garant de l’intérêt général et seul capable d’éviter les errements de la période révolutionnaire. Il considérait également que ce type de gouvernement devait moderniser l’économie afin d’offrir du travail à tous. Cette réflexion préalable permet de comprendre les principaux traits de son règne. Dans sa proclamation du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte annonçait qu’il convoquait un plébiscite pour demander aux citoyens de prolonger son mandat présidentiel pour dix années supplémentaires. Il exposait également les modifications constitutionnelles qu’il souhaitait mettre en place, en s’inscrivant dans la continuité du Consulat de son oncle. Il souhaitait notamment diviser le pouvoir législatif en deux chambres qui seraient plus faibles face à un pouvoir exécutif incarné par lui seul. Document : La proclamation du président de la république du 2 décembre 1851 (…) Persuadé que l’instabilité du pouvoir, que la prépondérance d’un seule assemblée sont des causes permanentes de trouble et de discorde, je soumets à votre suffrages les bases fondamentales suivantes d’une Constitution que les Assemblées développeront plus tard : 1. Un chef responsable nommé pour dix ans ; 2. Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul ; 3. Un Conseil d’État formé des hommes les plus distingués préparant les lois et les soutenant devant le corps législatif ; 4. Un corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel ; 5. Une seconde assemblée formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. Ce système, créé par le Premier Consul au commencement du siècle, a déjà donné à la France le repos et la prospérité ; il les garantit encore (…). Fait au Palais de l’Élysée, le 2 décembre 1851. Louis-Napoléon Bonaparte Le plébiscite du 21 décembre 1851 approuva par 92 % de "oui" la prorogation de son mandat pour dix ans. Comme ce fut le cas pour l’oncle, le suffrage universel masculin (par un plébiscite totalement manipulé) légitima également le pouvoir du neveu. Ce régime procédait ainsi de la souveraineté nationale (manipulée) et non pas du droit divin. Les opposants qui n’avaient pas encore été arrêtés durent prendre le chemin de l’exil. Le plus célèbre d’entre fut Victor Hugo. Il s’exila à Guernesey et devint un opposant farouche du Second Empire. Près de 10 000 personnes qui s'étaient opposées au coup d'Etat furent condamnées à la déportation en Guyane et en Algérie. La liberté de la presse fut fortement restreinte. Le 14 janvier 1852, fut promulguée une nouvelle constitution, rédigée très rapidement. Elle se réclamait de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Comme Louis-Napoléon Bonaparte l’avait annoncé le 2 décembre 1851, elle instaurait un régime présidentiel autoritaire, sur le modèle du Consulat. Le président élu pour dix ans n’était responsable que devant les citoyens, qu’il pouvait consulter par plébiscite. Il avait l’initiative des lois et exerçait le pouvoir exécutif. Les ministres, nommés par lui, n’étaient responsables que devant lui. Le pouvoir législatif était morcelé et affaibli, divisé entre le Conseil d’État composé de hauts fonctionnaires nommés (préparation des lois), le Corps législatif de 261 députés seulement et dépourvus de traitement (vote du budget et vote des lois sans discussion) et le Sénat aux pouvoirs constituants, dont les membres étaient de droit (cardinaux, amiraux, maréchaux, princes de la famille impériale) ou nommés à vie par le président. Le suspens ne dura pas très longtemps : le neveu suivit les pas de son oncle et restaura l’Empire après le plébiscite du 7 novembre 1852. Cette restauration eut lieu officiellement le 2 décembre 1852, jour anniversaire du coup d'Etat de 1851 mais aussi du sacre de Napoléon en 1804 et de la victoire d'Austerlitz en 1805. Il prit le titre de Napoléon III, tenant en compte le prince de Rome, le fils de Napoléon Ier, pour montrer qu’il s’inscrivait dans une dynastie déjà éprouvée. Il quitta l’Élysée pour le palais des Tuileries. En 1853, il épousa la princesse espagnole Eugénie de Montijo, catholique rigide favorable aux légitimistes, dans l’espoir de fonder une dynastie. Ils eurent un enfant, le prince impérial, né en 1856 et mort en 1879 en combattant aux côté des Anglais contre les Zoulous en Afrique du Sud. Document : la constitution de 1852. Source : https://manuelnumeriquemax.belin.education/histoire-premiere/topics/hist1-ch03-088-a_le-second-empire-le-regime-d-un-homme-1852-1870 Document : Portrait de Napoléon III en uniforme de général de division dans son grand cabinet des Tuileries (huile sur toile d'Hippolyte Flandrin, 1861). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Napol%C3%A9on_III#/media/Fichier:Napol%C3%A9on_III_par_Jean_Hippolyte_Flandrin.jpg Document : Guillaume-Alphonse Cabasson (1814 – 1884), Apothéose de Napoléon III, 1854 . Musée national du château de Compiègne. (esquisse sans doute destinée à un plafond d'un palais impérial). Source: https://compiegne-peintures.fr/notice/notice.php?id=348 4.2 L’Empire autoritaire (1852-1860) Durant les années 1850, la vie politique fut complètement atone. L’opposition n’existait plus, la presse était muselée (cautionnement, droit de timbre, avertissement, jugement en correctionnelle) et le suffrage universel masculin était manipulé par le système de la candidature officielle aux élections législatives : les candidats de l’Empire étaient systématiquement favorisés (financement de leur campagne électorale, droit d’affichage exclusif, tenue de réunions publiques) au détriment des autres candidats qui n’étaient pas libres de mener une campagne électorale. En outre, les élections eurent lieu désormais dans les communes et non plus au chef-lieu de canton. Les maires, nommés et contrôlés par le gouvernement, pouvaient organiser le système des candidatures officielles, surveiller les électeurs et truquer à leur guise les résultats (bourrage des urnes, urnes à double-fond, falsification des procès-verbaux, etc.). Les élections étaient donc truquées mais, selon les historiens, elles jouèrent malgré tout un rôle essentiel dans la constitution d’un espace politique national. Elles donnèrent aux citoyens l’habitude de voter à chaque élection. En votant pour les candidats bonapartistes, les citoyens perdirent l'habitude de voter pour les notables locaux, des nobles légitimistes ou orléanistes. Les campagnes s’émancipèrent ainsi des tutelles anciennes et purent ensuite voter pour les républicains. Document : Le système de la candidature officielle Lettre du sous-préfet de Fougères aux maires de son arrondissement en 1859 Monsieur le Maire, le scrutin s’ouvrira demain J’ai l’honneur de vous rappeler que vous devez l’ouvrir immédiatement après la première messe ; que vous avez sur le bureau un certain nombre de bulletins portant le nom de M. de Dalmas (candidat officiel) et pas d’autres ; qu’il est important que des personnes intelligences et sûres, munies de bulletins portant le nom de Dalmas, occupent les abords de la mairie et protègent les électeurs si bien intentionnés de votre commune contre l’erreur et le mensonge (…). Trois candidats sont en présence : M. de Dalmas, secrétaire, sous-chef de cabinet de l’Empereur, M. de Belsem de Cahmpsavin ; M. Dréo, gendre de Garnier-Pagè, fondateur de la République de 1848 (…). M. de Dalmas représente le principe du dévouement au gouvernement, à l’autorité à l’ordre et peut seul, par sa position, favoriser le développement des nombreux intérêts de l’arrondissement. M. Dréo représente la République, le socialisme, la misère (…). Faites voter en masse, M. le Maire, pour M. de Dalmas, candidat du gouvernement, et par votre conduite éclairée et patriotique, vous servirez à la fois le gouvernement de l’Empereur et l’intérêt du pays. Source : Textes et documents pour la classe n°428, p. 6. Document : Le système de la candidature officielle Électeurs de Vouzon Vous êtes appelés à venir déposer vos votes à la mairie les dimanche et lundi 31 mai et 1er juin prochains, pour nommer un député au Corps législatif. Vous n’oublierez pas tous les bienfaits dont l’Empereur a comblé notre commune à ses différents passages, secours pour les pauvres, secours pour notre église, don de la pompe à incendie. Électeurs de Vouzon, vous prouverez votre reconnaissance à l’Empereur en donnant vos voix à l’honorable M. Clary, recommandé par le Gouvernement et par les services qu’il a rendus au département. Vous n’oublierez pas qu’il vient encore de venir au secours de notre commune en obtenant pour nous une somme de deux mille francs pour notre église dont nous ne pouvions pas payer les dépenses. Électeurs de Vouzon, unissez-vous donc tous pour porter vos votes sur M. Clary qui seul représente la pensée de l’Empereur votre auguste Bienfaiteur. Électeurs de Vouzon, votre Maire compte sur votre dévouement pour le Gouvernement qui veut votre bien-être. Vouzon, le 22 mai 1863 Le Maire de Vouzon Source : René Rémond, La vie politique en France depuis 1789, tome 1 : 1789-1848, Armand Colin, 1965, p. 183. L’empereur était entouré d’une équipe disparate de ministres plus ou moins affairistes et corrompus qui lui obéissaient en tout : Persigny son ami fidèle, le banquier Fould, le juriste Rouher, l’affairiste duc de Morny. Leur enrichissement, ainsi que celui de la classe politique et de la bourgeoisie industrielle en général, les nombreuses fêtes données par l’empereur, suscitèrent de nombreuses critiques et conduisit à évoquer « la fête impériale » pour caractériser ce régime politique. La dictature se caractérisait par le maintien sous les verrous de plusieurs milliers d'opposants politiques, le contrôle très étroit de la presse, une surveillance accrue de la population par la police et la gendarmerie dont les effectifs furent augmentés. Dans l'enseignement, le port de la barbe, symbole de républicanisme, fut interdit aux instituteurs, les agrégations de philosophie et d'histoire furent supprimées en 1853 pour éviter la diffusion d'idées séditieuses. La dictature se durcit encore plus après l’attentat d’Orsini contre l’empereur à proximité de l'Opéra en 1858 qui conduisit à adopter une loi de sûreté générale très dure. Cette loi permettait de condamner sans procès une personne ayant déjà fait l'objet d'une condamnation. 430 suspects, déjà condamnés après le coup d'Etat de 1851, furent alors déportés en Algérie sans jugement. Malgré tout, la période de l’Empire autoritaire fut une période de croissance économique : les campagnes étaient prospères, les grands réseaux de chemin de fer furent construits et entraînèrent la croissance de toute l’industrie. A partir de 1853, le préfet de police de Paris, Haussmann, débuta les travaux d’urbanisme de Paris. A Brest, le bagne ferma en 1858. Les bagnards furent transférés en Guyane. Cette main-d’œuvre fut remplacée par des machines à vapeur performantes, signes de la modernisation du fonctionnement du port et de l’arsenal de Brest. Alors qu’il avait promis une ère de paix, Napoléon s’engagea dans plusieurs conflits. Entre 1854 et 1856, la France s’engagea aux côtés de l'Angleterre dans la guerre de Crimée afin de réduire l’avancée de l’influence de l’Empire russe en mer Noire et dans l’Empire ottoman, au nom de la défense des chrétiens d'Orient. Après avoir remporté une victoire sur la rivière Alma, les franco-britanniques firent le siège de la forteresse russe de Sébastopol, en Crimée. Ce siège dura près d'un an et la plus grande partie des soldats français mourut de froid et de dysenterie. Sébastopol tomba finalement en septembre 1855, et la conférence de la paix qui s'ensuivit, en 1856, fut présentée par la propagande impériale comme une grande victoire militaire et diplomatique française. En 1859, Napoléon III engagea l’armée française aux côtés du roi de Piémont-Sardaigne Victor-Emmanuel contre l’Autriche qui occupait encore une grande partie de l’Italie du Nord. Il aidait ainsi le roi du Piémont à réaliser l’unité de l’Italie, y compris au détriment des États du pape qui furent réduits à la ville de Rome et ses alentours. L’armée française remporta les batailles de Magenta et de Solférino et, en échange, obtint du Piémont la Savoie et le pays niçois qui intégrèrent le territoire français en 1860. D’une certaine manière, Napoléon III pouvait penser qu’il avait vengé son oncle en faisant reculer des grandes puissances de la Sainte-Alliance de 1815, la Russie en Mer Noire et l’Autriche dans le Piémont, tout en s'alliant avec l'Angleterre. Entre 1861 et 1867, il soutint les ambitions de l’archiduc autrichien Maximilien qui voulait s’emparer du trône mexicain et créer un grand empire francophile en Amérique. Mais, abandonné finalement par l'armée française, Maximilien fut fusillé par les Mexicains le 19 juin 1867. Document : Edouard Manet, L'exécution de l'empereur Maximilien, 1868. On notera une composition similaire à celle du tableau de Goya, El dos de mayo . Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Edouard_Manet_022.jpg D'autre part, Napoléon III poursuivit une politique d'expansion coloniale active. Il fit moderniser la marine guerre en l'équipant de cuirassés à hélices et de navires de transport de troupe à vapeur pour augmenter les capacités d'intervention des troupes coloniales. Au cours des années 1850, la France annexa la Nouvelle-Calédonie (1853) pour y installer un bagne et y exploiter le nickel, augmenta le nombre de comptoirs commerciaux en Afrique occidentale (fondation du port de Dakar en 1857, acquisition de la côté du Gabon en 1862), bombarda Canton en 1857 et s'empara de Pékin en 1860 pour imposer des concessions aux Chinois, s'empara de la Cochinchine et du Cambodge. 4.3 L’Empire libéral (1860-1870) Les années 1860 furent une période de modernisation considérable des entreprises capitalistes en France. En 1859 fut créé le Crédit industriel et commercial (CIC), ce fut ensuite le tour du Crédit Lyonnais en 1863 puis de la Société générale en 1864. Ces banques dotées de succursales dans toute la France drainaient l’épargne populaire et furent alors capable de financer les grands projets industriels. Dans ce contexte, en 1867, furent autorisées les sociétés anonymes par actions qui marquèrent véritablement l'entrée de la France dans le capitalisme industriel et financier. Chaque actionnaire d'une société n'était responsable que des actions qu'il détenait dans cette société. En cas de faillite de la société, il n'était pas jugé responsable de le faillite ni condamné pour cela et encore moins déshonoré, comme c'était le cas jusque -là, il ne perdait que ses actions. Pourtant, Napoléon III perdit un à un ses différents soutiens. L'engagement aux côté du royaume de Piémont lui fit perdre le soutien des catholiques inquiets pour la survie des États pontificaux autour de Rome. Il perdit ensuite le soutien de la grande bourgeoisie industrielle qui avait pourtant fait de belles affaires durant les années 1850. En effet, en 1860, Napoléon III signa le traité de libre-échange avec la Grande-Bretagne, qui abaissa fortement les droits de douane entre les deux pays. Le but était de contraindre les industriels français à moderniser leur appareil industriel pour faire face à la concurrence des produits britanniques. Ce traité de commerce eut les effets escomptés, car il obligea l’industrie française à se moderniser. Mais il suscita le mécontentement de la bourgeoisie industrielle française. Perdant le soutien des catholiques conservateurs et de la bourgeoisie industrielle, il fut donc nécessaire à Napoléon III de gagner le soutien du peuple pour maintenir son pouvoir. En 1864, il légalisa le droit de grève , qui avait été aboli en 1791, en abrogeant les articles 414 et 415 du code pénal de 1810 qui interdisait toute coalition" ouvrière, afin de gagner le soutien des ouvriers. Cette mesure permit un essor des mouvements de grève. Il autorisa même la création d’une section française de l’Internationale ouvrière dirigée à Londres par Marx et Bakounine. Bien entendu, ces mesures sociales ne suscitèrent pas pour autant la sympathie des ouvriers pour ce régime ! Progressivement, lors des élections législatives, l’opposition commença à remporter de petits succès électoraux. Quelques députés orléanistes (dont Thiers) et républicains (dont Jules Favre et Emile Ollivier) furent élus au Corps législatif en 1863 et en 1867, malgré le trucage des élections par le système des candidatures officielles. Le 11 janvier 1864, Adolphe Thiers, le chef de l’opposition orléaniste au corps législatif, prononça un célèbre discours dans lequel il réclamait les cinq libertés nécessaires : la liberté individuelle (impliquant la suppression de la loi de sureté générale de 1858), la liberté de la presse, la liberté de vote (impliquant la fin des candidatures officielles) et la liberté du Corps législatif à exercer la totalité du pouvoir législatif (impliquant le retour au parlementarisme). Ce programme libéral pouvait être partagé également par les républicains modérés. En 1868, le régime de la presse fut assoupli (suppression de l’autorisation préalable, baisse du droit de timbre, assouplissement des sanctions). La libéralisation de la presse et l’expression de l’opposition au Corps législatif libérèrent la prise de parole politique hostile au Second Empire. 140 journaux furent alors créés, dont La lanterne du polémiste Henri Rochefort qui se présentait ainsi : "La France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement". Mais ce journal fut interdit dès son troisième numéro. D'autres journaux vécurent la même mésaventure, ce qui montre els limites de la libéralisation de la presse. Aux élections législatives de 1869, les candidats officiels remportèrent 4,4 millions de voix et l’opposition 3,3 millions. Les républicains, derrière Gambetta, avaient adopté le "programme de Belleville" : défense du suffrage universel, respect des libertés publiques et individuelles, séparation de l'Eglise et de l'Etat, gratuité et obligation de l’école primaire, séparation de l’Église et de l’État. En janvier 1870, Napoléon III nomma le républicain modéré Émile Ollivier chef du gouvernement. Ce dernier, vilipendé par les orléanistes et les républicains qui l'accusaient de faire le jeu du pouvoir, fit évoluer l’Empire vers un régime parlementaire de type orléaniste : le Corps législatif obtenait l’initiative des lois et le Sénat devenait une chambre législative classique, sans pouvoir constituant. Ces réformes libérales furent validées par le référendum du 8 mai 1870 (82 % de oui) où seuls les républicains radicaux appelèrent à voter "non". L’Empire était consolidé et Gambetta était désespéré. Il affirma : « L’Empire est plus fort que jamais ». Cependant, les grèves se développaient depuis 1869. La plus célèbre fut celle des mineurs de La Ricamarie, à côté de Saint-Étienne, qui servit de modèle à Zola pour Germinal . L’armée tira sur les grévistes. En avril 1870, les ouvriers du Creusot firent trois semaines de grève pour revendiquer la journée de 8 heures. L'intervention de l'armée les obligea à reprendre le travail. Cette agitation sociale additionnée aux progrès électoraux des républicains inquiétait la droite bonapartiste proche de l’impératrice qui poussait l’empereur à restaurer son pouvoir personnel. Il semblerait pourtant que les réformes libérales étaient considérées comme irréversibles par Napoléon III et que ce dernier ne souhaitait pas s'engager dans une nouvelle guerre après le désastre de l'expédition mexicaine. En revanche, le chancelier Bismarck souhaitait une guerre pour accélérer l'unification de l'Allemagne. Il poussa le prince Léopold de Hohenzollern (fils du cousin du roi de Prusse) à se déclarer candidat au trône d'Espagne qui était vacant. Cette candidature était inacceptable pour la France qui se serait trouvée enserrée entre deux Etats dirigée par la famille régnante prussienne. Dans un premier temps le roi de Prusse Guillaume Ier, soucieux de ne pas déclencher une guerre avec la France, abandonna cette idée. Cependant, le chancelier Bismarck rédigea la fameuse "dépêche d'Ems" (où Guillaume Ier se trouvait en villégiature) qui durcissait la position prussienne et qui fut accueillie en France de façon très négative. Le 19 juillet 1870, la France déclara la guerre à la Prusse. L’armée française subit une série de défaites cuisantes, jusqu’à la défaite de Sedan où se trouvait Napoléon III qui fut alors fait prisonnier, le 1er septembre 1870. Dès l’annonce du désastre, le 4 septembre 1870, Gambetta, Jules Ferry, Jules Favre se rendirent à l’Hôtel-de-ville de Paris pour proclamer la République. Un Gouvernement de "défense nationale" composé de républicains modérés (Adolphe Crémieux, Jules Favre, Jules Ferry, notamment, seuls Léon Gambetta et Henri Rochefort représentaient les républicains radicaux) et présidé par le général Trochu, gouverneur militaire de Paris, fut constitué. C’est alors que les difficultés commencèrent vraiment. 5. Vers la Troisième République 5.1 Le Gouvernement de défense nationale La disparition du Second Empire laissa un vide institutionnel plus ou moins rempli par le Gouvernement de défense nationale, dirigé par le général Trochu, qui tenta tant bien qu e mal de poursuivre les combats contre les Prussiens qui occupaient le quart nord-est de la France. Le gouvernement était composé de Jules Favre (vice-présidence), Gambetta, (ministre de l'Intérieur) Ernest Picard (ministre des Finances), Adolphe Crémieux (ministre de la Justice), Jules Simon (ministre de l'Instruction publique). Jules Ferry était délégué auprès de l'administration du département de la Seine. Arago (un revenant de février 1848) était désigné maire de Paris avec Charles Floquet et Henri Brisson comme adjoints. Le 18 septembre 1870, les Prussiens atteignirent Paris et l’assiégèrent, se gardant bien d’investir la capitale, opération qui aurait risqué d’être très coûteuse en hommes. Gambetta s’échappa de Paris en ballon dirigeable pour coordonner les unités de l’armée française afin de tenter en vain de débloquer le siège de Paris. Au cours de l’hiver la situation des Parisiens assiégés devint terrible : les bombardements des Prussiens étaient fréquents, les classes populaires étaient réduites au chômage et, surtout, l’approvisionnement était insuffisant. On en vint à manger des rats et les animaux des jardins zoologiques. L’inaction du gouvernement était sévèrement critiquée. De nombreux clubs révolutionnaires organisèrent des manifestations et réclamaient la reconstitution de la Commune, à l’image de celle de 1792-1793 qui avait renversé le roi. L’armée et la garde nationale composée de volontaires parisiens tentèrent des sorties désastreuses contre les Prussiens. Le 18 janvier 1871, Guillaume Ier proclama officiellement l'Empire allemand dans la Galerie des glaces du palais de Versailles. Désormais, on ne parlait plus de la Prusse mais de l'Allemagne, qui constituait désormais un Etat-nation regroupant une grande partie des populations parlant l'allemand (sauf les populations autrichiennes). Le 28 janvier 1871 un armistice fut signé. Mais le chancelier Bismarck voulait signer un traité de paix définitif avec un gouvernement légitime et représentatif. Pour cette raison, des élections législatives eurent lieu en France le 8 février 1871. Les citoyens élurent près de 400 monarchistes et 220 républicains modérés. En fait, ils avaient voté pour la paix (souhaitée par les monarchistes) et contre la guerre (dont certains républicains étaient partisans). Le résultat des élection était paradoxal : la France était officiellement une république depuis le 4 septembre 1870, mais elle était dirigée par des monarchistes ! Réunie à Bordeaux, l’Assemblée désigna, le 17 février 1871, Thiers (député orléaniste) comme « chef du pouvoir exécutif de la République française ». Cet énoncé provisoire montre que personne n’était fixé sur la nature du régime à mettre en place. La majorité de l’assemblée souhaitait revenir à la monarchie. Document : La répartition des sièges à l'Assemblée nationale après les élections du 8 février 1871. Source : https://fr.vikidia.org/wiki/D%C3%A9buts_de_la_Troisi%C3%A8me_R%C3%A9publique#/media/File:France_Chambre_des_deputes_1871.png Le 10 mai 1871, Thiers signa le traité de paix de Francfort : la France réglait 5 milliards de francs de réparation à l’Allemagne et lui cédait l’Alsace et la Moselle. L’armée allemande occuperait le quart nord-est de la France tant que les réparations ne seraient pas réglées. Les réparations furent rapidement payées grâce à deux emprunts, ce qui permit d’attribuer à Thiers le titre de « libérateur du territoire » en 1873. Mais, entre temps, Thiers avait réglé le sort de la Commune de Paris . Document : Carte des annexions de 1871. Source : France-Allemagne. 200 ans de guerre et de passion. Les collections de l'Histoire , n°100, juillet-septembre 2023. 5.2 La Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871) Comme l'a rappelé Quentin Deluermoz dans son ouvrage magistral ( Commune (s), 1870-1871 ; Une traversée des mondes au XIXe siècle , Seuil, 2020), la Commune de Paris fut la troisième révolution du XIXe siècle en France, après celles de 1830 et de 1848. Mais elle ne fut ni aussi subite ni aussi courte que les précédentes : elle faisait suite à la défaite de l'armée française, à la proclamation de la république, et au siège très rigoureux de la capitale par l'armée prussienne. Rappelons en effet que, durant tout cet épisode, Paris était assiégée par l'armée prussienne. La population parisienne fut ulcérée par la signature de l’armistice du 28 janvier 1871 car elle souhaitait poursuivre le combat contre les Prussiens. Elle fut également atterrée par le résultat des élections législatives du 8 février 1871 qui avait donné une écrasante majorité aux monarchistes, alors que Paris avait élu des républicains radicaux. En outre, le retour de l'Assemblée nationale à Versailles et non pas à Paris constituait une véritable humiliation pour la capitale. Enfin, l’agitation politique était intense dans une ville industrielle avec une forte concentration d'ouvriers souvent très politisés. En février 1871, les éléments les plus politisés de la garde nationale rejoints par les membres des différents groupes révolutionnaires constituèrent un Comité central de la garde nationale qui constituait l'embryon d'un gouvernement révolutionnaire concurrent de celui de Versailles. Le rôle de la Garde nationale, composée des Parisiens en armes, par opposition à l'armée régulière fut essentiel durant la Commune : elle défendait la ville contre les Versaillais et assurait l'ordre dans Paris. Elle était également un organe de politisation très important car elle fonctionnait selon des principes démocratiques. Par exemple, les membres de la Garde nationale élisaient leurs officiers. Le 18 mars 1871, Thiers chercha à faire enlever les 227 canons de la Garde nationale qui se trouvaient sur la butte Montmartre et qui avaient été acquis par une souscription parisienne. La foule s’y opposa, les soldats chargé d’enlever les canons se rallièrent aux Parisiens et fusillèrent les deux généraux, Lecomte et Thomas, qui leur avaient ordonné de tirer sur les Parisiens. Thiers évacua alors le gouvernement et l’armée de Paris qui se réfugièrent à Versailles, afin de préparer la reconquête militaire de la capitale. Le soir du 18 mars 1871, le Comité central de la garde nationale occupa l'Hôtel-de-Ville de Paris et le drapeau rouge flotta sur cet édifice. Ce jour est considéré comme le premier jour de la Commune de Paris, en référence à la Commune qui avait renversé le roi en 1792. Paris se trouvait en situation révolutionnaire. Le drapeau rouge fut installé sur un grand nombre de bâtiments publics et privés. C'était une réponse au discours de Lamartine du 25 février 1848 qui avait stigmatisé le drapeau rouge pour défendre le drapeau tricolore. Le 26 mars 1871, les électeurs élirent un Conseil général de la Commune de Paris qui remplaça le Comité central de la Garde nationale. Il était composé de 81 membres installés à l'Hôtel-de-Ville de Paris : des révolutionnaires blanquistes (Delescluze) partisans de la lutte contre la bourgeoisie et l’Église, des révolutionnaires membres de l’Internationale ouvrière (Eugène Varlin, Jules Vallès, Edouard Vaillant) davantage préoccupés de réformes sociales, des proudhoniens soucieux de mettre en place des coopératives ouvrières, sans oublier des républicains radicaux (Eudes, Duval, Rigault) et des nostalgiques de la Commune de 1793. Très différents les uns des autres, ils étaient cependant tous attachés à la république démocratique et sociale héritée de 1848. Ce régime politique fut le premier exemple historique d’une démocratie directe et d'un gouvernement de la classe ouvrière. En effet, les membres du Conseil général étaient des ouvriers d'industrie, des artisans, des employés de commerce, des journalistes, des instituteurs, etc. Le Conseil général de la commune de Paris était en outre l’émanation des différentes assemblées locales dont les élus étaient révocables par les citoyens. La population participait aux débats politiques dans les assemblées, grâce aux nombreux journaux et aux clubs politiques où s’exprimaient toutes les tendances révolutionnaires, communistes et anarchistes. Il ne faut pas oublier le rôle des femmes dans la Commune. Nathalie Le Mel (1826-1921), née à Brest, ouvrière relieuse et adhérente de l'AIT, avait créé avec Eugène Varlin, lui-même ouvrier relieur, une coopérative nommée "la marmite" pour fournir des aliments bon marché aux ouvriers. Elle participa aux combats de la Commune en soignant les blessés des barricades et fut condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie en compagnie de Louise Michel, qu'elle a convertie à l'anarchisme. Une fresque lui rend hommage dans le quartier de Pontanezen à Brest Source : https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/a-brest-une-fresque-monumentale-dessinee-par-deux-stars-du-street-art-guy-denning-et-shoof-1139315/ Citons également l'institutrice Marguerite Tinayre, Paule Minck, Elisabeth Dmitrieff, qui fonda avec Nathalie Le Mel l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessé s, et surtout Louise Michel (1830-1905), institutrice, combattante, ambulancière et organisatrice des actions des femmes durant la Commune. Condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie, elle revint en France à la faveur de l'amnistie de 1880 et consacra le reste de sa vie au militantisme. Elle reste l'une des grandes figures du mouvement anarchiste. Document : Louise Michel photographiée par Ernest-Charles Appert à la prison des chantiers à Versailles https:// commons.wikimedia.org/wiki/File:Image_appert_ernest_charles_portrait_de_michel_louise_1830-1905_pris_a_la_prison_des_chantiers_a_versaille_353512.jpg Au cours des 72 jours d'existence da la Commune de Paris, des mesures d’avant-garde furent adoptées par le Conseil général de la Commune : la réquisition des logements vacants, la suspension des loyers (29 mars), l'abolition de l'armée permanente remplacée par la Garde nationale (29 mars) l'élection des fonctionnaires et des juges contrôlés en permanence par leurs électeurs, la suppression de l'armée permanente remplacée par la Garde nationale dont tous les citoyens valides de 19 à 40 ans faisaient partie (30 mars), la séparation de l’Église et de l’État (3 avril), un projet d’enseignement primaire laïque, gratuit et obligatoire, la gestion des entreprises laissées vacantes par des coopératives ouvrières (16 avril), l’interdiction du travail de nuit des boulangers (20 avril). Pour reprendre la typologie de ce chapitre, ce régime était donc non libéral mais démocratique et social. Mais surtout, il s’agissait du premier gouvernement ouvrier de l’histoire caractérisé par une effervescence politique, une floraison de journaux et de clubs où la population venait débattre des questions politiques du jour. La Déclaration au peuple français, appelée aussi le "testament de la commune" du 19 mars 1871, en résume le programme. Document : La Déclaration au peuple français du 19 avril 1871 . Source : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/histoire-et-patrimoine/troisieme-republique/la-commune-de-paris Ce programme est fédéraliste : il envisage l'organisation politique de la France comme une fédération de Communes autonomes. Chaque commune est responsable de la fixation du montant des impôts, du vote du budget, de l'organisation de la police, de l'enseignement. Ce programme promeut la démocratie directe : les magistraux et fonctionnaires communaux sont élus et révocables, ils exercent leur mandat sous le contrôle des citoyens. L'armée et la police sont remplacées par la Garde nationale constituée de citoyens (et aussi de femmes, telles que Louise Michel) qui élisent leurs officiers. De cette manière, la Commune met à bas l'Etat bourgeois avec sa police, son armée permanente et ses fonctionnaires n'obéissant qu'au pouvoir central. Par la suite, chaque mouvement politique s'empara de l'héritage de ce programme. Les anarchistes y voient la marque de Proudhon avec le fédéralisme et la mise en place de coopératives, les républicains radicaux y voient l'annonce des mesures de la Troisième république (école obligatoire, séparation de l'Eglise et de l'Etat, mesures sociales), les marxistes y voient la première la première prise du pouvoir par la classe ouvrière, la mise en place d'une véritable démocratie ouvrière et l'annonce des soviets de Russie en 1917, des conseils de soldats et d'ouvriers en Allemagne en 1918 ou en Espagne en 1936. Cependant la dirigeants de la Commune n’osèrent pas s’emparer des réserves d’or de la Banque de France et n’attaquèrent pas les troupes de l’armée régulière avant que celle-ci n’eut le temps de s’organiser. Par la suite, la Garde nationale de Paris tenta des offensives souvent désordonnées et catastrophiques. Enfin, quelques tentatives de mise en place de Communes eurent lieu au Creusot, à Lyon, à Saint-Étienne, à Marseille, en Martinique et à Alger (la révolte des citoyens français dont certains avaient été déportés en Algérie pour des raisons politiques), qui furent écrasés par l’armée au bout de quelque jours et qui ne parvinrent pas à soutenir la Commune de Paris. En effet, Thiers, installé à Versailles, organisa la reconquête militaire de Paris. Avec l'aide des Prussiens qui libérèrent un grand nombre de soldats français prisonniers, il rassembla une armée à Versailles confiée à Mac-Mahon qui attaqua Paris dès le mois d'avril. Cette armée versaillaise parvint à entrer dans Paris le 21 mai 1871, du fait de la négligence des membres de la Garde nationale qui gardaient une porte de Paris. Du 21 au 28 mai, la « semaine sanglante » vit se dérouler une terrible guerre civile au cours de laquelle l’armée des Versailles conquit Paris d’ouest en est. Les Communards défendirent le centre et l’est de Paris en incendiant de nombreux bâtiments afin de ralentir la progression des Versaillais. Ils étigèrent de nombreuses barricades qui furent enlevées au prix de violents combats. Les prisonniers dont les mains étaient noircies par la poudre de fusil étaient la plupart du temps exécutés sur le champ. Des fusillades massives eurent lieu à l'Ecole militaire, dans les jardins du Luxembourg, etc. Le peintre Edouard Manet, plutôt favorable à la Commune, réalisa des dessins et des lithographies montrant l'atrocité des combats et des exécutions sommaires. Document : Edouard Manet, La guerre civile. Lithographie. Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Manet.Guerre_civile.jpg Document : Edouard Manet, La barricade. Lithographie, 1871 (en fait, l'exécution sommaire de prisonniers). Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Manet._Barricade.jpg Les derniers combats eurent lieu dans le cimetière du Père Lachaise et les 147 derniers combattants furent fusillés devant ce que l’on nomme « le mur des Fédérés » qui, toujours aujourd'hui, demeure l'un des grands lieux de la mémoire du mouvement ouvrier. Ces combats firent entre 5 000 et 7 000 morts, 43 000 personnes furent trainées en justice. 4 800 d'entre elles (dont Louise Michel et Nathalie Le Mel) furent condamnées au bagne, déportées en Algérie ou en Nouvelle-Calédonie (conquise en 1853). Ces condamnations étaient un moyen de criminaliser le mouvement communard et d'en nier la dimension politique. Plusieurs milliers de Communards (Jules Vallès, Gustave Courbet...) parvinrent à s'enfuir en Angleterre ou en Suisse. L'ampleur des massacres et l'exécution de grandes figures du mouvement ouvrier (Eugène Varlin) désorganisèrent durablement le mouvement ouvrier. Dans la continuité des journées de juin 1848, la semaine sanglante de mai 1871 fut un exemple de guerre sociale féroce, de lutte à mort entre les classes possédantes et un régime démocratique dirigé par les ouvriers. Le rêve d’une république démocratique et sociale hérité de 1848 était désormais éteint pour longtemps. Surtout, l'expérience des 72 journées de la Commune devint pour les mouvements socialiste, communiste et anarchiste (chacun avec sa propre interprétation), l’exemple même de ce que pourrait être le régime politique de la classe ouvrière. On pourra lire à cet effet l'ouvrage de Karl Marx, La guerre civile en France . 5.3 La mise en place de la Troisième République A l’été 1871, la France se trouvait en plein désarroi : massacres de la Semaine sanglante, perte de l’Alsace-Lorraine et occupation d’un partie du territoire par l’armée allemande, paiement des réparations. Le régime impérial était totalement discrédité par sa défaite à Sedan, et le mouvement ouvrier et révolutionnaire était décimé à la suite de la Semaine sanglante. Trois forces politiques dominaient alors le débat politique à l’Assemblée : les légitimistes, monarchistes hostiles aux acquis de la Révolution française, les orléanistes, monarchistes dirigés par Thiers et proches de la grande bourgeoisie d’affaire, qui pouvaient renoncer à la monarchie pourvu que le régime garantisse les libertés politiques et les affaires, et les républicains modérés hostiles à la Commune, partisans d’une république politiquement libérale mais socialement conservatrice (Jules Ferry, Jules Favre, Jules Simon). En juillet 1871, le comte de Chambord , le prétendant au trône des légitimistes sous le nom de Henri V, exilé en Autriche, annonça qu’il refusait de renoncer au drapeau blanc de la monarchie d’Ancien Régime. En refusant le drapeau tricolore, il discrédita définitivement les légitimistes et permit le rapprochement entre les orléanistes et les républicains, tous également attachés aux principes de 1789 et favorables à un régime parlementaire. Les orléanistes préféraient une république conservatrice à la monarchie de droit divin rétrograde du comte de Chambord. En conséquence, l’Assemblée vota la loi Rivet du 31 août 1871 : le « président de la République française » se trouvait « sous l’autorité » de l’Assemblée qui s’octroya le pouvoir de rédiger une constitution. Thiers devint ainsi à la fois président et chef du gouvernement, mais sous le contrôle de l’Assemblée qui l’avait élu. Le système politique de la France n’était pas encore établi et il aurait pu facilement tomber du côté de la monarchie si les légitimistes et les orléanistes avaient pu s’entendre. Mais l’entente se fit entre les orléanistes et les républicains. De fait, l’opposition essentielle n’était plus entre les monarchistes et les républicains, mais entre les partisans d’un retour à l’Ancien Régime et les partisans des principes de 1789. Cependant, les hésitations perdurèrent. Le 24 mai 1873, Thiers fut poussé à la démission par les députés monarchistes car il s’était clairement déclaré pour la république. L’Assemblée élit à sa place, comme président de la république, le maréchal Mac-Mahon , un légitimiste qui avait le sang des Algériens et des Communards sur les mains. Il fut élu pour sept ans, durée très longue et inhabituelle dans les régimes parlementaires : les monarchistes n’avaient toujours pas renoncé à instaurer un régime monarchique et ce délai de sept années leur semblait nécessaire pour trouver un nouveau prétendant au trône. Cette mesure de circonstance devint ensuite une règle constitutionnelle jusqu’à l’instauration du quinquennat à partir de 2002. La période du mandat de Mac-Mahon fut nommée l’ Ordre moral : De Broglie dirigea le cabinet ministériel et pris une série de mesures très conservatrices. La liberté de la presse fut réduite, les débits de boisson très surveillés, les fonctionnaires et les instituteurs républicains furent révoqués. De grands pèlerinages furent organisés dans une atmosphère de fièvre religieuse et, surtout, une souscription permit de construire la basilique du Sacré-Cœur sur la colline de Montmartre, précisément là ou la Commune avait débuté, afin d’expier les crimes de la Commune. Document : Portrait du maréchal Mac Mahon, président de la république https://www.vie-publique.fr/catalogue/24010-portrait-officiel-de-m-patrice-de-mac-mahon-president-de-la-republique-francaise Encart : Quelques mots sur Mac Mahon (1808-1893). Il effectua l'essentiel de sa carrière militaire en Algérie, entre 1830 et 1870, avec quelques intermèdes, participant à une "pacification" qui fit passer de 3 à 2 millions le nombre des Algériens. En 1855, lors de la guerre de Crimée, il s'empara de l'ouvrage fortifié de Malakoff, ce qui contribua à la conquête de Sébastopol. Il aurait alors prononcé son célèbre aphorisme: "J'y suis, j'y reste". Il est également célèbre pour cet autre aphorisme : "Que d'eau ! que d'eau !", devant le spectacle des inondations provoquées par la Garonne à Toulouse, le 26 juin 1875. En 1859 il contribua à la victoire de Magenta en Italie et fut fait maréchal et duc de Magenta par Napoléon III. Par son incompétence, il contribua à la défaite de Sedan en 1870 et commanda ensuite l'armée qui massacra les Communards lors de la "Semaine sanglante". Cet attachant personnage devint président de la république en 1873, en attendant une possible restauration monarchique. En attendant de trouver un prétendant au trône, il fallut organiser la répartition des pouvoirs. Cette situation politiquement floue explique qu’il ne fut pas rédigé une constitution de la Troisième République, seulement un ensemble de lois constitutionnelles résultant de rapprochements de circonstance entre orléanistes et républicains. Le 30 janvier 1875, l’ amendement Wallon voté par une voix de majorité, indiquait : « Le président de la république est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en une assemblée nationale ». La république était évoquée uniquement et subrepticement dans cette simple phrase pour caractériser le président. Cette phrase instituait un régime parlementaire bi-caméral (Sénat et Chambre des députés) élisant le président. Le modèle était celui de la monarchie de juillet avec deux différences : le président remplaçait le roi et le suffrage universel ne pouvait plus être remis en cause. Une restauration monarchiste n’était toujours pas exclue : on pouvait encore remplacer le président par un roi orléaniste et instaurer une monarchie de type britannique. Cependant, l’intransigeance du comte de Chambord, attaché au drapeau blanc et à la monarchie de droit divin, finit par lasser les orléanistes qui basculèrent définitivement vers la république conservatrice garantissant à la fois le respect des principes de 1789 et le maintien de l’ordre social. Trois lois constitutionnelles successives reprirent l’amendement Wallon et fixèrent le fonctionnement de la Troisième république : la loi relative au Sénat le 24 février 1875, la loi relative à l’organisation des pouvoirs publics le 25 février (reprenant l'amendement Wallon dans son article 2) et la loi relative aux rapports entre les pouvoirs publics, le 16 juillet 1875. Ces lois fixaient une constitution de type orléaniste marquée par la séparation des pouvoirs, avec une prééminence du pouvoir législatif. Le président de la république était élu par le Sénat et la Chambre de députés pour sept ans en attendant une éventuelle restauration monarchique. Le président nommait les ministres, il avait l’initiative des lois et pouvait dissoudre la Chambre des députés avec l’accord du Sénat. La Chambre des députés (terme monarchiste qui remplace l'"Assemblée nationale") était composée de députés élus au suffrage universel masculin pour quatre ans. Ces derniers votaient le budget et les lois. Ils pouvaient censurer le gouvernement. Le Sénat (équivalent de la chambre des pairs) était composé de 300 membres élus au suffrage indirect (par les députés, des élus des conseils municipaux et des conseils généraux) pour neuf ans. Parmi eux, 75 « sénateurs inamovibles » étaient élus à vie par la chambre des députés. Le Sénat servait à contrebalancer politiquement la chambre des députés. Cette constitution était donc d’essence monarchiste : équilibre des pouvoirs, équilibre entre suffrage universel et suffrage indirect, équilibre entre la chambre des députés et le Sénat. En effet, jusqu’ici, les constitutions républicaines supposaient une seule assemblée et le suffrage universel direct. Ce régime n’était pas d’essence républicaine, mais les républicains comptaient l’aménager par la suite. Pour y parvenir, il leur restait à conquérir les institutions. Document : la loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics Article 1. - Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. - La Chambre des Députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale. - La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat seront réglés par une loi spéciale. Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible (Amendement Wallon du 30 janvier 1875). Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et militaires. - Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre. Article 5. - Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. - En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. Article 6. - Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. - Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. Article 9. - Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles (article abrogé par la loi du 21 juin 1879) Source: https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1875-iiie-republique Document : Le fonctionnement de la Troisième république Source : https://manuelnumeriquemax.belin.education/histoire-premiere/topics/hist1-ch06-156-a_l-instauration-et-l-enracinement-d-une-republique-democratique Aux élections législatives de mars 1876, à l’issue d’une campagne électorale très active menée par Gambetta, les républicains emportèrent 360 sièges contre 160 aux monarchistes et aux bonapartistes. La république conservatrice rassurait désormais la masse des paysans. Le républicain Jules Simon devint alors le président du conseil des ministres. Document : La répartition des sièges à l'Assemblée nationale après les élections de 1876 . Source : Manuel d'histoire de première, Hatier, 2019, p. 157. Le conflit était inévitable avec le président de la république et, le 16 mai 1877 , Mac-Mahon retira sa confiance à Jules Simon qui démissionna. Mais la Chambre des députés refusa de voter la confiance au nouveau président du conseil monarchiste, De Broglie. Le 19 juin, Mac-Mahon dissout la chambre. Gambetta sillonna à nouveau la France pour mener la campagne électorale et prononça cette phrase demeurée célèbre, le 15 aout 1877 à Lille : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre ». Document : Discours de Léon Gambetta à Lille, le 15 aout 1877 Quand la seule autorité [le suffrage universel masculin] devant laquelle il faut que tous s’inclinent aura prononcé, ne croyez pas que personne soit de taille à lui tenir tête. Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers, bourgeois, électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la question est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait connaître leur volonté, ne croyez pas que lorsque tant de millions de français auront parlé, il y ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou administrative qu’il soit placé, qui puisse résister. ( Vive approbation .) Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre. ( Double salve d’applaudissements. – Bravos et cris répétés de : Vive la République ! Vive Gambetta ! ) Source : http://droitpolitique.com/publications/publication/44/discours-de-gambetta-a-lille-15-aout-1877 Aux élections législatives d’octobre 1876, les républicains remportèrent à nouveau la majorité des sièges, De Broglie dut démissionner et Mac-Mahon dut effectivement se soumettre. Désormais, plus aucun président de la Troisième république n’osa dissoudre la Chambre des députés qui devint l’institution centrale de la république. La Troisième république devint à la faveur de la crise du 16 mai un régime réellement parlementaire. Ensuite, les Républicains remportèrent toutes les élections et firent la conquête de toutes les fonctions politiques. En 1878, ils l’emportèrent dans un grand nombre de conseils municipaux. Lors du premier renouvellement du Sénat en 1879, les conseillers municipaux républicains, électeurs des sénateurs, élurent une majorité de sénateurs républicains. Face à deux assemblées républicaines, Mac-Mahon démissionna le 30 janvier 1879. Au-delà des souhaits de Gambetta, non seulement il s’était déjà soumis en 1876 mais il dut également se démettre en janvier 1879. Le républicain Jules Grévy fut alors élu président de la république. Plusieurs mesures attestèrent la victoire de la république : le gouvernement et les deux chambres quittèrent Versailles pour Paris, les condamnés de la Commune furent amnistiés et revinrent en France en 1880, la Marseillaise devint l’hymne national en 1879 et le 14 juillet devint la fête nationale en 1880. Comme le drapeau tricolore avait été adopté définitivement comme emblème en 1830 et la devise républicaine en 1848, tous les symboles actuels de la république étaient désormais acquis. Surtout, la république s'imposait dans l'espace politique et architectural avec la construction massive de mairies et d'écoles qui installaient la république au cœur des villes et des villages. Document : Léon Bonnat, Portrait de Jules Grévy (1807-1891), 1880. Paris, Musée d’Orsay Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bonnat_Portrait_of_Jules_Grevy.jpg 5.4 Les républicains au pouvoir Les années 1880-1885 furent dominées par les républicains modérés qui avaient commencé leur carrière politiques en tant qu’opposants à Napoléon III. Comme les principaux dirigeants républicains étaient Jules Ferry, Jules Grévy et Jules Simon, on parlait alors de la « République des Jules ». Ces républicains modérés étaient qualifiés d’opportunistes : ils profitèrent de toutes les opportunités pour installer progressivement la république sans provoquer de bouleversements brutaux. Ils firent voter les grandes lois libérales , dont certaines ont toujours cours aujourd’hui. La loi du 30 juin 1881 garantissait la liberté de réunion . La loi du 29 juillet 1881 garantissait la liberté d’expression (affichage, presse, etc.). Une autorisation préalable suffisait pour organiser une réunion ou publier un journal. Il était désormais possible de tout écrire dans un journal, sauf de diffamer une personne. La loi de 1884 garantissait la liberté syndicale . Il ne s’agissait pas d’une loi sociale, mais d’une loi libérale permettant aux salariés de se regrouper en tant que citoyens pour défendre leurs droits dans le cadre des institutions de la république. La loi Naquet de 1884 autorisa le divorce dans des conditions assez restrictives. Le divorce était considéré comme une garantie de la liberté individuelle car le mariage était considéré comme un contrat qui devait donc pouvoir être rompu. La révision constitutionnelle du 14 aout 1884 supprima l’institution monarchique des 75 sénateurs inamovibles et déclar a : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision. Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République. " La république devenait ainsi le régime définitif de la France et la restauration monarchique n’était plus une option. Toujours en 1884, les conseils municipaux eurent le droit d’élire leur maire, sauf à Paris, inquiétant berceau de nombreuses révolutions, dirigée par le préfet de police et le préfet de la Seine, jusqu’en 1977, date de l’élection du premier maire de Paris, Jacques Chirac. Enfin, la loi de 1901 créa la liberté d’association (« associations loi 1901 ») qui est toujours en vigueur, elle aussi. La loi Camille Sée de 1880 ouvrit l’enseignement secondaire aux jeunes filles. L ’ école primaire devint gratuite en 1881, obligatoire et laïque en 1882. En 1886, la loi Goblet laïcisa le personnel enseignant des écoles primaires publiques qui devint fonctionnaire d’État en 1889. L'école obligatoire mais également le service militaire sont considérés comme des éléments de socialisation républicaine. En 1872 fut votée par l'Assemblée monarchiste de Versailles une loi qui instaurait le service militaire universel d'une durée de cinq ans. De fait, les jeunes hommes participaient à un tirage au sort. Les "mauvais numéros" étaient astreints au service militaire, mais pas les autres. La proportion de "bons" et de "mauvais" numéros dépendait des besoins de l'armée. Mais surtout, un riche qui avait tiré un "mauvais numéro" pouvait se payer un "remplaçant" (un pauvre) contre une forte somme d'argent, ce qui rendait ce service militaire socialement très inégalitaire. Cette réforme permit de porter les effectifs militaires à 500 000 hommes et le territoire se couvrit alors de casernes pour les héberger et les entrainer. En 1889, une nouvelle loi abaissa la durée du service militaire à trois ans tout en supprimant certaines exemptions (par exemple, tout titulaire du baccalauréat pouvait s'engager pour une durée de un an et éviter ainsi le tirage au sort). Cette loi est contemporaine de la loi de 1889 sur la nationalité. Cette loi fixe le droit du sol en indiquant que toute personne née sur le sol français était française et facilitait les naturalisations des étrangers vivant en France qui devaient alors effectuer le service militaire. En 1905, une loi abaissa le service militaire à deux ans et supprima le tirage au sort et toutes les exemptions. En 1913, la durée du service militaire fut portée à trois ans. Au cours de cette période, les citoyens s'acculturèrent à la pratique républicaine du suffrage universel masculin. Le vote communautaire institué lors de la Seconde république tomba progressivement en désuétude. Cependant, l'installation des isoloirs consacrant un vote libre et individuel ne fut permise que par la loi du 29 juillet 1913, alors que la question se posait depuis les années 1880. Document : Alfred Henri Bramtot, Le suffrage universel, esquisse pour la mairie des Lilas (Seine), 1889. Paris, Petit Palais. Source : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/esquisse-pour-la-mairie-des-lilas-le-suffrage-universel#infos-principales La loi du 9 décembre 1905 instaura la séparation des Églises et de l’État . Rappelons que cette loi vise à garantir la liberté de conscience. Pour cette raison, l'Etat ne reconnait et ne subventionne plus aucun culte. La laïcité était un combat essentiel pour fonder la république contre l’Église dont le clergé restait majoritairement hostile aux principes de 1789. Enfin, la République s'imposa également par les symboles républicains qui saturèrent l'espace public et qui assurèrent, selon le mot de l'historien Maurice Agulhon, une "républicanisation du décors". Nous verrons plus loin la question des statues de Marianne. Comme nous l'indiquons dans le post sur "L'école au temps de Jules Ferry", la construction des bâtiments scolaires à partir des années 1880, sur lesquels était inscrite la devise républicaine, participait de cette logique. Enfin, une loi de 1884 obligea les communes à se doter d'un bâtiment spécifique pour accueillir le conseil municipal qui ne pouvait plus se réunir dans la maison personnelle du maire. Parfois accolées aux écoles primaires, pour des raisons budgétaires, elles arboraient également la devise républicaine. Le bâtiment de la mairie devait désormais incarner la République installée au cœur de chaque commune. C'est pourquoi, dans les grandes villes, ces bâtiments furent d'emblée très imposants. Pourtant, la république aurait pu succomber à deux crises majeures. Au milieu des années 1880, la crise économique nommée la "grande dépression" provoqua de nombreuses grèves et l’instabilité ministérielle réduisit la confiance de nombreux citoyens envers les institutions qui semblaient fragiles. En outre, le président Jules Grévy dut démissionner en 1887 lorsque l’on apprit que son gendre profitait de sa position pour vendre très cher des décorations et notamment des légions d’honneur. Le scandale fut énorme. Au même moment, entre 1887 et 1889, le général Boulanger fédéra derrière lui à la fois la droite bonapartiste, une fraction des monarchistes et une partie de la gauche républicaine radicale. Ce général était très populaire lorsqu’il était ministre de la guerre en 1886-1887 : il fit adopter le fusil Lebel, autorisa la port de la barbe dans l’armée, remplaça les gamelles par des assiettes, autorisa les soldats à posséder des couverts, fit construire un réfectoire par caserne, refusa de faire intervenir l'armée contre les mineurs grévistes de Decazeville. Cependant, il engagea un bras de fer avec l'Allemagne en raison d'une affaire d'espionnage. Comme il avait risqué de déclencher une guerre avec l'Allemagne, il fut démis de ses fonctions par le président de la République Jules Grévy. Il passa alors à la fois pour un homme de gauche et pour un patriote convaincu, partisan d’un pouvoir fort. Il s'engagea alors dans le combat politique en se présentant à diverses élections législatives partielles. Il réclamait une révision constitutionnelle dans le sens du renforcement du pouvoir exécutif, programme qui convenait aussi bien aux bonapartistes qu’aux monarchistes légitimistes qui croyaient toujours possible de remplacer le président de la république par un monarque. Les mesures qu'il avait adoptées lorsqu'il était ministre lui attirait le soutien des républicains radicaux et de certains militants ouvriers. Il fut élu triomphalement à plusieurs élections législatives partielles. Un soir de victoire électorale, le 27 janvier 1889, il fut poussé par ses amis politiques à s’emparer de l’Élysée, ce qu’il refusa au dernier moment car il souhaitait rester dans la légalité républicaine. Risquant la prison, il se réfugia en Belgique où il se suicida finalement sur la tombe de sa maîtresse en 1891. On peut trouver cette fin politique, au choix, lamentable ou romantique. Surtout, en les conduisant à voter pour lui, il avait habitué les monarchistes à participer aux élections. Avec les bonapartistes, ces derniers finirent par former la droite républicaine. En 1892, le pape entérina cette évolution et, par l’encyclique Inter sollicitudines , il reconnut officiellement le suffrage universel et autorisa les catholiques à participer aux élections dans un cadre républicain. La république n’était plus mauvaise, c’est la laïcité qui l'était. Ce ralliement des catholiques à la république fut un événement considérable. Désormais, seule l'extrême droite catholique traditionnaliste et monarchiste légitimiste resta hostile à la République. Rappelons également que l’année 1889, qui vit la fin de l’aventure boulangiste, fut marquée par la grande exposition universelle, à l’occasion de laquelle fut construite la Tour Eiffel, qui constitua également une célébration de la République. Elle marqua à la fois la victoire des républicains contre Boulanger et le bicentenaire de la Révolution française. La même année, la loi Freyssinet de 1889 sur le service militaire instaura un service militaire réellement universel (suppression du remplacement et de l’exemption des ecclésiastiques) d'une durée de trois ans. De même la loi sur la nationalité de 1889 définit cette dernière sur la base du droit du sol car on avait besoin de soldats dans un pays à la natalité déjà déclinante. Elle contribua en effet à accorder largement la nationalité aux étrangers installés depuis au moins trois ans en France. Mais surtout, cette loi consacrait l'intégration des citoyens à l'échelle de la nation et non plus seulement à l'échelle locale. La citoyenneté républicaine reposait désormais sur deux bases : le service militaire universel masculin et le suffrage universel masculin. L’ affaire Dreyfus fut la seconde crise majeure qui faillit emporter la république. Cette affaire commença comme un affaire d’espionnage : une femme de ménage, employée par les services secrets français et travaillant à l’ambassade allemande, y trouva un bordereau contenant des secrets militaires français. Le capitaine français Alfred Dreyfus, juif alsacien, fut accusé d'avoir transmis ce bordereau aux Allemands. Il fut condamné pour trahison et déporté à l’île du Diable, en Guyane, en 1894. Le capitaine Picquart fut progressivement convaincu que le traître était en réalité un autre officier français, Esterhazy. La famille de Dreyfus convainquit Zola de l’innocence de Dreyfus et Zola écrivit le 13 janvier 1898 son fameux article « J’accuse » dans l’Aurore, le journal de Clemenceau afin de dénoncer cette erreur judiciaire. Zola fut lui-même condamné pour diffamation et dut s’exiler en Angleterre, où il mourut dans des circonstances suspectes, pour éviter la prison. L’affaire rebondit grâce à « J’accuse » et divisa profondément l’opinion publique française : les dreyfusards défendaient Dreyfus au nom des droits de l’homme, de la recherche de la vérité et de la justice ; les antidreyfusards défendaient l’honneur de l’armée, la raison d’État et étaient souvent antisémites ("Dreyfus était nécessairement coupable parce qu'il était juif"). En 1899, la révision du procès de Dreyfus condamna à nouveau Dreyfus (pour satisfaire les anti-dreyfusards) avec les circonstances atténuantes et ce dernier fut aussitôt gracié par le président de la République Loubet (pour satisfaire des dreyfusards). Dreyfus fut réhabilité en 1906. Finalement, l’affaire Dreyfus renforça la République derrière les idées des Lumières et les principes des droits de l’homme. Les forces antidreyfusardes et anti-républicaines, l’un des avatars du courant légitimiste, furent discréditées et privées pour longtemps d’une représentation politique. On peut considérer le régime de Vichy, autoritaire, antiparlementaire et antisémite, comme une revanche des antidreyfusards contre la République. 5.5 L'organisation du mouvement ouvrier Parallèlement aux crises républicaines, le mouvement ouvrier commença à s'organiser. Rappelons qu'il avait été décapité par la répression de la Commune. Un évènement majeur fut la fusillade de Fourmies dans le nord de la France, le 1er mai 1891. Depuis 1889, le 1er mai était considéré comme la journée annuelle de revendication de la journée de 8 heures de travail. A l'appel des militants socialistes, les ouvriers de l'industrie textile de Fourmies firent massivement grève pour leurs salaires mais le maire de la ville fit appel à l'armée qui tira sur les manifestants et tua neuf personnes. Cette fusillade, largement connue grâce à la presse à grand tirage, mit en évidence les deux limites de la république : son incapacité à résoudre la question sociale, son incapacité à faire participer les classes populaires à la vie politique. Le combat contre ces deux limites fut celui du mouvement socialiste mené tout d'abord par des anciens Communards. Par exemple, Jean Allemane et Edouard Vaillant fondèrent de petits partis révolutionnaires prônant la grève générale en lien avec l'action syndicale comme moyen de renverser le capitalisme. Jules Guesde, eut un rôle plus important car il fut le principal introducteur en France du marxisme et de la notion de lutte des classes. Il fonda le Parti Ouvrier Français qui obtint ses premiers succès électoraux dans le nord de la France et dans le midi. Mais la grande figure du mouvement socialiste en France fut bien évidemment Jean Jaurès, créateur du journal L'humanité en 1904, qui organisa en 1905 la création de la SFIO (Section française de l'internationale ouvrière) par le regroupement de tous les partis socialistes existants et jusque-là rivaux. Cependant ce parti demeura assez faible et plutôt minoritaire (51 députés en 1906, 103 en 1914 contre 250 députés radicaux par exemple). En effet, le mouvement syndical, incarné alors par la CGT, s'opposait au mouvement socialiste. La CGT défendait un syndicalisme révolutionnaire influencé par les anarchistes dont l'objectif était de préparer la grève générale, prélude au renversement du capitalisme. Il n'était pas question pour eux de se présenter aux élections, comme le faisaient les socialistes. En 1906, lors de son congrès d'Amiens, la CGT adopta la Charte d'Amiens qui prônait l'indépendance des syndicats par rapport aux partis politiques, c'est-à-dire la SFIO. La CGT souhaitait rester indépendante de la SFIO qu'elle soupçonnait de privilégier les élections au détriment de la préparation de la révolution ouvrière. La SFIO se distingua toutefois par son refus de participer aux gouvernements républicains considérés comme l'instrument de la bourgeoisie. C'est pourquoi quelques socialistes quittèrent bien vite la SFIO pour pouvoir participer aux gouvernements dirigés par les radicaux. Ce fut le cas notamment d'Aristide Briand. Cette opposition aux gouvernements cessa le 4 aout 1914, lors du discours de Léon Jouhaux, sur la tombe de Jean Jaurès assassiné le 31 juillet, appelant à soutenir l'entrée en guerre de la France. Les députés SFIO votèrent alors les crédits de guerre. Conclusion Ce chapitre est terriblement difficile à aborder avec des élèves de dix ans. Peut-être est-il possible de l'aborder par le biais de l'évolution des représentations de Marianne et de la République. Les lignes qui suivent s'inspirent des travaux du grand historien Maurice Agulhon qui a étudié l'évolution des représentations de Marianne au XIXe siècle. Les allégories féminines de la République coiffées d'un bonnet phrygien symbole de la liberté retrouvée apparurent en 1792. Elles illustraient des sceaux, des pièces de monnaie, des statuettes. Elles n'étaient pas officiellement appelées Marianne. C'est vraisemblablement un usage populaire qui conduisit à appeler la République Marianne, prénom issu de la contraction des deux prénoms féminins les plus usités durant la Révolution, Marie et Anne. Pour travailler avec les élèves, on pourrait commencer par le tableau de Delacroix, La liberté guidant le peuple (qui n'est pas une représentation de la République ni de Marianne !), pour évoquer la révolution de 1830. On pourrait étudier ensuite quelques représentations de la République. Document : Jean-François Soitoux, statue de la République, 1848 (installée seulement en 1880 place de l'Institut à Paris). Source : https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/concevoir-les-societes/f35e776d-45ce-49c1-bd5f-484568fb922c-laicite/album/5c32493a-7732-498f-a516-27e4db6a141e-dire-et-representer-republique Cette statue gagna la concours de sculpture lancé en 1848 pour représenter la République. Pas encore appelée Marianne, elle est représentée vêtue d'une toge, à l'antique. Cette république guerrière brandit un glaive qui protège un niveau (l'égalité) et une ruche (le travail). Sa tête est ornée d'une couronne de laurier, elle-même ornée d'un étoile à quatre branches symbole de la lumière, marquant la victoire contre la monarchie. D'ailleurs, elle foule aux pieds une couronne royale peu visible ici. Sa main gauche est posée sur un faisceau républicain. Enfin, son front est ceint d'un bandeau où est inscrit : "République démocratique, 24 février". Pas de bonnet phrygien, mais une symbolique essentiellement guerrière pour marquer la victoire récente (la couronne de laurier) mais toujours fragile (le glaive n'a pas été rangé dans son fourreau) contre la monarchie de Juillet. Sous la République conservatrice puis sous le Second Empire, les symboles républicains égalitaires (bonnet phrygien, niveau, la couleur rouge) furent progressivement bannis de l'espace public. Les aigles impériales et les bustes de Napoléon III furent distribués aux préfectures et aux mairies. Lors de la Commune de 1871, la Marianne combattante, révolutionnaire, cheveux au vent, réapparut temporairement avant de sombrer lors de la Semaine sanglante, mais revint au milieu des années 1870, en portant désormais officiellement le nom de Marianne. Document : Triomphe de la République , anonyme. 1875. Musée Carnavalet. Source : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/triomphe-de-la-republique#infos-principales La gravure intitulée Triomphe de la République , date de 1875, au moment où furent votées les lois constitutionnelles instaurant la Troisième république, dans un contexte passablement confus, quelques temps après la répression de la Commune et alors que la restauration monarchique restait une option possible. Là encore, la République, guidée et éclairée par le génie de la liberté (voir la Colonne de Juillet sur la place de la Bastille), est incarnée par une Marianne guerrière, coiffée du bonnet phrygien, l'épée dans une main et le drapeau tricolore dans l'autre, foulant du pied la couronne et le sceptre de la royauté. Au-dessus d'elle, des angelots tiennent, l'un une inscription "suffrage universel", et l'autre le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Derrière elle, les citoyens (que des hommes !), représentent les différentes catégories du peuple : paysans, ouvriers, soldats. A droite, un garçon tient un livre, rappelant l'accès à l'instruction promis par la République aux enfants. Au pied du piédestal, la République met en déroute tous ses ennemis. De gauche à droite : un monarchiste tenant dans sa main un sac contenant l'argent de la liste civile, le comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône en costume de sacre, Napoléon III et un général vaincu à Sedan, et des soldats prussiens qui viennent de quitter le territoire français. Désormais, les statues de Marianne saturent l'espace public et entrent dans les mairies. Document : Statue de la République, place de la République, Paris. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Place_de_la_R%C3%A9publique_(Paris)#/media/Fichier:A_la_Gloire_de_la_R%C3%A9publique_Fran%C3%A7aise.jpg La statue de la place de la République fut inaugurée en 1883, alors que la République était définitivement installée. La statue en bronze de 9,5 m de haut est posée sur un piédestal en pierre de 15 m de haut. L'allégorie de la République porte le bonnet phrygien et une couronne de laurier. Elle brandit de la main droite un rameau d'olivier, symbole de paix. Son épée est glissée dans un fourreau, car la victoire sur la monarchie est désormais acquise, et sa main gauche est appuyée sur une table de la loi avec l'inscription : " Droits de l'homme". Sur le piédestal figure l'emblème de la ville de Paris accompagné de l'inscription : « À la gloire de la République Française - La ville de Paris - 1883 ». Les trois statues féminines (l'une d'elles se trouve derrière la statue) symbolisent la liberté, l'égalité et la fraternité. Le lion de bronze, symbole de force, garde une urne sur laquelle est inscrit "suffrage universel". La force du lion, support de la République désormais solidement installée, renvoie au suffrage universel (masculin) et à la souveraineté nationale. Les plaques de bronze ceinturant le piédestal rappellent les évènements majeurs à l'origine de la République : 20 juin 1789 (serment du jeu de paume), 14 juillet 1789 (prise de la Bastille), 4 aout 1789 (abolition des privilèges), 14 juillet 1790 (fête de la Fédération), 11 juillet 1792 (la patrie en danger), 20 septembre 1792 (Valmy), 21 septembre 1792 (abolition de la monarchie), 29 juillet 1830 (Trois glorieuses), 4 mars 1848 (adoption du suffrage universel), 4 septembre 1870 (proclamation de la République), 14 juillet 1880 (première célébration de la fête nationale). La République est donc le point d'aboutissement de cette histoire. Document : le triomphe de la République, place de la Nation à Paris . Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_triomphe_de_la_R%C3%A9publique,_Place_de_la_Nation_Paris_Aim%C3%A9_Jules_Dalou.JPG La statue en bronze de la République érigée par Dalou sur la place de la Nation fut inaugurée en 1899 par le président de la République Emile Loubet. L'allégorie de la République porte un bonnet phrygien, sa main gauche est posée sur un faisceau républicain. Elle ne porte plus l'épée ni la couronne de laurier des Républiques guerrières antérieures, car la paix et la stabilité sont désormais assurées. Son sein dénudé symbolise la République nourricière. Elle marche sur un globe pour marquer l'universalité de la République. Elle est placée sur un char tiré par deux lions, symbolisant la force de la souveraineté nationale et celle du suffrage universel, dirigés par le génie de la liberté éclairant la route et l'humanité de son flambeau. Elle est accompagnée des allégories du Travail (le forgeron, un marteau sur l'épaule), de la Justice (une femme tenant un manteau d'hermine et la main de justice), et de la Paix (répandant des fleurs). Enfin, des enfants symbolisent l'Instruction (portant un livre et les outils des métiers du bâtiment), l'Équité (chargé d'une balance) et la Richesse (tenant une corne d'abondance). Cet ensemble symbolise réellement la triomphe de la République. Elle vient de surmonter la crise boulangiste et l'Affaire Dreyfus et semble définitivement installée et stable. C'est pourquoi on peut considérer que le sein dénudé de la République nourricière est l'exact contrepoint du glaive et de la couronne de laurier des Marianne guerrières précédentes, érigées à des moments où la République semblait encore menacée par les forces royalistes et bonapartistes.

  • La Deuxième Guerre mondiale : les phases de la guerre

    Par Didier Cariou, maître de conférences HDR en didactique de l’histoire à l’Université de Bretagne Occidentale Mots-clés : Pacte germano-soviétique, Axe, Entrée en guerre, guerre-éclair, Lebensraum, Drôle de guerre, Expédition de Narvik, Campagne de France, Dunkerque, Débâcle, Armistice, Bataille d’Angleterre, Churchill, Mers-el-Kebir, Charte de l’Atlantique Attaque de l’URSS, Prisonniers de guerre soviétiques, Pearl Harbor, Carte de l’Europe en 1942, Camps de concentration, Centres de mise à mort, Stalingrad, El-Alamein, Débarquement en Afrique du nord, Midway, Débarquement en Sicile, Débarquement en Normandie, Débarquement de Provence, Conférence de Yalta, Capitulation allemande, Conférence de Potsdam, Hiroshima, Nagasaki, Capitulation du Japon Que dit le programme ? Comme pour la Première Guerre mondiale, il est attendu que l’étude de la Seconde Guerre mondiale parte des traces qui en sont restées dans les paysages, dans les archives, dans la mémoire familiale. Dans la fiche Eduscol, il est indiqué incidemment que les concepts centraux de ce chapitre sont ceux de la violence de guerre et de la guerre d’anéantissement qui permettent de structurer l’étude. La fiche Eduscol précise également qu’une erreur serait de présenter les deux guerres mondiales successivement, sans travail de comparaison. Malheureusement, elle ne propose pas vraiment des modalités de comparaison accessibles à des élèves de CM2 et, personnellement, je ne vois pas bien comment faire. La comparaison entre le génocide des Arméniens et les génocides des Juifs et des Tsiganes semble évidemment souhaitable. Pour le reste, la focale très franco-centrée du programme rend la comparaison difficile entre la France engagée dans la guerre des tranchées et la France occupée par l’armée allemande. Le point de comparaison peut être celui du rapport entre violence de guerre et guerre d’anéantissement. Le concept de violence de guerre s’applique parfaitement à la Première Guerre mondiale à propos de laquelle on étudie la violence subie par les combattants et celle que ces combattants ont pu exercer. Ce concept s’applique également aux combattants de la Seconde Guerre mondiale mais doit être complété par celui de guerre d’anéantissement qui rend compte des bombardements massifs des villes anglaises, des villes allemandes et des villes japonaises, des batailles (Stalingrad) qui ont conduit à la mort de plusieurs centaines de milliers de combattants à chaque fois. Les massacres massifs de populations civiles en Europe de l’Est et, ponctuellement en Europe du Sud et de l’Ouest, et, bien entendu le génocide des juifs et le génocide des Tsiganes, participent de cette guerre d’anéantissement. L’objectif de ce chapitre est d’essayer de comprendre l’escalade de la violence de guerre à la guerre d’anéantissement. Dans ce chapitre, nous abordons uniquement les phases de la guerre afin d’indiquer le contexte militaire général de l’occupation de la France et du génocide des Juifs et des Tsiganes. Ce point sur les phases de la guerre ne semble pas être attendu du programme du cycle 3, mais il peut sembler utile d’en rappeler les grandes étapes. Il est possible de ne pas lire ce blog si l’on connaît déjà l’essentiel du contexte général de la guerre. 1. Les offensives de l’Allemagne et de ses alliés (1939-1941) 1.1 La campagne de Pologne On pourrait considérer que la Deuxième Guerre mondiale a débuté en 1937 avec la déclaration de guerre du Japon (allié de l’Allemagne depuis 1936) à la Chine, inaugurant des combats et des massacres atroces de populations civiles chinoises qui se déroulèrent jusqu’à la capitulation du Japon face aux États-Unis, le 2 septembre 1945. Mais nous devons adopter ici un point de vue européo-centré. En Europe, la guerre a commencé le 1er septembre 1939. Le 23 août 1939, l’URSS de Staline signa avec l’Allemagne de Hitler le pacte germano-soviétique de non-agression accompagné d’un "protocole secret" organisant le futur partage de la Pologne entre les deux puissances. Ce pacte permettait à Hitler de faire la guerre à l’Ouest sans se soucier dans l’immédiat de la menace soviétique à l’est. Il laissait le temps à Staline de reconstituer l’armée soviétique après les purges qui avaient conduit à l’exécution de la plus grande partie des généraux et des officiers supérieurs soviétiques. Assurée de la neutralité (temporaire) de l’URSS, Hitler se trouvait à la tête des forces de l’ Axe , qui regroupait l’Allemagne, l’Italie puis le Japon. Le 1er septembre 1939 , l’armée allemande pénétra en Pologne sans déclaration de guerre. Alliées de la Pologne, la France et la Grande Bretagne déclarèrent la guerre à l’Allemagne, le 3 septembre 1939. L’armée allemande mena une guerre-éclair ( Blitzkrieg ) en Pologne : l’aviation bombardait les aérodromes, les nœuds routiers et ferroviaires tandis que les blindés et l’infanterie motorisée envahissaient la Pologne qui fut vaincue en trois semaines. Mais cette campagne se caractérisa surtout par l'extrême violence déployée par l'armée allemande, afin d'anéantir au plus vite l'armée polonaise et de terrifier la population et lui enlever toute velléité de résistance par de nombreux massacres de populations civiles. Dès leur victoire, les Allemands entreprirent la liquidation physique des élites polonaises et commencèrent à s’en prendre aux juifs. D'une certaine manière, la campagne de Pologne préfigura la campagne contre l'URSS. Le 18 septembre 1939, l’armée soviétique envahit l’Est de la Pologne, conformément aux clauses du protocole secret du pacte de non-agression. Encadré : le Lebensraum A partir de l’automne 1939, les nazis commencèrent à organiser la politique de colonisation de ce qu’ils nommaient l’ espace vital ( Lebensraum ), à savoir les territoires d’Europe de l’Est peuplés de populations slaves et/ou de religion juive, considérées comme des races inférieures. Les juifs devaient disparaître à court terme (au départ, les nazis pensaient les regrouper dans des ghettos puis les exiler dans des contrées lointaines où ils disparaîtraient faute de soins et de nourriture, mais ils décidèrent finalement leur l’extermination systématique à l'automne 1941). Les slaves devaient être réduits en esclavage pour travailler dans des centres de mise en valeur agricole attribués à des colons allemands et répartis (selon la logique du modèle des "lieux centraux" du géographe Walter Christaller en 1933) sur tout l’espace de la plaine qui s’étend de la Pologne à la Russie en passant par l’Ukraine et la Biélorussie. La disparition des populations slave par le manque de nourriture et les mauvais traitements était programmée sur le long terme, une fois que cette main d’œuvre ne s’avérerait plus nécessaire aux colons allemands. D'ici là, toutes les atrocités contre les populations civiles de Pologne, des pays Baltes, de la Biélorussie et de l'Ukraine, étaient permises par l'idéologie nazie. 1.2 La Drôle de guerre et la campagne de France Après sa victoire en Pologne, l’armée allemande se retourna vers le front Ouest mais n’attaqua pas immédiatement les armées françaises et britanniques. Les soldats français, installés derrière la ligne Maginot, ligne fortifiée censée empêcher toute invasion, baptisèrent cette guerre, qui n’en était pas une, la « drôle de guerre ». La doctrine militaire française consistait à attendre que des offensives allemandes viennent se fracasser contre la ligne Maginot. Des combats eurent lieu cependant en Scandinavie. L’URSS attaqua la Finlande en décembre 1940, afin de gagner des territoires qui auraient permis de protéger Leningrad (actuelle Saint-Pétersbourg) jugée trop proche de la frontière finlandaise. Mise en difficulté par l’armée finlandaise, l’armée soviétique l’emporta finalement au prix de lourdes pertes. De son côté, l’armée allemande envahit le Danemark et les ports norvégiens le 9 avril 1940, afin de sécuriser ses approvisionnements en minerai de fer suédois. Un corps expéditionnaire composé d’unités britanniques, françaises et polonaises débarqua dès le lendemain à Narvik , dans le nord de la Norvège, pour soutenir une division de l’armée norvégienne. Les Alliés l’emportèrent mais durent rentrer en France et en Angleterre lors de l’offensive allemande contre la France. Les Allemands s’installèrent alors à Narvik jusqu’à la fin de la guerre. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ouvrages_de_la_ligne_Maginot La Drôle de guerre s’acheva le 10 mai 1940, lorsque l’armée allemande envahit les Pays-Bas puis la Belgique avant de réaliser la percée de Sedan, le 13 mai, lors de ce que l’on a nommé la Campagne de France . En effet, la ligne Maginot avait été construite uniquement face à la frontière allemande mais pas face à la frontière de la Belgique, alliée de la France. Il fut donc aisé pour l’armée allemande de prendre la ligne Maginot à revers en traversant le massif des Ardennes au niveau de Sedan. A nouveau, l’armée allemande mit en œuvre le Blitzkrieg associant les Stukas, les bombardiers en piqué, et les divisions blindées qui occasionnèrent d’énormes pertes dans l’armée français. L’armée britannique et de nombreux soldats français furent bloqués sur la plage de Dunkerque . Une pause de l’armée allemande, sans doute pour des raisons de ravitaillement et de maintenance des véhicules, laissa le temps à l’armée britannique d’évacuer 350 000 soldats entre le 29 mai et le 4 juin 1940. Cet épisode est raconté dans deux films très différents mais également importants : l’excellent Week-end à Zuidcoote de Henri Verneuil (1964) avec Jean-Paul Belmondo pour le point de vue français, et le remarquable Dunkirk de Christopher Nolan (2017) pour le point de vue britannique. L’armée allemande poursuivit sa progression vers le sud. Le 14 juin, Paris fut déclarée « ville ouverte » et prise par l’armée allemande qui occupa les deux tiers de l’espace français en quelques jours. L’effondrement de l’armée française en quelques semaines fut appelé la Débâcle , en dépit d’une résistance acharnée qui occasionna de très lourdes pertes : environ 60 000 soldats français perdirent la vie au cours des six semaines de guerre, contre 30 000 du côté des Allemands, un taux de perte comparable aux pires mois de la Première Guerre mondiale. Près de 1,6 million de soldats français furent fait prisonniers et emmenés en captivité en Allemagne. Malgré une légende tenace, l’armée française ne fut pas battue en raison d’une infériorité matérielle face aux avions et aux chars de l’armée allemande, mais en raison de leur mauvaise utilisation et d’une désorganisation du commandement français dirigé par le très conservateur général Gamelin vite remplacé par le non moins conservateur général Weygand (conservateurs au sens politique du terme et au sens militaire : ils avaient une guerre de retard). En même temps, 8 à 10 millions de personnes venues du quart nord-est de la France s’enfuit devant l’avancée des troupes allemandes, ce que l’on appela l’ Exode . Le souvenir de l’extrême dureté de l’occupation allemande du Nord de la France et le récit d’atrocités réelles ou supposées de l’armée allemande contre les populations civiles durant la Première Guerre mondiale, poussèrent la population à tenter de rejoindre le sud de la France. Les familles s’enfuirent par le train, en voiture (encore rares à l’époque), sur des charrettes, à vélo, etc. Elles manquèrent de nourriture, dormirent dans les champs, elles subirent les bombardements de l’aviation allemande et italienne (l’Italie de Mussolini avait déclaré la guerre à la France le 10 juin) dans un chaos généralisé. Elles furent vite rejointes par l’armée allemande et reprirent le chemin de leur domicile au cours du mois de juillet. Le gouvernement du maréchal Pétain, nommé le 17 juin 1940, demanda l’ armistice qui fut signé le 22 juin 1940 à Rethondes, dans la wagon où avait été signé l’armistice du 11 novembre 1918. Les clauses de cet armistice étaient très dures : armée réduite à 100 000 hommes, versement des frais d’entretien quotidiens de l’armée allemande et séparation du territoire en deux parties : la moitié nord de la France et le littoral atlantique furent occupés par l’armée allemande (zone occupée) et le centre et le sud (zone non-occupée) seraient administrés par un gouvernement français (voir le post sur la France dans la guerre) 1.3 La bataille d’Angleterre et la guerre en Méditerranée Désormais, la Grande Bretagne se trouvait seule face à l’Allemagne. Le premier ministre conservateur, Winston Churchill , prononça devant la Chambre des Communes deux discours qui firent date. Le 13 mai 1940, il déclara : « Je n’ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Et le 4 juin : « Nous irons jusqu’au bout, nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les mers et les océans, nous nous battrons avec toujours plus d’assurance et toujours plus de force dans les airs, nous défendrons notre île, quel qu'en soit le prix. Nous combattrons sur les plages, nous nous battrons sur les pistes d'atterrissage et dans les champs et dans les rues, et sur les collines. Nous ne nous rendrons jamais ( We shall never surrender ) ». Dès le mois d’août 1940, débuta la Bataille d’Angleterre . Hitler avait ordonné une offensive aérienne sur l’Angleterre, qui devait préluder à un débarquement. La Luftwaffe effectua des raids de bombardements massifs sur Londres et les villes industrielles afin de paralyser l’économie britannique et surtout démoraliser la population, ce que les Anglais appelèrent le Blitz . Mais la Royal Air Force parvint à infliger des pertes massives à l’aviation allemande, notamment grâce à l’usage du radar qui permettait de détecter les escadrilles allemandes et de se rendre rapidement à leur rencontre pour les détourner de leur objectif. Le débarquement allemand n’eut jamais lieu mais les bombardements des villes anglaises se poursuivirent tout au long de la guerre. Au sortir de la guerre, de nombreux quartiers des villes anglaises étaient des champs de ruines. Dès le mois de juillet, les Allemands et les Britanniques rivalisèrent de vitesse en Méditerranée. Les Britanniques possédaient des bases à Gibraltar, Malte et Alexandrie. Les Allemands bénéficiaient de l’alliance avec l’Italie. Le 3 juillet 1940, la marine britannique détruisit en quelques minutes la flotte française dans la rade de Mers-el-Kebir , à côté d'Oran, en Algérie. 1 295 marins français, dont 997 pour le seul cuirassé Bretagne , furent tués lors de l’opération. Cette attaque provoqua une énorme vague d’indignation en France et développa un fort sentiment antibritannique qui fut ensuite largement repris par la propagande allemande et la propagande du gouvernement de Vichy. Mais le gouvernement britannique craignait (sans doute à raison) que cette flotte française ne rejoigne la marine allemande qui serait alors devenue invincible en Méditerranée. Dès lors, les principales zones de combat furent la Grèce que les Italiens échouèrent à envahir, ce qui provoqua l’invasion du pays par l’armée allemande en 1941, et la Libye, colonie italienne où la division blindée du général Erwin Rommel, l’ Afrika Korps , repoussa les Britanniques, jusqu’à menacer l’Égypte et le canal de Suez, artère vitale pour l’empire britannique. Des combats eurent également lieu en 1941 en Irak (ancienne possession britannique), en Syrie et au Liban (possessions françaises), dont l’enjeu était également la possession du canal de Suez. Mais la survie de la Grande Bretagne dépendait surtout de la navigation sur l’océan Atlantique et du commerce avec les États-Unis. Or, les sous-marins allemands, depuis les côtes norvégiennes et françaises (où les Allemands construisirent des bases sous-marines résistant aux bombardements à Brest, Lorient, Saint-Nazaire et La Rochelle), menaçaient les convois britanniques et leur occasionnaient de lourdes pertes. Le président américain Roosevelt, inquiet devant les avancées territoriales des forces allemandes et japonaises, défendait l’intervention des États-Unis aux côtés des Britanniques. Mais la majeure partie de l’opinion publique américaine était isolationniste et refusait toute intervention militaire extérieure. Pourtant, Roosevelt céda des destroyers aux Britanniques dès l’été 1940. Depuis 1939, la loi Cash and Carry (« payez et emportez ») obligeait les États belligérants qui souhaitaient acheter des armements aux États-Unis, à les payer cash et les à transporter eux-mêmes. Cette loi était destinée à rassurer l’opinion publique américaine car elle était censée garantir la neutralité des États-Unis. En mars 1941, Roosevelt franchit pourtant une étape en faisant adopter la loi prêt-bail : pour les États étrangers dont la protection constituait un intérêt vital pour la sécurité américaine (traduisez : la Grande Bretagne et plus tard l’URSS), les produits nécessaires à la conduite de la guerre leur seraient livré sous forme de prêts, remboursables plus tard. Cette loi était décisive pour la Grande-Bretagne qui avait épuisé ses réserves monétaires en payant cash les livraisons américaines. De fait, les États-Unis finançaient désormais l’effort de guerre britannique, tout en restant officiellement neutres, pour satisfaire l’opinion publique américaine. Enfin, en août 1941, Roosevelt et Churchill se rencontrèrent au milieu de l’Atlantique. A cette occasion, il publièrent la Charte de l’Atlantique qui énonçait les principes démocratiques selon lesquels le monde devrait être réorganisé après la guerre. 2. La guerre devint mondiale (1941-1942) 2.1 L’offensive allemande contre l’URSS : l’opération Barbarossa Le 22 juin 1941 (le même jour que celui de l’offensive de Napoléon contre l’Empire russe le 22 juin 1812), l’armée allemande et ses alliés finlandais, hongrois et roumains attaquèrent l’URSS. Au total, 3 millions de soldats, 10 000 chars et 3 000 avions furent engagés contre l’URSS. L’offensive allemande fut rapide et brutale car l’armée soviétique, décapitée par les purges staliniennes de 1936-1938, ne s’était pas encore totalement réorganisée. En outre, Staline ordonna aux soldats soviétiques de défendre coûte que coûte leurs positions, ceux qui reculaient étant considérés comme des déserteurs. Ce ordre désastreux eut pour effet la capture en quelques semaines de près de 1,5 millions de soldats soviétiques par l’armée allemande. Durant toute la guerre, plus de 5 millions de soldats soviétiques furent faits prisonniers de guerre . Ils furent parqués dans des camps où ils subirent des mauvais traitements, ils furent sous-alimentés, parfois exécutés. Le racisme et l’anticommunisme des nazis et de l’armée allemande en général expliquent le traitement inhumain des prisonniers de guerre soviétiques dont 3 millions seulement survécurent (à leur libération, ils furent directement internés dans les goulags soviétiques officiellement parce qu’ils étaient des lâches qui avaient préféré capituler plutôt que de mourir au combat, en réalité parce que les souffrances qu’ils avaient endurées lors de leur captivité risquaient de les pousser à formuler des revendications qui auraient gêné Staline). Durant l’été et l’automne 1941, l’armée allemande envahit les pays baltes, la Biélorussie et la plus grande partie de l’Ukraine. Durant cette période commença le génocide des juifs que nous évoquons dans le post sur les génocides. Durant toute la guerre à l'Est, l'armée allemande commit d'innombrables atrocités contre les populations civiles jugées comme inférieures. Cette guerre était conçue par les nazis et par une grande partie des officiers allemands comme une guerre idéologique et raciale, comme une guerre d'anéantissement des juifs, des communistes et des populations slaves en général. On a cru longtemps que les crimes de guerre à l'Est avaient été commis uniquement par les SS et que les soldats de la Wehrmacht avaient su garder leur intégrité morale. Or, nous savons maintenant que la Wehrmacht a commis des crimes de guerre contre les populations civiles et parfois même contribué au génocide. En novembre 1941, le front se stabilisa devant Leningrad au nord (un million de personnes moururent de faim et dans les bombardement durant le siège de Leningrad par l’armée allemande), et devant le Donbass, en Ukraine, au sud. L’offensive allemande fut stoppée à 20 km de Moscou par des contre-offensives soviétiques, en décembre. L’hiver fut terrible pour les soldats allemands qui n’étaient pas équipés contre le froid et qui subirent des contre-attaques soviétiques qui permirent de dégager Moscou. Cet épisode marqua surtout la fin du blitzkrieg à l'Est. 2.2 L’attaque japonaise et l’entrée en guerre des États-Unis Depuis 1937, le Japon menait la guerre en Chine. La défaite française et l’affaiblissement de la Grande Bretagne lui permirent d’étendre sa zone d’influence sur leurs colonies d'Asie du Sud-Est afin de mettre la main sur les ressources nécessaires à son industrie de guerre. Par exemple, en juillet 1941, les Japonais occupèrent toute l’Indochine française qui produisait notamment du caoutchouc, matière première essentielle pour les véhicules militaires. Cependant, pour conquérir de nouveaux territoires, la Japon devait affronter nécessairement les États-Unis qui possédaient des bases navales aux Philippines ainsi que de nombreuses îles dans le Pacifique. Le 7 décembre 1941, par surprise et sans déclaration de guerre, les forces aéronavales japonaises bombardèrent la base maritime américaine de Pearl Harbor , dans l’une des îles Hawaï. La plus grande partie de la flotte américaine du Pacifique fut détruite. Cette agression provoqua l’entrée en guerre des États-Unis. Désormais, la totalité du monde était engagé dans la guerre. Document : The USS Arizona (BB-39) burning after the Japanese attack on Pearl Harbor, 7 December 1941. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_USS_Arizona_(BB-39)_burning_after_the_Japanese_attack_on_Pearl_Harbor_-_NARA_195617_-_Edit.jpg Très rapidement, les Japonais acquirent une supériorité navale incontestée dans le Pacifique et en Asie du Sud-Est. Durant l’hiver 1941 et le printemps 1942, ils s’emparèrent des îles américaines de Guam et de Wake, ils débarquèrent aux Philippines, ils s’emparèrent de l’Indonésie hollandaise, de la Birmanie britannique, de Hong-Kong et de Singapour qui étaient également britanniques. Source : La deuxième Guerre mondiale, récits et mémoire. Numéro spécial du Monde , mars 1994. 3. De la suprématie des forces de l’Axe à la victoire des Alliés (1942-1945) 3.1 L’Europe sous la domination nazie L’année 1942 marque l’apogée de la domination nazie sur l’Europe Le Grand Reich était composé des territoires peuplés par les populations germanophones ainsi que les territoires assimilés par les nazis au Lebensraum : la Pologne réduite à un Gouvernement général dépendant du Grand Reich et les deux Commissariats du Reich de l’Ostland et de l’Ukraine. Ces territoires furent pillés par les Allemands, les populations civiles furent décimées, parfois réduites en esclavage et les femmes souvent déportées comme main d’œuvre dans les usines en Allemagne. De nombreux partisans y poursuivirent le combat contre l’armée allemande aux prix de grandes difficultés. Ces territoires furent également le lieu de la Shoah : après la concentration des juifs dans les ghettos et la Shoah par balles, les centres de mise à mort y furent installés à partir de 1942. L'historien américain Timothy Snider a nommé l'ensemble de ces territoires les "terres de sang". Les États satellites d’Europe centrale et des Balkans, même s’ils étaient officiellement souverains, dépendaient du bon vouloir des Allemands. Ils fournissaient des ressources au Grand Reich ainsi que des forces militaires. Au-delà, se trouvaient des pays soumis à une occupation militaire : Norvège, Danemark, Pays-Bas, Belgique, Nord de la France, Grèce. Ils fournissaient à l’Allemagne des ressources financières, des produits agricoles et industriels. A partir de 1942, les jeunes gens de ces pays furent forcés d’aller travailler en Allemagne. Un certain nombre d’entre eux y échappèrent en s’engageant dans la clandestinité. Enfin, le sud de la France était administré par le régime de Vichy qui pratiquait une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Source : https://www.secondeguerre.net/hisetpo/gu/hp_europenazie.html Il ne faut pas oublier non plus un phénomène qui ne peut être cartographié, à savoir les gigantesques déportations du travail. En effet, comme les hommes allemands étaient mobilisés dans les armées, et comme les femmes étaient confinées aux tâches domestiques par l'idéologie nazie, l'Allemagne nazie consomma un volume considérable de travailleuses et de travailleurs forcés, déportés depuis les territoires occupés vers le territoire du Reich, pour alimenter la machine de guerre nazie : des femmes capturées en Ukraine, en Biélorussie et en Russie, des prisonniers de guerre français, des hommes et des femmes d'Europe occidentale (volontaires ou contraints). En février 1944, 7,3 millions d'étrangers travaillaient sous la contrainte en Allemagne. Cela conduisit à un énorme paradoxe : alors que les nazis prétendaient protéger la pureté de la race allemande, ils avaient transformé l'Allemagne en un gigantesque camp de travail où se croisaient des populations "ennemies" venues de l'Europe entière. De même, les combats virent la destruction des jeunes hommes qui devaient pourtant constituer la base du Reich millénaire. Le nombre de soldats allemands tués au combat connut en effet une forte croissance : 357 000 morts en 1941, 572 000 en 1942, 812 000 en 1943, 3,3 millions entre l'été 1944 et l'été 1945. L’Europe sous domination nazie était parsemée de camps de concentration et de centres de mise à mort . Les camps de concentration étaient situés surtout sur le territoire de l’Allemagne et de l’Autriche. Ils avaient été ouverts dès 1933 en Allemagne pour enfermer les opposants politiques (essentiellement les communistes) mais également les délinquants et les criminels (les droits communs), sous l’autorité de gardes SS. Les détenus étaient soumis au travail forcé et aux mauvaise traitements. Les prisonniers de droit commun exerçaient les fonctions subalternes de surveillance et avaient tous les pouvoirs pour affamer, maltraiter, rançonner les prisonniers politiques. Dans certains camps (par exemple à Buchenwald), les détenus communistes parvinrent à éliminer les droits communs et à assurer la gestion du camp, ce qui permit à certains d’entre eux de survivre jusqu’à l’effondrement du Troisième Reich. Une fois la guerre venue, les camps de concentrations servirent à enfermer également les résistants des différents pays européens conquis par l'armée allemande, ainsi que de nombreux civils des pays de l’Est et parfois des soldats soviétiques. On estime que près des deux tiers des déportés disparurent dans ces camps. Ce qui est appelé « camp d’extermination » sur la carte ci-dessous étaient en réalité des « centres de mise à mort ». Il ne s’agissait pas de « camps » dans la mesure où ne s’y trouvaient que des baraquements pour les gardes et quelques Juifs asservis servant dans les chambres à gaz et des fosses communes. Les juifs déportés des principaux ghettos polonais étaient tous assassinés dans les chambres à gaz dès l'arrivée de leur train. Le camp d’Auschwitz constituait une exception puisqu’il était composé de deux camps de concentration (Auschwitz I et Auschwitz III Monowitz où étaient installée des usines) et d’un centre de mise à mort installé dans la camp d’Auschwitz II Birkenau. C’est la raison pour laquelle les juifs déportés à Auschwitz depuis l’Europe de l’Ouest et du Sud subissaient une « sélection » dès leur descente du train. Les adultes en bonne santé étaient sélectionnés pour travailler tandis que les autres personnes étaient assassinés le jour même (voir le post sur les génocides). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Camps_de_concentration_nazis#/media/Fichier:WW2_Holocaust_Europe_N-E_map-fr.svg 3.2 Les tournants de la guerre (1942-1943) Dès 1943, l’équilibre des forces en Europe et dans le Pacifique fut renversé au profit des Alliés. En URSS, les usines de l’ouest de la Russie avaient été démontées et remontées dans la région de l’Oural où elles furent mise au service de la production de guerre. De leur côté, les États-Unis mirent en place le Victory program qui permit de fabriquer des navires de guerre, des avions et des chars en grande quantité et en un temps record. Les Etats-Unis fournirent également un grand nombre de matériels militaire à la Grande Bretagne et à l'Union soviétique (des camions Studebaker et des équipements aéronautiques pour cette dernière). Mais le tournant majeur de la guerre fut la défaite allemande à Stalingrad . Durant l’été 1942, l’armée allemande tenta une percée vers le sud-est de la Russie pour s’emparer des champs de pétrole de Bakou. Elle atteignit seulement la Volga et la ville industrielle de Stalingrad transformée en camp retranché par les Soviétiques. L'artillerie et l'aviation allemandes la bombardèrent systématiquement. Une gigantesque bataille eut lieu dans les ruines des usines de la ville et autour de la ville, dont le nom devint le symbole de la résistance de l’armée soviétique. Staline exigea que la ville, en raison de son nom, soit défendue coûte que coûte et, de son côté, Hitler interdit à l’armée allemande de reculer. Celle-ci fut fixée à Stalingrad puis encerclée par l’armée soviétique en décembre. Le 2 février 1943, le général Von Paulus capitula. Sur les 300 000 soldats allemands, roumains et hongrois du départ, seuls 90 000 soldats, qui avaient pu rester vivants, surmonter la faim et le froid, furent faits prisonniers. 6 000 revinrent de leur captivité dans les camps soviétiques. On estime à près d'un million le nombre total de victimes civiles et militaires de cette bataille. A partir de cette date, l’armée allemande ne cessa de reculer devant l’armée soviétique qui remporta notamment en juillet 1943 la bataille de Koursk, la plus grande bataille de chars de l’histoire (au passage, il n'est sans doute pas anodin que l'armée ukrainienne ait attaqué l'oblast de Koursk durant l'été 2024 en raison du poids symbolique de ce nom). Parallèlement, les Britanniques dirigés par le général Montgomery remportèrent la bataille d’ El-Alamein en Libye en octobre 1942, et sauvèrent l’Égypte et le canal de Suez de la menace des blindés du général Rommel. Les Américains effectuèrent un débarquement en Afrique du nord (Casablanca, Oran, Alger), administrée par le régime de Vichy, le 8 novembre 1942. Hitler réagit en faisant envahir la zone non-occupée en France : désormais, toute la France était occupée par l’armée allemande. Les Allemands et les Italiens abandonnèrent la Libye et se fortifièrent en Tunisie pour bloquer l’avancée des Américains. Les Américains renversèrent également le rapport de force dans le Pacifique. Sous l’impulsion de l’amiral Nimitz, ils reconstituèrent leur flotte de guerre et l’organisèrent en Task forces réunissant différents types de navires autour d’un porte-avions. Ils remportèrent une première victoire aéronavale contre la flotte japonaise dans l’archipel de Midway , les 4 et 5 juin 1942. Dès lors, ils progressèrent d’île en île, en procédant par bonds successifs pour s’emparer, les unes après les autres, des îles puissamment fortifiées par les Japonais. Les débarquements des Marines étaient précédés de bombardements intenses et donnaient lieu à des combats acharnés et très coûteux en vies humaines. Les Américains reprirent les Philippines en février 1945, s’emparèrent d’Iwo Jima (voir à ce sujet les deux grands films de Clint Eastwood, Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima ) puis de l’île d’Okinawa en mai 1945. Depuis ces îles, leurs bombardiers pouvaient désormais atteindre le Japon et le bombarder. Document : Des Marines plantent le drapeau pendant la bataille d'Iwo Jima, le 23 février 1945 . Photographie de Joe Rosenthal. Cette image est l'image emblématique de la Bataille du Pacifique. Pour connaitre l'histoire de cette image, il faut voir Mémoires de nos Pères, le film de Clint Eastwood. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Raising_the_Flag_on_Iwo_Jima,_larger_-_edit1.jpg Source : La deuxième Guerre mondiale, récits et mémoire. Numéro spécial du Monde , mars 1994. 3.3 Vers la victoire des Alliés (1944-1945) En juillet 1943, les Alliés effectuèrent le débarquement en Sicile puis en Italie du Sud, depuis l'Afrique du Nord. Le 24 juillet 1943 Mussolini fut démis de ses fonctions et remplacé par le général Badoglio qui négocia avec les Alliés un armistice, signé le 3 septembre. Mais l’armée allemande envahit alors l’Italie et les Alliés furent contraints de l'affronter lors de très dures batailles. L’une des principales fut la bataille de Monte Cassino en mai 1944, où s’illustrèrent notamment les troupes françaises libres du général Juin, composées pour une grande partie de soldats algériens et marocains. Pendant ce temps, Mussolini, qui avait été mis en prison par le gouvernement italien puis libéré par des parachutistes allemands dirigés par Otto Skorzeny, créa la République fasciste italienne de Salo dans le nord de l’Italie, soutenue par l’armée allemande. Elle résista aux assauts des Alliés et des partisans italiens jusqu’au début de 1945. Le 6 juin 1944, les Alliés dirigés par le général américain Eisenhower, débarquèrent en Normandie . L’opération était délicate car les Allemands avaient fortifié toutes les côtes de l’Atlantique du Mur de l’Atlantique constitué de blockhaus et de défenses anti-aériennes. Malgré la boucherie de la plage d'Omaha Beach (4 000 morts) dévolue aux Américains, les Alliés purent établir une tête de pont mais, durant plusieurs jours, le risque fut grand de les voir repoussés par l’armée allemande. En juin et juillet 1944 eut lieu la « bataille du bocage », une horrible boucherie au cours de laquelle les soldats alliés et allemands se combattirent dans les haies du bocage normand. Les civils normands payèrent un lourd tribun puisque 8 000 d'entre eux périrent sous els bombardements de juin-juillet 1944. Leur supériorité matérielle et humaine permit aux Alliés de l’emporter au prix de très lourdes pertes. Encadré : deux films sur le débarquement de Normandie Nous connaissons toutes et tous les grands films américains concernant le débarquement en Normandie, Le jour le plus long (1962) et Il faut sauver le soldat Ryan (1998). Ils ont déterminé notre façon de voir cet événement. Comme ils pointent logiquement la focale sur les soldats américains, ils nous font oublier le rôle principal joué par les soldats de l’Empire britannique qui étaient bien plus nombreux que les Américains. Ensuite, Le jour le plus long, centré sur la seule journée du 6 juin 1944, a longtemps amené à penser que le plus difficile avait été réalisé à l’issue de cette journée et que John Wayne, sur sa brouette, allait facilement partir à l’assaut de la Normandie et de la France lors des jours suivants. Les tribulations de Tom Hanks, dans Il faut sauver le soldat Ryan, rappellent au contraire que les journées et les semaines qui suivirent le débarquement furent très difficiles. Ce film fait écho aux travaux des historiens qui ont renseigné l’horreur de la guerre du bocage, très dure à la fois pour les soldats et pour les civils normands victimes des bombardements alliés. Il nous invite à penser le débarquement au-delà de la journée du 6 juin, sur le temps plus long des mois de juin et de juillet. Le second film, sans doute plus juste sur le plan historique, a remplacé le premier dans notre représentation de l’événement. Les troupes alliées qui combattaient en Italie débarquèrent en Provence le 15 août 1944. Parmi ces troupes, se trouvaient les troupes françaises libres composées d’un grand nombre de combattants algériens et marocains. Elles remontèrent la vallée du Rhône pour effectuer la jonction avec les troupes alliées débarquées en Normandie. Certains généraux allemands commencèrent à douter de la possibilité de l'emporter et des capacités d'Hitler à mener le combat. Ces généraux conservateurs, souvent issus de la noblesse prussienne, pas vraiment démocrates et qui avaient soutenu Hitler dans son effort de réarmement de l'Allemagne, organisèrent un attentat contre Hitler. Leur objectif était de conclure une paix séparée avec la Alliés occidentaux et de prendre le pouvoir en Allemagne, et éventuellement de poursuivre la guerre contre le communisme. L'explosion de la bombe déposée le 20 juillet 1944 par le colonel von Stauffenberg dans le quartier général d'Hitler en Prusse orientale n'occasionna que des blessures légères à ce dernier. La répression fut terrible : près de 5 000 officiers furent torturés et exécutés. Les nazis purent alors occuper l'essentiel des postes de direction de l'armée allemande. Cependant, les Alliés piétinèrent devant la frontière allemande au cours de l’hiver 1944-1945. Leurs lignes de ravitaillement étaient très étirées depuis les ports de la Normandie et les soldats manquaient de vivres et de nourriture. Par exemple, le ravitaillement américain était débarqué dans le port de Granville et acheminé par camions sur des routes en mauvais état, jusqu’à la frontière belge. Ces capacités de transports limitées réduisaient les capacités d’approvisionnement des troupes américaines. Surtout, l’armée allemande réalisa une contre-offensive dans les Ardennes en décembre 1944, qui mit les Alliés en difficulté durant plusieurs semaines. La victoire sur l'Allemagne nazie fut durement acquise. L'armée allemande se défendit jusqu'au bout, épaulée par les jeunes allemands fanatisés qui s'engagèrent également dans les combats. Le film Fury , avec Brad Pitt, montre l'accablement des soldats américains subissant de lourdes pertes jusqu'au dernier moment, mais aussi celui des civils allemands désespérés et maintenus dans la terreur par le régime nazi. 3.4. L’organisation de la victoire et de la paix Après s’être réunis à Téhéran en novembre 1943 pour fixer la stratégie militaire et évoquer l’ouverture d’un second front en France, Churchill, Roosevelt et Staline se réunirent à Yalta , en Crimée, en février 1945. L’objectif était d’organiser la paix, une fois l’Allemagne nazie vaincue. La déclaration finale de la conférence garantissait des élections libres afin d’élire des gouvernements représentatifs garants de la démocratie, dans tous les pays d’Europe libérés. Cependant, cette déclaration ne fut pas vraiment respectée dans les pays d’Europe de l’Est libérés par l’armée soviétique. Document : Churchill, Roosevelt et Staline à la conférence de Yalta . Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf é rence_de_Yalta#/media/Fichier:Yalta_Conference_1945_Churchill,_Stalin,_Roosevelt.jpg Au début de 1945, l’offensive contre l’Allemagne fut générale. Alors que les combats faisaient rage aux frontières de l’Allemagne, les escadrilles britanniques et les américaines bombardaient systématiquement les villes allemandes. La raison officielle de ces bombardements était la destruction des usines, des nœuds de communication et des objectifs militaires. De fait, ce furent surtout les villes qui furent détruites car les Allemands avaient réussi à enterrer ou déplacer leurs usines. En juillet 1943, la ville de Hambourg fut réduite en cendres par des bombes incendiaires lors de l'opération américano-britannique "Gomorrhe" qui fit environ 40 000 morts. Les 13 et 14 février 1945, des vagues de d'avions britanniques et américains bombardèrent la ville de Dresde peuplée de 600 000 habitants auxquels s'ajoutaient 300 000 réfugiés. La première vague de bombardiers lâcha des centaines de milliers de bombes de forte puissance pour briser les fenêtres et les toitures. La seconde vague lâcha des des bombes incendiaires au phosphore qui provoquèrent des incendies dont la propagation était favorisée par les destructi ons précédentes. On ne sait pas exactement combien de personnes disparurent car, dans de nombreux abris ne subsistaient plus que d'épaisses couches de cendres. Les évaluations vont de 25 000 à 100 000 morts. Cette ville ne présentait aucun intérêt stratégique, elle n'accueillait ni usines ni casernes. Il est fort probable que ce type de bombardement était destiné à briser psychologiquement la population civile. Du côté soviétique, la terreur était moins industrielle : pillages, massacres de masse, viol systématique de toutes les femmes allemandes. Une course de vitesse s’engagea entre les Britanniques et les Américains d’une part, et les Soviétiques d’autre part. Même s’ils étaient alliés, les deux camps souhaitaient conquérir le plus possible de territoires allemands afin d’être en position de force face à l’autre camp pour organiser la paix. Finalement, l’armée soviétique parvint à Berlin le 19 avril où elle livra des combats acharnés dans les ruines de la ville. Le suicide d’Hitler, le 2 mai, permit de mettre fin à la résistance des Allemands. La capitulation sans condition fut signée à Reims le 8 mai 1945, et confirmée à Berlin avec les Soviétiques le 9 mai 1945. Les dirigeants des trois puissances victorieuses se réunirent à Potsdam du 17 juillet au 2 août 1945 : Churchill (remplacé au cours de la conférence par le travailliste Atlee qui venait de gagner les élections en Grande-Bretagne), Truman (qui avait remplacé Roosevelt mort le 12 avril 1945) et Staline. Document : Churchill, Truman et Staline à la conférence de Potsdam. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf é rence_de_Potsdam#/media/Fichier:L_to_R,_British_Prime_Minister_Winston_Churchill,_President_Harry_S._Truman,_and_Soviet_leader_Josef_Stalin_in_the..._-_NARA_-_198958.jpg Les Alliés se mirent d’accord sur le statut de l’Allemagne (occupée militairement et divisée en quatre zones d’occupation soviétique, américaine, britannique et française, de même pour la ville de Berlin située au milieu de la zone d’occupation soviétique) et sur le déplacement des frontières de la Pologne vers l’ouest jusqu’à la ligne Oder-Neisse. L’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon fut également évoquée. Mais les tension demeurèrent sur la nature des régimes politiques inféodés à l’URSS qui se mettaient progressivement en place en Europe de l’Est. Pendant ce temps, la guerre faisait toujours rage dans le Pacifique. A partir du printemps 1945, après la prise des iles d'Iwo Jima et d'Okinawa et de leurs aéroports, l’aviation américaine bombarda systématiquement les villes japonaises, occasionnant de très lourdes pertes civiles. Le président américain Truman décida le bombardement atomique d’ Hiroshima le 6 août 1945 et de Nagasaki le 9 août 1945. L’argument officiel était que ce bombardement aurait mis directement fin à la guerre et épargné un million de vies humaines qui auraient été détruites par un débarquement américain au Japon. En réalité, on sait que le Japon n’était plus qu’un champ de ruines et que l’empereur du Japon avait essayé d’engager des pourparlers de paix dès le mois de juillet. La raison du bombardement atomique est sans doute ailleurs. En vertu des accords de Potsdam, les Soviétiques avançaient alors en Corée pour combattre les Japonais et ils se rapprochaient dangereusement des intérêts américains. Il est donc possible que ces bombardements atomiques constituaient un message en direction des Soviétiques. Le 2 septembre 1945, les représentants du Japon signèrent la capitulation du Japon à bord de l’ USS Missouri . Les Américains avaient déjà commencé à occuper le Japon. Conclusion Le bilan de la Deuxième Guerre mondiale est bien connu. Des pays entiers étaient en ruine : le Japon, l'Allemagne, la Pologne, La Biélorussie, l'Ukraine, l'ouest de la Russie. L'Italie, la France et la Grande Bretagne étaient économiquement exsangues. Seuls les Etats-Unis sortirent renforcés sur le plan économique. Le bilan humain est terrible : entre 60 et 70 millions de morts, dont la plus grande partie était constituée de civils, victimes de génocide, victimes d'exactions et des bombardements, victimes de la faim (par exemple, 1,5 millions de morts de faim au Bengale) et de maladies. L'Union soviétique perdit entre 22 et 27 millions de personnes, l'Allemagne entre 6 et 8 millions, le Japon entre 2,5 et 3 millions, la Chine entre 10 et 20 millions. L'humanité sortit également traumatisée de la guerre. Les images des camps de concentration libérés par les armées alliées au printemps 1945 montrèrent l'ampleur des mauvais traitements qui pouvaient être infligés à des êtres humains. Le bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki firent prendre conscience à l'humanité qu'elle disposait désormais de moyens de destruction massifs. Vingt-quatre dirigeants nazis furent jugés par les Alliés lors du procès de Nuremberg qui s'est tenu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. Ils furent jugés pour complot, crimes contre la paix, crimes de guerre, et crimes contre l'humanité. De même, vingt-huit dirigeants japonais (mais pas l'empereur) furent jugés pour des motifs identiques lors du procès de Tokyo, en 1946.

  • Sujet possible : Clovis, Charlemagne, La laïcité

    Par Didier Cariou, maitre de conférences HDR en didactique de l'histoire à l'Université de Brest Composante : histoire (12 points) 1. En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire, indiquez les savoirs à mobiliser dans la séquence sur « Clovis et Charlemagne ». 2. Indiquez les avantages et les inconvénients du recours aux grands hommes du passé pour faire de l’histoire à l’école primaire. 3. Proposez le plan précis d’une séquence sur « Clovis et Charlemagne » en suivant les instructions de l’extrait de la fiche éduscol (document 1). Précisez pour chaque séance, son titre, les compétences et les connaissances travaillées, ainsi que les documents que vous exploitez, en justifiant votre choix de ces derniers. 4. Proposez l’exploitation pédagogique d’un document extrait du dossier. Composante : EMC (8 points) 5. Un élève refuse d’écouter la séquence sur « Clovis et Charlemagne » en prétextant que votre enseignement n’est pas laïque. Que lui répondez-vous ? 6. Vous préparez pour la semaine suivante une séance sur l’enseignement du fait religieux en vous appuyant sur des éléments du dossier d’histoire. Présentez de façon détaillée l’argumentation et les savoirs que vous développez à l’occasion de cette séance. Document 1 : Clovis et Charlem agne, Mérovingiens et Carolingiens dans la continuité de l’empire romain (extrait de la Fiche éduscol) La question de l’héritage romain et germanique, comme celle du nouveau rôle du christianisme, peuvent être traitées à partir de la présentation des figures de Clovis et de Charlemagne. Des récits élaborés à partir de l’œuvre de Grégoire de Tours ou de celle d’Eginhard, auteur d’une Vie de Charlemagne , autour de certains épisodes (guerres, baptême de Clovis, couronnement impérial de Charlemagne), peuvent permettre, en dégageant l’histoire de la légende, une présentation concrète et accessible. La comparaison d’une carte de la France actuelle avec la carte du royaume des Francs en 511 ou de l’empire carolingien en 814 permet également de mettre en avant les différences de ces entités politiques avec la France actuelle, et d’identifier Charlemagne comme un personnage de l’histoire européenne. Document 2 : La carte de la Gaule avant et après Clovis Source : https://www.lhistoire.fr/carte/la-gaule-avant-et-après-clovis Document 3 : Le récit du baptême de Clovis par Grégoire de Tours La reine [Clotilde] fait alors venir en secret Remi, évêque de la ville de Reims, en le priant d’insinuer chez le roi la parole du salut. L’évêque l’ayant fait venir en secret commença à lui insinuer qu’il [Clovis] devait croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et abandonner les idoles qui ne peuvent lui être utiles, ni à lui, ni aux autres. Mais ce dernier lui répliquait : « Je t’ai écouté très volontiers, très saint Père, toutefois il reste une chose ; c’est que le peuple qui est sous mes ordres, ne veut pas délaisser ses dieux ; mais je vais l’entretenir conformément à ta parole. » Il se rendit donc au milieu des siens et avant même qu’il eût pris la parole, la puissance de Dieu l’ayant devancé, tout le peuple s’écria en même temps : « Les dieux mortels, nous les rejetons, pieux roi, et c’est le Dieu immortel que prêche Remi que nous sommes prêts à suivre ». Cette nouvelle est portée au prélat qui, rempli d’une grande joie, fit préparer la piscine […]. Ce fut le roi qui le premier demanda à être baptisé par le pontife. Lorsqu’il fut entré pour le baptême, le saint de Dieu [Rémi] l’interpella d’une voix éloquente en ces termes : « Sois humble, enlève tes colliers, Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré ». Remi était un évêque d’une science remarquable (…). Ainsi donc le roi, ayant confessé le Dieu tout puissant dans sa Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit et oint du Saint-Chrême avec le signe de la croix du Christ. Plus de trois mille hommes de son armée furent également baptisés (…). Grégoire de Tours, Histoire des Francs , livre II, chapitre XXXI Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Clovis_Ier Document 4 : Registre inférieur des Miracles de saint-Rémi , représentant le baptême de Clovis et le miracle de la sainte ampoule . Plaque d’ivoire sculpté ornant la reliure d’un manuscrit du IXe siècle. Amiens, Musée de Picardie. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Amiens,_musée_de_Picardie,_ivoire_sculpté_(IXe_siècle)_représentant_la_vie_de_saint_Rémi_08.jpg Document 5 : Une reconstitution actuelle d’un combat entre guerriers francs Source : https://actu.fr/hauts-de-france/villeneuve-d-ascq_59009/combattants-guerriers-francs-parc-asnapio-villeneuve-dascq-dimanche-28-avril_23283757.html Document 6 : Charlemagne organise la christianisation brutale des Saxons 4. Si quelqu’un viole le saint jeune de carême par mépris pour la religion chrétienne et mange de la viande, qu’il soit puni de mort (…). 6. Si, égaré par le diable, quiconque homme ou femme s’adonne à la magie, et mange de la chair humaine, et qu’à cause de cela, il a fait rôtir cette chair, ou qu’il la donne à manger, qu’il soit puni de mort. 7. Si quelqu’un fait consumer par les flammes, selon le rite des païens, le corps d’un homme défunt, et qu’il en réduise les os en cendre, qu’il soit puni de mort. 8. Si, à l’avenir, quelqu’un de la nation saxonne demeure non baptisé, se cache et refuse le baptême, voulant rester païen, qu’il soit puni de mort. 9. Si quelqu’un offre un sacrifice humain au diable et aux démons selon la coutume païenne, qu’il soit puni de mort. 10. Si quelqu’un conspire avec les païens contre les chrétiens et qu’il persévère à être leur ennemi, qu’il soit puni de mort. Qu’il en soit de même de celui qui serait le complice de ses agissement criminels contre le roi et le peuple chrétien. Source : Premier capitulaire saxon (775-790) dans Gérard Walter (1967). Le mémorial des siècles. VIIIe siècle, les hommes. Charlemagne . Paris, Albin Michel, p. 287-290. Document 7 : Carte de l’expansion de l’Empire franc Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francs#/media/Fichier:Frankish_Empire_481_to_814-fr.svg Document 8 : Un récit du couronnement impérial de Charlemagne à Rome, le 25 décembre 800, par le Liber Pontificalis Vint le jour de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ et ladite basilique du bienheureux apôtre Pierre les vit tous à nouveau réunis. Alors le vénérable et auguste Pontife, de ses propres mains, le couronna d’une très précieuse couronne. Alors l’ensemble des fidèles romains, voyant combien il avait défendu et aimé la Sainte Église romaine et son vicaire, poussèrent d’une voix unanime, par la volonté de Dieu et du bienheureux Pierre, porteur de la clé du royaume céleste, l’acclamation : « A Charles très pieux Auguste, par Dieu couronné grand et pacifique empereur, vie et victoire ». Ceci fut dit trois fois devant la Sainte confession du bienheureux apôtre Pierre, tout en invoquant plusieurs saints, et par tous il fut constitué empereur des Romains. De suite après, le très saint évêque et pontife oignit d’huile sainte le roi Charles, son très excellent fils, ce même jour de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Source : Liber Pontificalis,  II, éd. et trad. par Mgr L. Duchesne, Paris, 1892, p. 8. [Le Liber Pontificalis est un recueil de biographies de papes compilé entre le VIe et le IXe siècle] Document 9 : Denier impérial en argent de Charlemagne. Avers : le profil imberbe, vêtu d’une toge, le front ceint de lauriers à l’image d’un empereur romain, et l'inscription « KAROLUS IMP(erator) AUG(ustus). Revers : un bâtiment religieux et l’inscription RELIGIO XPICTIANA. Cabinet des médailles , BnF , Paris. Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b7700118m.item Document 10 : Charlemagne précise la nature des écoles religieuses 72. (…) Qu’on rassemble non seulement les fils de riches familles mais aussi les fils de conditions modeste. Qu’il y ait des écoles pour l’instruction des garçons. Que dans chaque évêché, dans chaque monastère, on enseigne les psaumes, les notes, le chant, le calcul, la grammaire et que l’on ait des livres soigneusement corrigés. Car souvent les hommes voulant prier Dieu le prient mal à cause des livres incorrects qu’ils ont entre les mains. Ne permettez pas qu’ils nuisent à vos enfants qui les lisent ou les copient. Source : Capitulaire Admonitio generalis , 23 mars 789. Textes et Documents pour la Classe n°778. Document 11 : Reconstitution du palais d’Aix la Chapelle Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:AixPalais.png Document 12 (au choix) : extraits du programme d’EMC, 2020 et 2024 Programme d’EMC, cycle 3, 2020 Acquérir et partager les valeurs de la République  Programme d’EMC, BO du 13 juin 2024. Classe de CM2 : Vivre en république Document 13 : extraits de la charte de la laïcité 12.  Les enseignements sont laïques.  Afin de garantir aux élèves l'ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu'à l'étendue et à la précision des savoirs,  aucun sujet n'est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique.  Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. 13. Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l'École de la République. 14. Dans les établissements scolaires publics, les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, sont respectueuses de la laïcité.  Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. 15. Par leurs réflexions et leurs activités,  les élèves contribuent à faire vivre la laïcité  au sein de leur établissement. Document 14 : Fiche sur l’enseignement laïque des faits religieux à l’école Proposition de corrigé Composante : histoire (12 points) 1. En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire, indiquez les savoirs à mobiliser dans la séquence sur « Clovis et Charlemagne ». Document 2  : Cette carte montre l’ampleur des conquêtes de Clovis, depuis la Belgique actuelle et du nord de la Gaule, jusqu’à la moitié nord de la France, à l’Aquitaine et la Rhénanie. Ces possessions ont peu à voir avec la carte de la France actuelle. Document 3 et 4 : Ces deux documents proposent une version mythique du baptême de Clovis par l’évêque Rémi, qui se serait peut-être déroulé à Reims. La plaque d’ivoire ajoute l’épisode de la colombe du saint-Esprit qui aurait apporté l’huile sainte (le saint-Chrême) avec laquelle furent sacrés tous les rois de France, à Reims. Ce récit est destiné à faire croire que Clovis est oint et choisi par Dieu directement. Ce baptême était également destiné à gagner le soutien des élites chrétiennes gallo-romaines. Document 5  : Cette reconstitution actuelle montre que les guerriers francs étaient équipés d’un casque, d’une cote de mailles, d’un bouclier, d’un lance et d’une hache, la francisque. Document 6  : Ce document rappelle que Charlemagne a mené la conquête de la Saxe au nom de la religion chrétienne qui a justifié une véritable guerre d’extermination puisque les Saxons qui persistaient à pratiquer leur religion devaient être systématiquement mis à mort. Document 7  : Cette carte complète le document 2. Elle montre l’étendue de l’Empire de Charlemagne qui a été conquis militairement depuis le règne de Clovis. Il s’agit d’un empire (définition :) car il rassemble des peuples et des États divers. Cet empire s’étend sur la France actuelle, l’ouest de l’Allemagne actuelle et le nord de l’Italie actuelle. Document 8  : Ce texte raconte une version possible du couronnement de Charlemagne à Rome par le pape le jour de Noël 800. Le choix de cette journée vise à montrer que Charlemagne est une nouveau Jésus et qu’il a été désigné et couronné par Dieu, par l’intermédiaire du pape. Le texte rappelle également la volonté de l’empereur de se situer dans la continuité de l’Empire romain puisqu’il est couronné « empereur des Romains ». Charlemagne prétendant ainsi reconstituer l’Empire romain d’Occident. Document 9  : Ce denier montre Charlemagne en costume d’empereur romain (toge et couronne de laurier + la légende en latin : Carolus Imperator augustus ). Au revers, il invoque la religion chrétienne comme soutien de son pouvoir. Document 10 : Charlemagne a développé des écoles dans quelques endroits de l’Empire pour enseigner le latin et pour former des administrateurs mais aussi des hommes d’Église capables de recopier correctement les livres religieux et de prononcer correctement les prières. Document 11  : le plan du palais d’Aix-la-Chapelle, capitale de Charlemagne rappelle l’héritage romain (l’atrium, les termes, la basilique qui sert de salle de réception). La religion sert à légitimer son pouvoir (la chapelle). Mais son pouvoir repose également sur l’exercice de la justice (salle du tribunal). 2. Indiquez les avantages et les inconvénients du recours aux grands hommes du passé pour faire de l’histoire à l’école primaire. Les avantages : Un grand homme incarne/ donne de la chair une période ou un concept historique : Vercingétorix pour la Gaule, Louis XIV pour l’absolutisme, De Gaulle pour la Résistance ou la Cinquième république, etc. La biographie d’un grand homme est plus facile à raconter qu’une période historique complexe Les inconvénients : L’histoire des grands hommes rappelle l’histoire enseignée à l’école primaire sous la Troisième république notamment dans le manuel de Lavisse. Les grands hommes occultent les peuples et les acteurs plus modestes : envisager l’histoire du point de vue des grands hommes ne participe pas d’une éducation démocratique et égalitaire. L’histoire ne se réduit pas à l’action que quelques individus tout puissants et/ou providentiels : l’histoire n’est pas faite par les grands hommes mais par l’ensemble des sociétés humaines. Les élèves risquent de s’identifier à ces grands hommes et en faire des individus comme nous alors qu’ils vivaient à une autre époque et ne pensaient pas comme nous. En outre, certains de ces grands hommes, comme Charlemagne ou Louis XIV, ont commis de nombreuses atrocités, des guerres, etc. P ourquoi les grands hommes et pas les grandes femmes ? (Jeanne d’Arc, Olympe de Gouges, Louise Michel, Marie Curie, Rosa Luxemburg, Simone Veil, Gisèle Halimi…) 3. Proposez le plan précis d’une séquence sur « Clovis et Charlemagne » en suivant les instructions de l’extrait de la fiche éduscol (document 1). Précisez pour chaque séance, son titre, les compétences et les connaissances travaillées, ainsi que les documents que vous exploitez, en justifiant votre choix de ces derniers. Compétences : Se repérer dans le temps : construire des repères historiques Comprendre un document Pratiquer différents langages en histoire Séance 1  : Les conquêtes de Clovis La/le PE explique aux élèves qui était Clovis (le fils de Childeric, un roitelet franc venu de Germanie) et leur explique que le nom de Clovis est à l’origine du prénom Louis (prénom de nombreux rois de France) Document 2 : Les élèves repèrent le territoire franc au début du règne de Clovis et repèrent l’ampleur de tout ce qu’il a conquis (en le repassant sur la carte) Les élèves remarquent que ce territoire ne correspond pas vraiment à la France actuelle Document 5 : les élèves repèrent l’équipement des guerriers francs. Production d’écrit : qu’avons-nous appris aujourd’hui ? Séance 2  : Le baptême de Clovis Document 3 : (document difficile) la/le PE pourrait raconter ce qui est décrit dans ce texte : le rôle de Clotilde, le passage de la religion païenne (les amulettes) à la religion chrétienne (le baptême de Clovis) Document 4 : les élèves peuvent décrire la plaquette : Clovis dans le baptistère, la colombe du saint-Esprit. Ils doivent s’interroger sur la signification politique de cet épisode Production d’écrit : raconter le baptême de Clovis Séance 3  : Les conquêtes de Charlemagne Document 7 : Étude de la carte pour appréhender les différents territoires conquis par Charlemagne spécifiquement (les hachurer sur la carte) Document 8 : ce texte permet d’appréhender l’extrême violence de la conquête de la Saxe Production d’écrit : raconter les conquêtes de Charlemagne Séance 4  : Charlemagne, empereur romain et chrétien La/le PE peut raconter le couronnement de Charlemagne en insistant sur la dimension religieuse et la référence à l’empire romain (le texte n’est pas facile à étudier en classe) Document 9 : ce texte permet d’envisager la dimension religieuse et la référence à l’Empire romain Document 11 : les différentes parties du palais d’Aix-la-Chapelle : référence à l’Empire romain, dimension religieuse Production d’écrit : qu’avons-nous appris aujourd’hui ? Évaluation finale : production d’un récit long soit sur le règne de Clovis soit sur le règne de Charlemagne 4. Proposez l’exploitation pédagogique d’un document extrait du dossier. Document 9 : le denier en argent de Charlemagne Le but de cette étude : montrer aux élèves que Charlemagne se situe dans la continuité du l’Empire romain et qu’il utilise la religion pour assurer son pouvoir (voir les recommandations de la fiche éduscol) Questions posées aux élèves (et les réponses) : 1. Par quels éléments Charlemagne est-il représenté comme un empereur romain sur l’avers (sur la face) de la pièce ? Toge + couronne de laurier + inscription en latin : Karolus Imperator Augustus 2. Pourquoi se fait-il représenter comme un empereur romain ? Il s’est fait couronner empereur à Rome le jour de Noël 800 car il veut se faire passer pour celui qui a reconstitué l’empire romain d’occident après avoir conquis de nombreux territoires. 3. Quels sont les symboles religieux qui figure au revers (coté pile) de la pièce ? Une église + une croix + l’inscription Religio Xpictiana 4. Pourquoi cette référence à la religion chrétienne ? Charlemagne rappelle que tout le monde doit être chrétien et qu’il protège la religion chrétienne qui justifie son pouvoir Composante : EMC (8 points) 5. Un élève refuse d’écouter la séquence sur « Clovis et Charlemagne » en prétextant que votre enseignement n’est pas laïque. Que lui répondez-vous ? A priori, cet élève n’a pas tort : ces séquence évoque le baptême de Clovis, l’Esprit-saint, le pape,le saint-chrême, etc. Je lui réponds que la religion jouait un rôle important au Moyen Age puisqu’elle imprégnait la vie quotidienne et la vie politique. Nous cherchons donc à comprendre comment les rois et les empereurs utilisaient la religion pour faire croire aux peuples qu’ils étaient désignés par Dieu. J’essaie de faire comprendre à l’élève que la laïcité ne suppose pas de ne jamais parler de religion. En classe, nous apprenons à distinguer la science (ce que disent les historiens sur le passé) des croyances (ce que croyaient les femmes et les hommes du passé). Nous examinons de manière critique ce que croyaient les femmes et les hommes du passé. En outre, l’élève doit suivre tous les cours (charte de la laïcité). 6. Vous préparez pour la semaine suivante une séance sur l’enseignement du fait religieux en vous appuyant sur des éléments du dossier d’histoire. Présentez de façon détaillée l’argumentation et les savoirs que vous développez à l’occasion de cette séance. Comme l’explique le document 14, à l’école, on enseigne les faits religieux. (Définition de de l’enseignement des faits religieux :) Il s’agit d’aborder la religion non pas comme un ensemble de rites et de croyances, mais comme un ensemble de faits qui permettent de comprendre les sociétés du passé où la religion imprégnait toute la vie. Par exemple, on a vu dans le dossier d’histoire que la religion servait à légitimer le pouvoir monarchique. Exemple : le document 4 sur le baptême de Clovis Sommes-nous obligé de croire que la colombe du saint-Esprit a apporté la sainte-ampoule ? Nous avons le droit de le croire ou de ne pas le croire, c’est une affaire personnelle qui ne regarde personne d’autre. Dans le cadre d’un enseignement laïque, nous devons nous demander à quoi cela servait de raconter cette histoire à l’époque : pour faire croire aux femmes et aux hommes de son époque que Clovis avait été désigné par Dieu (= fonction politique de la religion). Exemple : le document 6 sur la conquête de la Saxe (réduit à deux ou trois items) Les élèves doivent voir la violence de cette christianisation : la religion païenne des Saxons est assimilée à de sorcellerie et à du cannibalisme pour mieux la réprimer. Charlemagne invoque la religion chrétienne pour justifier les massacres et la conquête de la Saxe. Débat possible : dans une société laïque, peut-on invoquer une religion pour critiquer les croyants d’autres religions ? (programme d’EMC, 2024)

  • Sujet possible : Henri IV et l'édit de Nantes / le respect d'autrui

    Par Didier Cariou, Maitre de conférence HDR en didactique de l'histoire à l'université de Brest Épreuve écrite d’application Domaine histoire, géographie, enseignement moral et civique Composante histoire (13 points) 1. Vous enseignez en classe de CM1. Vous préparez une séquence d’apprentissage portant sur Henri IV et l’édit de Nantes. En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire (documents 2 à 9), indiquez les savoirs qui devront être construits avec les élèves à l’occasion de cette séquence. 2. Présentez une séquence sur Henri IV et l’édit de Nantes. Indiquez le titre de chaque séance de la séquence en indiquant les compétences travaillées par les élèves et les documents que vous utiliseriez dans chaque séance. Choisissez un document du dossier documentaire, indiquez sa place dans une séance et présentez son exploitation pédagogique précise. Composante EMC (7 points) 3. A partir de la lecture de l’article 2 de l’édit de Nantes, vous engagez un débat avec les élèves de. votre classe de CM1 au sujet du respect d’autrui. Expliquez comment vous amenez les élèves à réfléchir aux conditions selon lesquelles l’article 2 pourrait s’appliquer à une situation de notre époque. 4. Quelles valeurs peuvent être mobilisées avec les élèves, et de quelle manière, pour penser cette situation ? Document 1 : Extrait de la fiche EDUSCOL, classe de CM1, Thème 2 : le temps des rois Henri IV et l’édit de Nantes De même que « l’âge d’or capétien » avait débouché sur l’instabilité de la « guerre de Cent Ans » mettant aux prises les royaumes de France et d’Angleterre, la France d’après François Ier a connu les « guerres de religion » (8 conflits de 1562 à 1598). Elles témoignent à la fois de l’ampleur des conflits religieux entre protestants et catholiques et du rôle considérable que joue la noblesse dans la marche du royaume. Ce sont des clans qui s’affrontent ; Henri de Navarre, successeur d’Henri III, est protestant et ne peut arriver finalement à imposer son autorité à un royaume déchiré par la guerre civile qu’avec sa conversion au catholicisme. Henri IV met fin aux guerres de religion avec l’édit de Nantes en 1598, qu’il aura bien du mal à faire admettre. Les historiens reconnaissent sa valeur pacificatrice mais en relativisent également la portée. S’il s’agit bien d’un « édit de tolérance », il ne s’agit pas ici de la tolérance dans son sens actuel de valeur. Dans le langage du temps, « tolérer » c’est supporter quelque chose. Les protestants ont la liberté de conscience et doivent être traités comme les autres sujets du roi, mais le culte protestant n’est autorisé que dans certains lieux, alors que le culte catholique doit être rétabli partout où il avait disparu. Le protestantisme est ainsi cantonné ; les protestants obtiennent des « places de sûreté », places fortes pour garantir leur sécurité, qu’ils achèveront de perdre une trentaine d’années plus tard. La monarchie sacrée a pu extorquer un traité aux protagonistes, mais elle repose toujours clairement sur une base catholique. Henri IV incarne un équilibre fragile, ce qui lui vaut d’être assassiné en 1610 par Ravaillac. Document 2 : Frans Hogenberg, L’assassinat du roi Henri III par le moine Jacques Clément, le 1er août 1589. Estampe, XVIe siècle, BNF. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jacques_Cl%C3%A9ment.jpg Document 3 : Anonyme,  Henri IV à la bataille d’Arques contre les Ligueurs, le 21 septembre 1589.  Huile sur bois, vers 1590. Versailles, Musée de l’histoire de France Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Henri_IV_%C3%A0_la_bataille_d%27Arques_21_septembre_1589.jpeg Commentaire : Henri IV est reconnaissable à son écharpe blanche et à son panache blanc, signe de ralliement de ses partisans contre les Ligueurs. Document 4 : Jean Le Clerc, Les entre-paroles du manant dé-ligué et du maheustre , gravure, 1594. Paris, BNF. Source : https://histoire-image.org/etudes/henri-iv-premier-roi-mediatique-histoire-france Commentaire : La Ligue catholique est représentée sous la forme d’une vieille femme qui montre son vrai visage en quittant le masque de l’hypocrisie. Le manant (paysan) lui tourne le dos et salue le maheustre (nom attribué aux soldats partisans du roi Henri IV), comme le montre son écharpe blanche (symbole des partisans du roi). Derrière ce dernier, une pluie céleste apporte en abondance des épis de blé. Document 5 : Anonyme, Le sacre de Henri IV dans la cathédrale Notre-Dame de Chartres, le 24 février 1594 . Gravure. Paris, BNF. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sacre_Henri4_France_01.jpg Document 6 : Toussaint Dubreuil (1561-1602), Henri IV en Hercule terrassant l'hydre de Lerne ( c'est-à-dire la Ligue catholique). Huile sur toile, 91 x 74 cm. Musée du Louvres. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Henry_IV_en_Herculeus_terrassant_l_Hydre_de_Lerne_cad_La_ligue_Catholique_Atelier_Toussaint_Dubreuil_circa_1600.jpg Document 7 : Le texte de l’édit de Nantes (extraits), 30 avril 1598 (le jour de l’Ascension) 1. Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit. 2. Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu'ils soient, d'en renouveler la mémoire, s'attaquer, ressentir, injurier, ni provoquer l'un l'autre par reproche de ce qui s'est passé, pour quelque cause et prétexte que ce soit, en disputer, contester, quereller ni s'outrager ou s'offenser de fait ou de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenants d'être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public. 3. Ordonnons que la religion catholique, apostolique et romaine sera remise et rétablie en tous les lieux et endroits de cestui notre royaume et pays de notre obéissance où l'exercice d'icelle a été intermis [ interrompu ] pour y être paisiblement et librement exercé sans aucun trouble ou empêchement. Défendant très expressément à toutes personnes, de quelque état, qualité ou condition qu'elles soient, sur les peines que dessus, de ne troubler, molester ni inquiéter les ecclésiastiques en la célébration du divin service, jouissance et perception des dîmes, fruits et revenus de leurs bénéfices, et tous autres droits et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des églises, maisons, biens et revenus appartenant auxdits ecclésiastiques et qui les détiennent et occupent, leur en délaissent l'entière possession et paisible jouissance, en tels droits, libertés et sûretés qu'ils avaient auparavant qu'ils en fussent dessaisis. Défendant aussi très expressément à ceux de ladite religion prétendue réformée [ la religion protestante ] de faire prêches ni aucun exercice de ladite religion ès églises, maisons et habitations desdits ecclésiastiques. 9. Nous permettons aussi à ceux de ladite religion faire et continuer l'exercice d'icelle en toutes les villes et lieux de notre obéissance où il était par eux établi et fait publiquement par plusieurs et diverses fois en l'année 1596 et en l'année 1597, jusqu'à la fin du mois d'août, nonobstant tous arrêts et jugements à ce contraires. 13. Défendons très expressément à tous ceux de ladite religion faire aucun exercice d'icelle tant pour le ministère, règlement, discipline ou instruction publique d'enfants et autres, en cestui notre royaume et pays de notre obéissance, en ce qui concerne la religion, fois qu'ès [ en dehors des ] lieux permis et octroyés par le présent Édit (…). Source : http://www.museeprotestant.org Document 8 : La France religieuse à l’époque de l’édit de Nantes Source: https://museeprotestant.org/notice/le-protestantisme-sous-ledit-de-nantes/ Document 9 : Gaspar Bouttats, Assassinat d’Henri IV par Ravaillac , gravure, fin XVIIe siècle. Londres, National Portrait Gallery. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Assassination_of_Henry_IV_by_Gaspar_Bouttats.jpg Commentaire : le carrosse largement ouvert, sans escorte royale, est bloqué par une charrette de foin et un haquet de vin. Ravaillac, poignard en main, prend appui sur un rayon de la roue et s'apprête à donner le coup fatal.  Document 10 : Extrait du programme d’EMC, cycle 3 (2020) Attendus de fin de cycle - Respecter autrui : Accepter et respecter les différences dans son rapport à l’altérité et à l’autre Avoir conscience de sa responsabilité individuelle Adopter une attitude et un langage adaptés dans le rapport aux autres Tenir compte du point de vue des autres - Partager et réguler des émotions, des sentiments dans des situations et à propos d’objets diversifiés, mobiliser le vocabulaire adapté à leur expression. Tout au long du cycle 3, le respect par les élèves des adultes et des pairs fait l’objet d’une attention particulière, notamment les atteintes à la personne d’autrui. Les élèves doivent adapter leur attitude, leur langage et leur comportement au contexte scolaire. Ils respectent les biens personnels et collectifs dans la classe, dans l’école et l’établissement. Ils comprennent la notion de bien commun. Ils adoptent un comportement responsable envers eux-mêmes, envers autrui et envers l’environnement, des espaces familiers aux espaces plus lointains. Dans des situations concrètes, ils sont invités à comprendre la valeur de l’engagement moral. Dès lors qu’ils disposent d’un accès individuel aux outils numériques de l’école et l’établissement, les élèves sont invités à utiliser le numérique de manière responsable, conformément au cadre donné par la charte d’usage du numérique. Ils sont sensibilisés aux enjeux et aux dangers relatifs à l’usage des réseaux sociaux. Proposition de corrigé Composante histoire (13 points) 1. Vous enseignez en classe de CM1. Vous préparez une séquence d’apprentissage portant sur Henri IV et l’édit de Nantes. En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire (documents 2 à 9), indiquez les savoirs qui devront être construits avec les élèves à l’occasion de cette séquence. Le programme de la classe de CM1 nous conduit à étudier « Henri IV et l’édit de Nantes », inclus dans le le thème 2 « Le temps des rois ». Il s’agit de comprendre comment Henri de Navarre, prince protestant, succède à Henri III, assassiné par un moine catholique fanatique, à la fin des guerres de religion, et se convertit au catholicisme pour accéder au trône. Il affronte les forces catholiques fanatiques de la Ligue et parvient à mettre fin aux guerres de religion avec l’édit de Nantes de 1598 qui tolère ponctuellement la présence des protestants dans certains lieux. Henri IV est à son tour assassiné par un catholique fanatique en 1610. Le dossier documentaire qui nous est proposé permet de retracer l’histoire de ce règne centré autour de l’édit de Nantes. Document 2 : L’assassinat du roi Henri III par le moine Jacques Clément, le 1er août 1589. Dans le contexte des guerre de religion, le roi Henri III était accusé par les membres de la Ligue catholique de mener une politique trop conciliante envers les protestants. C’est pourquoi le moine catholique fanatique Jacques Clément assassina le roi Henri III. Document 3 : Henri IV à la bataille d’Arques contre les Ligueurs Henri de Navarre, prince protestant, était l’héritier le plus proche du roi Henri III, mort sans enfants. Le nouveau roi Henri IV fut obligé de conquérir militairement une grande partie du royaume aux mains de la Ligue catholique qui voulait détruire les protestants. Lors de ces batailles, Henri IV portait une écharpe blanche et un panache blanc à son chapeau, en tant que signe de ralliement, selon le célèbre slogan prêté à Henri IV (mais inventé au siècle suivant !) : « Ralliez-vous à mon panache blanc, vous trouverez le chemin de la victoire et le l’honneur ». Le blanc devint alors la couleur des rois des France. Document 4 : Les entre-paroles du manant dé-ligué et le maheustre Cette gravure de propagande royale montre un paysan, ancien soutien de la Ligue catholique (« dé-Ligué »), qui tourne le dos à la vieille femme incarnant la Ligue et présentée comme une hypocrite. Le paysan salue un cavalier qui arbore l’écharpe blanche de Henri IV. L’épée au fourreau montre que ce dernier vient en paix et son cheval majestueux incarne la richesse et la force du cavalier. Derrière ce dernier, une pluie céleste apportant des épis des blé. Le message politique est clair : en acceptant la souveraineté de Henri IV, les paysans retrouveront la prospérité. Document 5 : Le sacre de Henri IV à Chartres, le 24 février 1594. Pour imposer définitivement son autorité dans tout le royaume, Henri IV devait se faire sacrer pour montrer à tous son onction divine, après s’être converti au catholicisme. Il fut sacré en 1594 mais dans la cathédrale de Chartres et pas dans celle de Reims, encore aux mains des Ligueurs. Ce type de gravure sert à la propagande royale : largement diffusée, elle montre à tout le monde que le roi est désormais sacré et qu’il faut lui obéir. Document 6 : Henri IV en Hercule terrassant l’hydre de Lerne Ce tableau représente la victoire finale de Henri IV sous les traits d’un Hercule (vêtement grec et massue en bois) ayant réalisé l’un de ses douze travaux : terrasser l’hydre de Lerne, un serpent mythologique monstrueux à plusieurs têtes dont chaque tête repoussait une fois coupée. Ce tableau relève également de la propagande royale car il montre le pouvoir quasiment surnaturel du roi qui a été capable de terrasser la Ligue catholique. Document 7 : Extraits de l’édit de Nantes, 30 avril 1598 Alors que Henri IV venait de vaincre le dernier prince ligueur, le duc de Mercoeur, en Bretagne, il établit l’édit de Nantes, texte considéré comme marquant l’achèvement des guerres de religion. Les articles 1 et 2 intiment l’ordre aux magistrat et au peuple de ne plus évoquer la mémoire de ce conflit et interdisent tout conflit public ayant trait aux guerres de religion. Cette obligation de l’oubli est très rare, elle intervient souvent à l’issue de guerres civiles qui ont creusé des fractures très fortes dans une société. Les articles 3 et 4 indiquent la nature de la « tolérance » dont bénéficie désormais la religion protestante (la « RPR »). La religion catholique doit être rétablie partout. La religion protestante ne pourra s’exercer que dans les lieux où elle s’exerçait en 1596-1597 et nulle part ailleurs. L’exercice de la religion protestante est donc sévèrement réglementé et limité. Document 8 : la carte de la France religieuse en 1598 Cette carte indique les lieux où l’exercice de la religion protestante est autorisé par l’édit de Nantes, principalement dans l’ouest et le sud-ouest. Document 9 : Assassinat de Henri IV par Ravaillac En 1610, Henri IV est à son tour assassiné à Paris par un catholique fanatique, Ravaillac. Cet assassinat est à rapprocher de celui de Henri III (doc. 2). Ces deux régicides sont les seuls de toute l’histoire de France, ils montrent le vacillement du pouvoir royal à l’occasion des guerres de religion, alors que le sacre est sensé protéger les rois de France contre ce désagrément (porter atteinte au roi sacré, c’est porter atteinte à Dieu lui-même). 2. Présentez une séquence sur Henri IV et l’édit de Nantes. Indiquez le titre de chaque séance de la séquence en indiquant les compétences travaillées par les élèves et les documents que vous utiliseriez dans chaque séance. Choisissez un document du dossier documentaire, indiquez sa place dans une séance et présentez son exploitation pédagogique précise . Compétences travaillées : Se repérer dans le temps : construire des repères historiques Raisonner, justifier une démarche et les choix effectués Comprendre un document Pratiquer différents langages Problématique générale : Comment Henri IV est-il parvenu à mettre fin aux guerre de religion ? Séance 1 : le contexte de l’arrivée au pouvoir de Henri IV Rappel : Quelques années après le règne de François Ier, la France subit une terrible guerre civile opposant les catholiques aux protestants (qui ne reconnaissent pas que le roi est une personne sacrée) : les guerres de religion, entre 1562 et 1598. Document 2 : l’assassinat de Henri III par un moine catholique fanatique en 1589. Ce document permet d’expliquer le contexte de la fin des guerres de religion ; le roi tente de s’entendre avec la protestants, mais les catholiques fanatique de la Ligue veulent l’en empêcher. Henri de Navarre, prince protestant, se convertit au catholicisme pour pouvoir devenir roi de France, sous le nom de Henri IV. Document 3 : Henri IV affronte les catholiques fanatiques de la Ligue pour imposer son pouvoir. On peut évoquer le « panache blanc » du roi. Document 5 : Henri IV parvient à se faire sacrer dans la cathédrale de Chartres en 1594. Le sacre légitime son pouvoir au moment où il cherche à imposer son autorité sur le royaume. Production d’écrit possible en fin de séance : « Raconte les conditions de l’arrivée au pouvoir de Henri IV » Séance 2 : Henri IV et l’édit de Nantes Document 7 : Le texte de l’édit de Nantes (simplifié) permet de comprendre ce que signifie la « tolérance » religieuse à la fin du XVIe siècle. Document 8 : La carte permet de comprendre que les protestants sont confinés dans quelques places fortes bien identifiées. Document 9 : L’assassinat de Henri IV par le catholique fanatique Ravaillac, à mettre en parallèle avec l’assassinat de Henri III Production d’écrit possible en fin de séance : « Quels droits l’édit de Nantes accorde-t-il aux protestants » Séance 3 : Évaluation Production d’écrit à partir des deux écrits précédents : « Raconte comment Henri IV a mis fin aux guerres de religion » Étude d’un document : il est obligatoire d’étudier le texte de l’édit de Nantes L’étude du texte de l’édit de Nantes doit conduire les élèves à comprendre ce que signifie alors la notion de « tolérance » et comment Henri IV a mis fin par ce texte aux guerres de religion. L’enseignant.e présente tout d’abord le contexte historique : Henri IV vient de battre les derniers combattants de la Ligue catholique. Il peut alors régler la question religieuse par ce texte. L’enseignant.e présente aux élèves des extraits (articles 2, 3 et 9) traduits en français contemporain. Les élèves peuvent répondre aux questions par écrit en petits groupes. Article 2 : Questions : Quels sont les deux ordres donnés par Henri IV à ses sujets ? En quoi ces ordres peuvent-ils aider à mettre fin à la guerre civile dans le royaume ? Article 3 (4 premières lignes) : questions : Qu’est-ce que Henri IV ordonne dans cet article ? Pourquoi le culte catholique avait-il été parfois interrompu auparavant ? Article 9 : Questions : Qu’accorde Henri IV aux protestants ? D’après ce texte, les protestants sont-ils totalement libres dans le royaume désormais ? On peut conclure cette étude par un petit débat en classe entière sur la signification de la notion de « tolérance » en 1598, et sa différence avec la signification de cette notion aujourd’hui. Composante EMC (7 points) 3. A partir de la lecture de l’article 2 de l’édit de Nantes, vous engagez un débat avec les élèves de. votre classe de CM1 au sujet du respect d’autrui. Expliquez comment vous amenez les élèves à réfléchir aux conditions selon lesquelles l’article 2 pourrait s’appliquer à une situation de notre époque. On propose tout d’abord une version simplifiée de l’article 2 de l’édit de Nantes abordé au préalable en classe d’histoire. On l’étudie avec les élèves afin qu’ils comprennent que cet article stipule que l’on n’a plus le droit d’évoquer les guerres de religion et de se quereller à ce propos. Les sujets du roi doivent se comporter « comme frères, amis et concitoyens » pour garantir la paix et le « repos public ». On demande aux élèves si cet article pourrait toujours être appliqué aujourd’hui, dans la classe, dans la société, sur les réseaux sociaux (alors que notre société est très différente de celle de 1598). Les élèves pourraient être invités à évoquer des situations de conflit qui pourraient relever l’article 2, à expliquer en quoi elles sont inacceptables et comment le principe du respect d’autrui permet de s’opposer à ces situations de conflit (ex. : bagarre dans la cours de récréation, insultes, paroles déplacées, etc.). 4. Quelles valeurs peuvent être mobilisées avec les élèves, et de quelle manière, pour penser cette situation ? On peut évoquer ici les valeurs de la république : liberté, égalité, fraternité. La valeur à laquelle on pense ici en premier est celle de la fraternité : le respect d’autrui implique une société apaisée et un lien social fort entre les personnes. La fraternité suppose que l’on considère les autres personnes comme ses égales : le même traitement doit être accordé à tout le monde. C’est la garantie du respect d’autrui. Enfin, le respect de ces deux valeurs assure la liberté de chacun. Si chacun respecte autrui, alors la liberté d’autrui est respectée (liberté d’opinion, d’expression, d’aller et venir, etc.). Extrait du programme d’EMC (2020) : « Respecter autrui, c’est respecter sa liberté, le considérer comme égal à soi en dignité, développer avec lui des relations de fraternité. C’est aussi respecter ses convictions philosophiques et religieuses, ce que permet la laïcité ».

  • Sujet possible : François Ier et la dune de Léhan (sud Finistère)

    Par Didier Cariou, Maitre de conférences HDR en didactique de l'histoire, Université de Brest Épreuve écrite d’application Domaine histoire, géographie, enseignement moral et civique Durée 3 heures Composante histoire (12 points) 1. Vous enseignez en classe de CM1. Vous préparez une séquence d’apprentissage portant sur « François Ier, un protecteur des Arts et les Lettres à la Renaissance ». En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire (documents 2 à 8), indiquez les savoirs qui devront être construits avec les élèves à l’occasion de cette séquence. 2. Présentez une séquence sur « François Ier, un protecteur des Arts et les Lettres à la Renaissance ». Indiquez le titre de chaque séance de la séquence en indiquant les compétences travaillées par les élèves et les documents (accompagné des savoirs que chaque document permet de travailler) que vous utiliseriez dans chaque séance. Choisissez un document du dossier documentaire, indiquez sa place dans une séance et présentez son exploitation pédagogique précise. Composante géographie (8 points) 3. Nous supposons que vous enseignez à l’école de Treffiagat-Lechiagat (à côté du Guilvinec, Finistère sud). Quels concepts géographiques pourraient être mobilisés pour étudier le cas de la dune de Lehan (documents 11 à 13). 4. Proposez une exploitation pédagogique des documents 12 et 13. Document 1 : Extrait de la fiche Eduscol « Thème 2 : le temps des rois » François I er , un protecteur des Arts et des Lettres à la Renaissance Le règne de François Ier (de 1515 à 1547) correspond à la période où la Renaissance gagne l’ensemble de l’Europe, où l’humanisme s’affirme et où la division religieuse de l’Europe entre catholicisme et protestantisme prend naissance. Nous sommes dans les « temps modernes » : la diffusion de l’imprimerie et les Grandes Découvertes élargissent l’horizon des Européens. Le roi lance la France dans cette dernière aventure, en l’orientant vers l’Amérique du Nord. Il n’est pas, à la différence de saint Louis, l’arbitre de l’Europe : il se heurte à l’empereur Charles Quint et ses ambitions italiennes sont contrariées. Mais dorénavant, la monarchie favorise les Arts et les Lettres, qui servent le prestige des princes de la Renaissance : Léonard de Vinci passe en France les trois dernières années de sa vie, accueilli par le roi, une Imprimerie royale est mise en place, le Collège de France est fondé en 1530, la Bibliothèque Royale, ancêtre de la Bibliothèque Nationale de France, est fondée en 1537 avec l’obligation d’y déposer un exemplaire de tout ouvrage imprimé. François Ier est un grand bâtisseur, ce dont témoigne notamment le château de Fontainebleau, lieu de résidence le plus fréquent d’une cour itinérante. Tout cela s’inscrit dans une construction progressive de l’État et une progressive unification du royaume : la Bretagne est rattachée à la France en 1532, et la célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) fait du français, remplaçant le latin, la langue officielle du droit et de l’administration. Document 2 : François Ier vers 1530 (par Jean Clouet, huile sur toile, 96 × 74 cm, Paris, musée du Louvre). Source : ttps://commons.wikimedia.org/wiki/File:François_Ier_Louvre.jpg Document 3 : François Ier à Cheval . Enluminure attribuée à Jean Clouet, vers 1540, 27 x 22 cm. BnF Cabinet des dessins. MI 1092. Source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:François_1er_attribué_à_Jean_Clouet_MI_1092.jpg?uselang=fr Document 4 : Noël Bellemare (vers 1495-1546) et François Clouet (vers 1515-1572) : François Ier, entouré de sa cour, reçoit un ouvrage de son auteur . Gouache rehaussée d’or sur vélin - 26,3 x 20,2 cm. 1534. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:BellemareClouetFrancois_ier_livre.jpg Document 5 : Vue aérienne du château de Chambord Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ChateauChambordArialView01.jpg Document 6 : Fiorentino Rosso : Le roi garant de l’unité de l’État, fresque de la galerie François Ier du château de Fontainebleau. Crédit Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot. Source : https://art.rmngp.fr/en/library/artworks/fiorentino-rosso_galerie-francois-ier-l-unite-de-l-etat_fresque-peinture_haut-relief_stuc Document 7 : Ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice (dite ordonnance de Villers-Cotterêts). Articles toujours en vigueur aujourd’hui : François, par la grâce de Dieu, roy de France, sçavoir faisons, à tous présens et advenir, que pour aucunement pourvoir au bien de notre justice, abréviation des proçès, et soulagement de nos sujets avons, par édit perpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s'ensuivent. Article 110. Et afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ne lieu à demander interprétation. Article 111. Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. Source : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070939 / Document 8 : La France de François Ier. Source : https://www.lhistoire.fr/carte/la-france-de-françois-ier Document 9  : Extrait du programme de géographie de la classe de CM1 (2020) (…) Les élèves découvrent ainsi que pratiquer un lieu, pour une personne, c’est en avoir l’usage et y accomplir des actes du quotidien comme le travail, les achats, les loisirs... Il faut pour cela pouvoir y accéder, le parcourir, en connaître les fonctions, le partager avec d’autres. Les apprentissages commencent par une investigation des lieux de vie du quotidien et de proximité ; sont ensuite abordés d’autres échelles et d’autres « milieux » sociaux et culturels ; enfin, la dernière année du cycle s’ouvre à l’analyse de la diversité des « habiter » dans le monde. La nécessité de faire comprendre aux élèves l’impératif d’un développement durable et équitable de l’habitation humaine de la Terre et les enjeux liés structure l’enseignement de géographie des cycles 3 et 4. Il introduit un nouveau rapport au futur et permettent aux élèves d’apprendre à inscrire leur réflexion dans un temps long et à imaginer des alternatives à ce que l’on pense comme un futur inéluctable (...). Document 10  : Extrait du programme de géographie de la classe de CM1 (2020) Thème 1 - Découvrir le(s) lieu(x) où j’habite - Identifier les caractéristiques de mon(mes) lieu(x) de vie. - Localiser mon (mes) lieu(x) de vie et le(s) situer à différentes échelles. Ce thème introducteur réinvestit la lecture des paysages du quotidien de l’élève et la découverte de son environnement proche, réalisées au cycle 2, pour élargir ses horizons. C’est l’occasion de mobiliser un vocabulaire de base lié à la fois à la description des milieux (relief, hydrologie, climat, végétation) et à celle des formes d’occupation humaine (ville, campagne, activités…). L’acquisition de ce vocabulaire géographique se poursuivra tout au long du cycle. Un premier questionnement est ainsi posé sur ce qu’est « habiter ». On travaille sur les représentations et les pratiques que l’élève a de son (ses) lieu(x) de vie. Document 11 : Extrait d’un article du journal Ouest-France du 10 novembre 2023 En Bretagne, la mer menace ces habitations : le rachat des maisons envisagé pour les détruire À Treffiagat (Finistère), chaque tempête fait courir un risque très fort de submersion à des maisons qui surplombent la mer. Les élus bigoudens se retrouvent au pied du mur : des solutions de rachat d’au moins sept maisons, pour déconstruction, seront faites prochainement. Ouest-France Publié le 10/11/2023 à 19h05 À chaque tempête, l’inquiétude enfle à la même mesure que le vent et les vagues dans le quartier de Lehan, à Treffiagat (Finistère). Ici, des maisons surplombent la plage. Mais en une décennie, la mer a gagné une bonne vingtaine de mètres sur la dune, et à chaque coup de vent, cette dernière recule.  « Sur le secteur, en dix ans, nous avons entrepris des travaux de prévention et d’urgence pour un million d’euros » explique la maire de Treffiagat, Nathalie Carrot-Tanneau. La tempête Céline, qui précédait que quelques jours Ciaran a encore mis à mal cet espace. La mer a gagné près de deux mètres. Entre ces deux épisodes, un chantier de renforcement d’urgence a eu lieu à Lehan. Bien qu’une évacuation temporaire d’une vingtaine de maisons ait été ordonnée pour assurer la sécurité des habitants, avec  Ciaran , la dune a moins souffert (...). En dix ans, un million d’euros ont déjà été investis pour sécuriser la dune de Lehan. | OUEST-FRANCE Sept habitations de Lehan sont directement concernées par la submersion, « à court terme » : chaque tempête risque d’ouvrir une brèche dans la dune par laquelle l’eau s’engouffrerait dans les maisons. Face à cela, les élus et l’État envisagent, depuis des mois déjà, de faire des propositions de rachat des logements à leurs propriétaires. Ces propositions pourraient intervenir dès 2024 et France Domaine évaluera les biens prochainement. « Une fois acquises, les maisons ne seront vouées qu’à être déconstruites », lâche Stéphane Le Doaré. Et ensuite, quel est l’avenir de Lehan ? « On privilégie des solutions fondées sur la nature. La mer regagnera du terrain, l’espace sera renaturé. En arrière, nous viendrons construire une digue retro-littorale de près de 2 kilomètres. Mais d’ici là, bien sûr, nous entretenons les ouvrages de protection existants pour nous accorder encore un peu de temps », termine Éric Jousseaume. Des travaux colossaux, à moyen terme, qui devraient coûter près de 5 millions d’euros. Document 12 : Vue de la dune du Léhan, commune de Treffiagat-Léchiagat (Finistère). Source : Le Télégramme , 15 décembre 2023 Légende de la photographie : Les riverains de Léchiagat, dans la commune de Treffiagat (29), qui risquent de voir leurs maisons déconstruites face à la montée des eaux, sortent de leur réserve. Ils pointent du doigt un manque d’informations et de concertations sur le projet de relocalisation de leurs domiciles. Document 13 : Carte IGN d’une partie de la commune de Treffiagat-Léchiagat (Finistère). Source : Géoportail Proposition de corrigé Composante histoire (12 points) 1. Vous enseignez en classe de CM1. Vous préparez une séquence d’apprentissage portant sur « François Ier, un protecteur des Arts et les Lettres à la Renaissance ». En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire (documents 2 à 8), indiquez les savoirs qui devront être construits avec les élèves à l’occasion de cette séquence. François Ier règne de 1515 à 1547. Son règne symbolise la période Renaissance en France. En se faisant protecteur des arts et des lettres, il donne une légitimité culturelle et artistique au pouvoir royal, et les arts servent également à sa propagande. Le dossier documentaire qui nous est proposé ici permet d'aborder les différents aspects du rôle de François Ier. Document 2 (portrait de François 1er par jean Clouet) : La couronne royale figure seulement sur la tapisserie à l’arrière-plan. L’épée du roi symbolisant son pouvoir militaire est presque cachée par la main du roi. Le roi se reconnaît donc essentiellement par sa posture corporelle à la fois imposante et bienveillante, et par la richesse de son costume en soie avec des broderie en or. L’autorité du roi repose donc davantage sur la personne du roi que sur les signes extérieurs du pouvoir. Le roi de la Renaissance est une personne de goût, très distinguée. Document 3  : (François Ier à cheval) : Dans le même ordre d’idées, le roi est représenté comme un roi guerrier (il tient un sceptre et une épée), d’un type un peu particulier. Son armure est richement décorée, il porte un chapeau et non pas un casque et son cheval n’est pas équipé pour la bataille mais pour la parade (plumes sur la tête, caparaçon). Le roi est capable d’imposer un mouvement gracieux à son cheval (dressage) pour montrer sa maîtrise de l’art équestre. Document 4 (François Ier reçoit un ouvrage) : Le roi doit également être savant et lettré. Cette scène solennelle (présence de la cour, le roi est placé sous un dais décoré des fleurs de lys) montre l’importance attachée à la parution d’un ouvrage que le roi lira peut-être (il faut qu’il passe pour une personne lettrée, pour un roi humaniste qui s’intéresse aux sciences et à la pensée de son époque). On peut également supposer que l’auteur du livre a reçu un traitement de la part du roi (mécénat du roi). Le chien au premier plan symbolise la fidélité. Rappelons à l'occasion que François Ier a créé le Collège de France en 1530 (l’institution universitaire la plus prestigieuse en France encore aujourd’hui) et la Bibliothèque royale en 1537 où tout livre imprimé devait être déposé (l’ancêtre du « dépôt légal » encore aujourd’hui). Le roi de la Renaissance est une humaniste qui favorise la diffusion de la connaissance. Document 5 (le château de Chambord). Le roi est également un bâtisseur (mécène des architectes et des décorateurs). Il a construit ou aménagé plusieurs châteaux de la Loire dans lesquels il accueille sa cour encore itinérante. Ces châteaux servent à montrer la grandeur et la puissance du roi et de sa cour. Le château de Chambord construit à partir de 1515 suit un plan de château fort médiéval mais les tours et les murs sont percés de nombreuses fenêtre. De nombreux pilastres décorent les toitures. Il est possible que l’escalier à double révolution a été dessiné par Léonard de Vinci. Ce château n’a aucun rôle militaire, il a une fonction d’apparat et de manifestation de la richesse et du goût du roi et de sa cour. Document 6 (fresque de la galerie du château de Fontainebleau). Cette fresque représente le roi sous les traits d’un empereur romain victorieux (la couronne de laurier). Le roi n’est plus un monarque féodal secondé par les grands seigneurs du royaume, il exerce le pouvoir de manière solitaire et suscite le respect de tout le monde (les personnages ont la tête baissée devant lui), comme un empereur. Le décor antique rappelle que la Renaissance a remis en avant un retour à l’Antiquité. A nouveau, le roi peut être envisagé comme un mécène protecteur des grands artistes de son temps (ici : le Rosso) qui travaillent au service de sa gloire. (on peut rappeler le fait que François Ier avait fait venir Léonard de Vinci en France). Remarque : on ne peut pas encore parler de monarchie absolue, mais le règne de François Ier a constitué une étape vers le renforcement du pouvoir monarchique, sur le plan de l'accroissement des organes de l'Etat monarchique et de la propagande monarchique. Document 7 (Ordonnance de Villers-Cotterêts). En 1539, François Ier adopte l’ordonnance dans le château de Villers-Cotterêts. C’est le plus vieux texte de loi toujours en vigueur aujourd’hui. Cette ordonnance impose l’usage du français (la langue de l’Île-de-France et du roi) à la place du latin dans tous les actes administratifs. Cette ordonnance montre que le roi est désormais capable d’imposer une langue unique dans l’ensemble du royaume, qui permet un (petit) début de centralisation administrative du royaume. On peut rappeler que le latin demeure la langue de la science et de la religion, tandis que le français devient la langue de l’administration mais aussi de la littérature (Rabelais, Ronsard, etc.). Remarque : on peut éventuellement rappeler que cette ordonnance prote sur nu grand nombre de sujets, notamment l'obligation faite aux curés des paroisses de tenir des registres paroissiaux où doivent être enregistrés les baptêmes, les mariages et les enterrements (ancêtres de l'état civil actuel). Document 8 (carte de la France de François Ier) : Cette carte montre que la progression du domaine royal permet au roi de contrôler la plus grande partie du royaume. François Ier a incorporé au domaine royal de nombreux fiefs, dont le duché de Bretagne en 1532. Cela permet au roi de prélever des impôts et de rendre la justice dans la plus grande partie du royaume, ce qui explique sa richesse, sa force militaire et ses capacités à protéger les lettres et les arts (mécénat). 2. Présentez une séquence sur « François Ier, un protecteur des Arts et les Lettres à la Renaissance ». Indiquez le titre de chaque séance de la séquence en indiquant les compétences travaillées par les élèves et les documents (accompagné des savoirs que chaque document permet de travailler) que vous utiliseriez dans chaque séance. Choisissez un document du dossier documentaire, indiquez sa place dans une séance et présentez son exploitation pédagogique précise. Séquence sur « François Ier, un protecteur des Arts et les Lettres à la Renaissance ». Compétences  : se situer dans le temps, comprendre un document, pratiquer différents langages Séance 1  : François Ier, un prince de la Renaissance Objectif : Faire comprendre aux élèves deux tableaux qui célèbrent un roi de la Renaissance Document 2 : un roi raffiné de la Renaissance Document 3 : un roi guerrier, en majesté et en représentation Séance 2  : François Ier, un roi mécène Objectif : Faire comprendre aux élèves pourquoi le mécénat sert l'image du roi Document 4 : un roi protecteur des lettres, un prince humaniste Document 5 : un roi bâtisseur (Chambord) qui manifeste sa puissance, sa richesse et son goût Séance 3  : François Ier renforce le pouvoir royal Objectif : Faire comprendre aux élèves que le pouvoir du roi s'impose à tous Document 6 : l’art au service de la propagande royale Document 7 : l’ordonnance de Villers-Cotterêts = le roi impose sa langue à tout le royaume Document 8 : le domaine royal occupe la plus grande partie du royaume = le roi lève des impôts et impose sa justice dans presque tout le royaume Conclusion : production d’écrit : « Comment François Ier utilise-t-il les arts pour glorifier son propre pouvoir ? » Exploitation pédagogique d’un document : Proposition : document 2 : portrait de François Ier par Jean Clouet, vers 1530 Ce tableau est l’un des joyaux du musée du Louvre encore aujourd’hui. Il montre ce qu’était un prince de la Renaissance Les élèves peuvent étudier ce tableau en petits groupes en répondant aux questions ci-dessous: Questions 1. Qui est le personnage représenté ? (François Ier) 2. Comment savons-nous que ce personnage est un roi ? (La couronne sur la tapisserie) 3. Ce tableau rappelle-t-il les portraits habituels des rois ? (non, les symboles du pouvoir du roi sont peu présents : la couronne sur la tapisserie, le pommeau de l’épée est caché par la main du roi). 4. Par quels autres moyens l’artiste montre-t-il qu’il représente un roi ? (la grande richesse de son costume en soie brodée d’or, l’allure à la fois hautaine et bienveillante du personnage). L’enseignant.e montre ensuite aux élèves que François Ier se fait représenter comme un roi de la Renaissance, soucieux de son apparence et manifestant un goût très sûr qui prouve sa culture. Composante géographie (8 points) 3. Nous supposons que vous enseignez à l’école de Treffiagat-Lechiagat (à côté du Guilvinec, Finistère sud). Quels concepts géographiques pourraient être mobilisés pour étudier le cas de la dune de Lehan (documents 11 à 13). Plusieurs concepts géographiques peuvent être mobilisés pour étudier le cas de la dune de Léhan : Paysage  : Un paysage est l’étendue d’un pays ou d’un espace s’offrant au regard d’une observatrice ou d’un observateur à partir d’un lieu précis. Ici: un paysage de littoral (mer, plage, dune, habitations derrière la dune) Ressource  : Une ressource est un capital (matériel ou immatériel) mis en valeur pour répondre à un besoin dans une société à un moment donné, dans le but de créer des richesses. Ici, la proximité du littoral et la plage de sable constituaient auparavant une ressource incitant les habitants à venir s’installer dans le hameau de Léhan et attirant les touristes. Contraintes  : Une contrainte spatiale est un élément de l'espace qui gêne ou limite les activités humaines en un lieu donné et dans une société donnée. Ici, la proximité du littoral est devenu une contrainte en raison de la hausse du niveau de la mer et des tempêtes désormais violentes mettant en danger la dune qui protégeait auparavant les pavillons.   Aménagement  : Un aménagement permet de surmonter une contrainte spatiale en proposant des équipements permettant le déroulement des activités humaines en un lieu donné et dans une société donnée. Ici, les aménagements sont les maisons derrière la dune et les opérations de sécurisation de la dune (levée en pierre et pieux) Acteurs spatiaux  : L'ensemble des agents (individus, groupes de personnes, institutions, entreprises) susceptibles d’exercer une action sur les territoires. Ici : les habitant de Léhan, la maire de Treffiagat et l’État qui doit financer les travaux. 4. Proposez une exploitation pédagogique des documents 12 et 13. Ces documents peuvent donner lieu à la production d’un schéma qui permettra de distinguer les différentes unités paysagères sur la photographie ainsi que les aménagements de la dune de Léhan. La carte permet de nommer les différents éléments de ce schéma qui doit être accompagné d’une légende. On peut proposer quelques lignes de commentaire du schéma (faire verbaliser par les élèves les différents éléments du schéma) : la montée du niveau de la mer et les tempêtes de plus en plus violentes mettent en danger la plage et la dune de Léhan. Pour réduire les risques de submersion, la mairie a consolidé la dune par des aménagements (blocs de pierre, mur de poteaux) afin de protéger les maisons et le marais derrière la dune.

  • Glossaire simplifié de géographie

    Par Didier Cariou, maître de conférences HDR en didactique de l’histoire à l’Université de Brest Définitions établies à partir du glossaire en ligne : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire Acteurs spatiaux L'ensemble des agents (individus, groupes de personnes, institutions, entreprises) susceptibles d’exercer une action sur les territoires. Aménagement Un aménagement permet de surmonter une contrainte spatiale ou de tirer profit d'une ressource spatiale en proposant des équipements permettant le déroulement des activités humaines en un lieu donné et dans une société donnée. Voir aussi : ressource, contrainte Axe (ou arc) Dans un réseau, un axe relie deux nœuds entre eux. Le long d’un axe s’écoulent des flux plus ou moins volumineux permettant de distinguer des axes majeurs et des axes secondaires. Voir aussi: flux, nœud, pôle, réseau Carte, croquis et schéma Carte, croquis et schéma sont trois manières de représenter graphiquement un espace géographique. Une carte représente tout ce qui se trouve à la surface d’un espace géographique donné. Elle permet de localiser des lieux et des phénomènes géographiques. Elle est accompagnée d’une échelle, d’une orientation et d’une légende permettant d’expliciter les symboles et les divers signes figurant sur la carte. Un croquis est une carte simplifiée réalisée à la main sur un fond de carte, pour représenter ces lieux ou des phénomènes géographiques sélectionnés. Il est pourvu d’une échelle et d’une orientation. Il suppose la mobilisation d'un figuré cartographique constitué de formes géométriques abstraites. Un schéma est une production cartographique réalisée à main levée et sans fond de carte. Il sert à représenter un phénomène ou des relations déduites de l’observation d’une carte ou d’un croquis. Voir aussi : figuré cartographique. Contrainte Une contrainte spatiale est un élément de l'espace qui gêne ou limite les activités humaines en un lieu donné et dans une société donnée. Une contrainte n’est jamais naturelle en soi, elle est toujours sociale car une contrainte constitue une limite aux activités humaines d'une société donnée. Une contrainte dans une société ou à une époque données peut devenir une ressource dans une autres société ou à une autre époque. Voir aussi : ressource, aménagement Développement durable Le développement durable est un concept développé dans le rapport Brundtland (1987) et défini comme un : « mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Il fut adopté lors de la Conférence mondiale des Nations Unies sur l’environnement à Rio de Janeiro en 1992. Il vise l’équilibre entre trois piliers : social, économique, environnemental. [Aujourd’hui, un nombre croissant de personnes considère que l’expression « développement durable » est un oxymore] Discontinuité Une discontinuité est une rupture marquée spatialement et permettant de distinguer deux types d’espaces présentant des disparités, de part et d’autre cette discontinuité. Disparité Une disparité est différence entre deux ou plusieurs espaces. La disparité peut être économique (espace agricole / espace industriel), sociale (espace rural / espace urbain, quartier d’habitat collectif / quartier pavillonnaire, quartier de populations aisées / quartier de populations défavorisées) ou culturelle (quartier densément pourvu d’équipements culturels, festifs, ou sportifs / quartier peu densément pourvus). Espace périurbain L'espace périurbain est l'espace situé en périphérie d’une agglomération et dont une part importante des habitants travaille dans cette agglomération. Figuré cartographique Un figuré est une forme graphique abstraite de base servant à représenter l’information géographique sur une carte , un croquis ou un schéma . Il peut être ponctuel (forme géométrique : point, carré, cercle, etc.), linéaire (trait, ligne, flèche, pour représenter principalement les axes et les flux ) ou de surface (surface colorée ou hachurée). Chaque figuré est représenté par une couleur (chaude, neutre ou froide) et par une épaisseur plus ou moins marquée en fonction de l'importance du phénomène représenté. Le choix du figuré dépend également de la nature de l'information représentée mais aussi de l'échelle  : à l'échelle mondiale, une agglomération peut être représentée par un figuré ponctuel, mais par un figuré surfacique à l'échelle locale. Flux Un flux est un déplacement de personnes, de marchandises, d’informations, d’énergie, de capitaux, etc. par un moyen de communication (trottinette, vélo, voiture, bus, camion, avion, bateau, fibre optique, ondes électromagnétiques) lié à un aménagement (route, voie ferrée, voie d’eau, couloir aérien, canalisation, câbles), le long d'un axe dans un réseau. voir aussi : axe, nœud, pôle, réseau Habiter (Extrait du programme du cycle 3, 2020) "En géographie, habiter ne se réduit pas à résider, avoir son domicile quelque part. S’intéresser à l’habiter consiste à observer les façons dont les humains organisent et pratiquent leurs espaces de vie, à toutes les échelles. Ainsi, l’étude des « modes d’habiter » doit faire entrer simplement les élèves, à partir de cas très concrets, dans le raisonnement géographique par la découverte, l’analyse et la compréhension des relations dynamiques que les individus-habitants et les sociétés entretiennent à différentes échelles avec les territoires et les lieux qu’ils pratiquent, conçoivent, organisent, représentent. Les élèves découvrent ainsi que pratiquer un lieu, pour une personne, c’est en avoir l’usage et y accomplir des actes du quotidien comme le travail, les achats, les loisirs... Il faut pour cela pouvoir y accéder, le parcourir, en connaître les fonctions, le partager avec d’autres". Voir aussi : Acteurs spatiaux, pratiques spatiales Lieu Un lieu est une portion d’espace donnant prise à des modes d’appropriation particulières. Mobilité Une mobilité est un changement de lieu accompli par des êtres humains. Parmi les mobilités, on distingue les mobilités quotidiennes (entre le domicile et le travail), les migrations (le fait de changer de domicile pour une durée longue ou définitive), le tourisme (tout déplacement en dehors du domicile habituel pour au moins une nuit et au plus une année). Mobilités douces Les mobilités douces désignent les moyens de transport non carbonés (marche à pied, trottinette, vélo) ou faiblement carbonés (vélo à assistance électrique, trottinette électrique, ainsi que les moyens de transport collectifs) et produisant peu de gaz à effet de serre. Nœud (voir pôle) Un nœud est un point de convergence de plusieurs axes au sein d’un réseau. Voir aussi : axe, flux, pôle, réseau. Paysage Un paysage est l’étendue d’un pays ou d’un espace s’offrant au regard d’une observatrice ou d’un observateur à partir d’un lieu précis. Les éléments observables d’un paysage constituent un ensemble complexe de relations dont la description permet de comprendre l’organisation de l’espace concerné. Un paysage est doté d’une dimension subjective et affective. Il est étudié à partir d’une photographie aérienne oblique et il peut être représenté (peinture, dessin, croquis, schéma). Pôle (voir nœud) Dans un réseau, un pôle est un nœud vers lequel convergent de nombreux axes importants. Comme il attire les flux de personnes, de marchandises, d’informations, de capitaux, le pôle exerce un influence (polarisation) plus ou moins importante sur l'espace environnant plus ou moins éloigné. Voir aussi : axe, flux, nœud, réseau. Pratiques spatiales Les pratiques spatiales sont les pratiques, les gestes habituels, les trajets réguliers, et plus généralement l’ensemble des microdécisions opérées par les groupes et les individus (les acteurs spatiaux) dans l’espace. Voir aussi : Habiter, acteurs spatiaux. Réseau Un réseau est un ensemble de connexions entre des axes et des nœuds. Un réseau peut être discontinu, affecté de disparités et polarisé par un ou plusieurs nœuds ou pôles majeurs. Voir aussi : Axe, flux, pôle, nœud Ressource Une ressource est un capital (matériel ou immatériel) mis en valeur pour répondre à un besoin dans une société à un moment donné, dans le but de créer des richesses ou de favoriser une action humaine. Il faut distinguer une ressource d’une réserve qui n’est pas exploitée. Une ressource dans certains espaces ou dans certaines sociétés peut constituer une contrainte ailleurs, et réciproquement. [Aujourd’hui, nous savons que les ressources de la planète sont limitées] Exemple : une plage de sable est une ressource pour le tourisme balnéaire ou pour l'industrie du BTP. Voir aussi : contrainte, aménagement.

  • La construction européenne

    Par Didier Cariou, maître de conférences HDR en didactique de l’histoire à l’Université de Bretagne Occidentale Références : Mots-clés Plan Marshall, OECE, Logique fédérale, Logique intergouvernementale, Alliance Atlantique, OTAN, Etats-Unis d’Europe, Conseil de l’Europe, CECRL, Convention européenne des droits de l’homme, Drapeau européen, Hymne européen Plan Schumann, Jean Monnet, CECA, CED, Traité de Rome, CEE, Libre-échange, De Gaulle, Politique de la chaise vide, Couple franco-allemand, Giscard d’Estaing, SME, ECU, Europe des 6, des 9, des 10, des 12, Convention de Schengen, Acte unique européen, ERASMUS, Communauté Européenne Chute du mur de Berlin, Réunification de l’Allemagne, Europe des 15, des 25, des 27, des 28, des 27, Brexit, Traité de Maastricht, BCE, Citoyenneté européenne, Euros, Union européenne, Traité de Lisbonne, Conseil européen, Conseil de l’UE, Commission européenne, Parlement européen, Cours de justice européenne. Que dit le programme ? Extrait du programme du cycle 3, classe de CM2 (2020) Thème 3 - La France, des guerres mondiales à l’Union européenne - La construction européenne. L’élève découvre que des pays européens, autrefois en guerre les uns contre les autres, sont aujourd’hui rassemblés au sein de l’Union européenne. Extraits de la fiche EDUSCOL : Thème 3 - La France, des guerres mondiales à l’Union européenne Quels sont les points forts du thème pour l’enseignant ? La construction européenne Après le profond traumatisme provoqué dans le monde entier par l’ampleur des désastres et des crimes commis, la conception d’une éthique universelle se développe ; l’Organisation des Nations Unies, fondée en 1945, adopte le 9 décembre 1948 la Convention pour la prévention et répression du crime de Génocide et le 10 décembre 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme . Les droits de l’Homme sont d’ailleurs au fondement de la construction européenne. Le contexte de la guerre froide rend encore plus urgente la réconciliation franco-allemande : la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) qui regroupe en 1951 la France, la République Fédérale Allemande, l’Italie et le Benelux permet de régler le différend franco-allemand sur la Sarre. Une dynamique est lancée qui, malgré l’échec de la Communauté Européenne de Défense, enterrée en 1954, aboutit à la création du Traité de Rome fondant le Marché commun (1957). Un espace de paix et de coopération économique existe désormais, qui s’élargit à partir des années 1970. Devenu en 1992 l’Union européenne (UE) par le traité de Maastricht, il connaît des mouvements centripètes et centrifuges : l’Euro est mis en place comme monnaie fiduciaire en 2002, dans la majorité des pays, mais l’UE ne parvient pas à se doter d’une constitution commune en 2005 et le Royaume-Uni, entré en 1973, choisit de s’en retirer en 2016. Comment mettre en œuvre le thème dans la classe ? La construction européenne Cette partie du thème a un lien fort avec l’enseignement moral et civique (EMC). La rubrique « sensibilité » comprend une initiation aux « valeurs et symboles » de l’Union européenne, la rubrique « le droit et la règle » implique de faire découvrir aux élèves « les grandes déclarations des droits » - ce qui comprend la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 mais aussi la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (2000) qui renvoie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1950. Toujours dans cette rubrique, il faut également présenter aux élèves la citoyenneté européenne. Des débats à visée philosophique pourront être engagés à partir des principes présents dans ces textes, afin de comprendre ce que l’on y affirme et ce que l’on veut éviter (ce qui renvoie à l’expérience des deux conflits mondiaux). Partir de la citoyenneté européenne, à laquelle on n’accède que par le biais de la citoyenneté nationale d’un des États membres de l’Union Européenne, permet de présenter celle-ci comme le fruit d’une coopération entre des États qui ont choisi d’exercer en commun certains domaines relevant de leur souveraineté. Les principales étapes de la construction européenne pourront être évoquées à partir par exemple de l’observation de cartes évolutives, d’une brève chronologie (1957 : traité de Rome ; 1992 : traité de Maastricht), en identifiant à chaque fois les États concernés et ce qu’ils mettent en commun, et en montrant ainsi que la construction de la paix s’est opérée par des coopérations concrètes. Introduction Le programme du cycle 3 présente la construction européenne comme une réponse aux deux guerres mondiales et comme le moyen d’éviter de nouvelles guerres sur le continent européen. C’est une vision un peu réductrice et un peu angélique. La fiche EDUSCOL est plus réaliste. Elle rappelle que la construction européenne fut d’abord un produit de la Guerre Froide : il s’agissait de renforcer l’Europe occidentale face au bloc soviétique, puis de construire un marché contribuant au développement économique des pays européens, selon la logique du libéralisme économique. L’histoire de la construction européenne est très complexe. Il est imprudent de l’envisager comme une histoire linéaire d’un regroupement de six à vingt-sept États et d’une construction d’un ensemble économique conduisant progressivement à une union politique. La construction européenne fut le fruit de nombreux tâtonnements, elle a subi de nombreuses crises. Surtout, elle résulte de l’application de divers projets contradictoires, ce qui explique ses errements encore aujourd’hui. Pour envisager cette histoire, nous articulerons deux concepts ( élargissement géographique et approfondissement des compétences) et deux conceptions de l’Europe ( Europe fédérale versus Europe des États , ou intergouvernementale). L’enseignement de ce chapitre est difficile. Avec les élèves, il faudrait suivre les orientations de la fiche EDUSCOL et articuler ce chapitre au programme d’EMC (Acquérir et partager les valeurs de la république). Il faudrait évoquer la citoyenneté européenne et les élections européennes, la monnaie unique, l’élargissement progressif de la construction européenne à l’aide de cartes et envisager les symboles de l’Europe (le drapeau, l’hymne européen, la devise européenne). Il est difficile d'en faire plus au cycle 3. Le chapitre qui suit d’expliciter les enjeux qui sous-tendent les réalisations concrètes de l’Europe. J’espère qu’il pourra éclairer un peu la lectrice ou le lecteur sur des enjeux qui nous concernent toutes et tous mais qu’il est parfois difficile d’appréhender. 1. Vers la construction européenne 1.1 Construire une Europe atlantique ? Les États-Unis peuvent être considérés comme les initiateurs de la construction européenne. C'est pourquoi il aurait été possible que la construction européenne se fasse directement sous l'égide des Etats-Unis, d'où le titre de cette sous-partie. Le 5 juin 1947, le Secrétaire d’État Marshall lança le plan Marshall ( European Recovery Program ) afin de financer la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre mais surtout afin que l’Europe de l’Ouest ne sombre pas dans la révolution communiste. Le plan Marshall constituait une application directe de la doctrine Truman de l’endiguement énoncée le 15 mars 1947 lors d’un discours qui est considéré comme le point de départ de la Guerre froide. Il fallait que l'Europe occidentale se renforce face au bloc soviétique. Le 16 avril 1948 fut créée l’Organisation Européenne de Coopération Économique ( OECE , qui devint l’OCDE en 1960). L’OECE regroupait au départ seize pays d’Europe de l’Ouest qui souhaitaient recevoir l’aide du plan Marshall, qui avait été refusée par les pays d’Europe de l’Est sous domination soviétique. L’aide du plan Marshall constituée de prêts et de dons de matériels d’un valeur totale de 12 milliards de dollars était attribuée en bloc à ces pays qui devaient la répartir entre eux. Document : la répartition de l’aide du Plan Marshall Source : https://www.alternatives-economiques.fr/y-a-70-ans-plan-marshall/00080237 Les États-Unis souhaitaient impulser de cette manière une coopération européenne susceptible de déboucher, qui sait, sur une fédération européenne selon le modèle américain (des institutions fédérales au-dessus des Etats membres de la fédération). Si les Français acceptèrent provisoirement cette logique fédérale, les Britanniques la refusèrent tout de suite. En conséquence, on n’alla pas plus loin que la répartition de l’aide du Plan Marshall et on ne mit en place ni une union douanière ni un programme fédéral de reconstruction européenne. Déjà s’affrontaient deux conceptions de la construction européenne : fédéraliste ou intergouvernementale . En 1949 fut conclue l’ Alliance Atlantique dirigée contre le bloc soviétique et conduisant à la mise en place de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ( OTAN ) plaçant toutes les armées de l’alliance sous commandement intégré américain. 1.2 Quelle Europe construire ? Le 19 septembre 1946, l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill prononça un discours à Zurich sur les « États-Unis d’Europe » qui devint vite célèbre. Comme cette expression ne l’indique pas, Churchill ne défendait pas un modèle fédéral de construction européenne, sur le modèle américain, mais défendait une « Europe des États », intergouvernementale, fondée sur la coopération entre des États souverains. Surtout, il désengageait le Royaume-Uni de ce programme en affirmant que cette Europe des États devait être portée par la France et par l’Allemagne, et pas par le Royaume-Uni qui devait rester tourné vers le Commonwealth. Document : extraits du discours de Zurich de Winston Churchill (19 septembre 1946) La grande république au-delà de l’Atlantique a compris avec le temps que la ruine ou l’esclavage de l’Europe mettrait en jeu son propre destin et elle a alors avancé une main secourable faute de quoi une sombre période se serait annoncée avec toutes ses horreurs. Ces horreurs peuvent d’ailleurs encore se répéter. Mais il y a un moyen d’y parer et si la grande majorité de la population de nombreux États le voulait, toute la scène serait transformée comme par enchantement et en peu d’années l’Europe, ou pour le moins la majeure partie du continent, vivrait aussi libre et heureuse que les Suisses le sont aujourd’hui. En quoi consiste ce remède ? Il consiste à recréer la famille européenne, cela dans la mesure du possible, puis de l’élever de telle sorte qu’elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté. Il nous faut édifier une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Ce n’est qu’ainsi que des centaines de millions d’êtres humains auront la possibilité de s’accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. On peut y arriver d’une manière fort simple. Il suffit de la résolution des centaines de millions d’hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction (…). J’en viens maintenant à une déclaration qui va vous étonner. Le premier pas vers la création de la famille européenne doit consister à faire de la France et de l’Allemagne des partenaires. Seul, ce moyen peut permettre à la France de reprendre la conduite de l’Europe. On ne peut pas s’imaginer une renaissance de l’Europe sans une France intellectuellement grande et une Allemagne intellectuellement grande (...). Source : https://www.cvce.eu/obj/discours_de_winston_churchill_zurich_19_septembre_1946-fr-7dc5a4cc-4453-4c2a-b130-b534b7d76ebd.html#:~:text=Le%2019%20septembre%201946%2C%20le,la%20libert%C3%A9%20sur%20le%20continent Ce discours déboucha sur la tenue de la Conférence de La Haye, du 7 au 10 mai 1948. Celle-ci rassembla 775 délégué enthousiastes venus de 19 pays. Elle fut perturbée par les heurts entre les défenseurs d’une Europe fédérale et les défenseurs d’une Europe intergouvernementale. Cette conférence contribua malgré tout à la création du Conseil de l’Europe par le traité de Londres, le 5 mai 1949. Le Conseil de l’Europe rassemblait au départ dix États. Il était constitué d’une Assemblée parlementaire délibérative, installée à Strasbourg et composée de députés issus des parlements nationaux des États membres. Cette assemblée sert toujours de laboratoire d’idées sur la défense de la démocratie car elle est dépourvue de toute compétence politique (rôle dévolu aux États membres), militaire (rôle dévolu à l’OTAN) ou économique (rôle dévolu alors à l’OECE, aujourd'hui à l'UE). Parallèlement, le Conseil de l’Europe comprenait un Comité des ministres des affaires étrangères des pays membres. Le vote devait s’y effectuer à l’unanimité pour ne léser les intérêts d’aucun État membre. Il s’agit donc ici d’une instance intergouvernementale. Cette logique contradictoire entre l'Assemblée (fédérale) et le Comité des ministres (intergouvernemental) paralysa dès le départ le Conseil de l’Europe qui resta essentiellement un laboratoire d’idées au service de la défense de la démocratie, des droits humains et de la culture. Il continue à produire des normes, des réglementation et des chartes, telles que le Cadre Européen Commun de Référence pour l'enseignement des Langues ( CECRL ) en 2001. L’un de ses organismes majeurs est la Cour européenne des droits de l’homme qui siège depuis 1998. Elle sert à garantir le respect des droits humains pour tous les Européens, notamment le droit à bénéficier d’un procès équitable. De fait, cette cour sert comme ultime instance d’appel pour les justiciables européens, au-dessus des instances judiciaires nationales. Nous devons quelques réalisations au Conseil de l’Europe. En 1950, il publia la Convention Européenne des Droits de l’Homme . En 1955 il proposa le drapeau européen que nous connaissons toujours et qui fut officiellement adopté par le Parlement européen en 1985. Ce drapeau ne symbolise nullement l’Europe des Douze. Ses douze étoiles disposées en cercle sur fond d’azur symbolisent la perfection (le nombre douze comme les 12 heures de l’horloge ou les 12 mois de l’année) et l’unité (le cercle). En 1985, Le Conseil de l’Europe décida que l’ hymne européen serait l’Ode à la joie, extrait de la 9eme symphonie de Beethoven. Un petit problème : on avait choisi l’adaptation instrumentale réalisée en 1972 par Herbert von Karajan (qui toucha des droits d’auteur à chaque représentation de cet hymne), charismatique chef d’orchestre de l’orchestre philharmonique de Berlin de 1955 jusqu’à mort en 1989. On avait juste oublié que, Autrichien, il avait adhéré au parti nazi en 1935 par sympathie pour l’idéologie nazie et pour accélérer sa carrière de chef d’orchestre en Allemagne. Le Conseil de l’Europe était conçu au départ pour devenir la base d’une construction européenne. Cependant, paralysé par la contradiction du fédéralisme et de la logique intergouvernementale, et comme il n’avait aucune compétence économique, il resta à l’écart. Il regroupe aujourd’hui 46 États européens car les anciens États du blocs soviétique y ont été intégrés après la chute du bloc soviétique, à l’exception de la Biélorussie qui était restée une dictature. La Russie en a été exclue après l’agression contre l’Ukraine du 24 février 2022. Document : Les États membres du Conseil de l’Europe en 2022 Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_de_l%27Europe 1.3 Construire la « petite Europe » De nombreux intérêts divergents s'affrontèrent au tournant des années 1940 et 1950. Les États-Unis souhaitaient la création en Europe d’une vaste zone de libre-échange (sans droits de douane aux frontières) intégrant la RFA, créée en 1949, en tant qu'avant-poste occidental face au bloc soviétique. Les Français ne voulaient pas entendre parler du moindre accord avec la RFA car les souvenirs de l’occupation allemande restaient encore très douloureux au sein de la population française. Les Français craignaient également la concurrence de l’industrie allemande qui s’était très rapidement remise des destructions de la Seconde Guerre mondiale et qui aurait fragilisé l’industrie française alors mal en point. Les Français souhaitaient transformer l’OECE en une vaste zone de libre échange avec les Britanniques, tout en excluant la RFA. Mais les Britanniques, isolationnistes et tournés vers le Commonwealth, ne souhaitaient pas s’impliquer dans les affaires continentales, et encore moins aux côtés des Français. Pour essayer de contenter les Américains, les Français firent semblant de mettre en place des pseudo-zones de libre échange, dont la plus ridicule, nommée Fritalux (ça en s'invente pas !), aurait rassemblé la France, l’Italie et le Luxembourg. Les États-Unis menacèrent alors de suspendre l'aide du plan Marshall si des avancées significatives n’étaient pas engagées. C’est dans ce contexte de pressions américaines que Robert Schuman (ministre des affaires étrangères français, MRP, centre droit) proposa le 9 mai 1950 le Plan Schuman rédigé par Jean Monnet, le commissaire au plan français. Cette date, considérée par l’histoire officielle de l’Europe comme le point de départ de la construction européenne, est célébrée chaque année comme la « journée de l’Europe ». Document : Le discours de Robert Schuman, ministre des affaires étrangères, le 9 mai 1950 (extraits) La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d'une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre. L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. Dans ce but, le gouvernement français propose immédiatement l'action sur un point limité mais décisif. Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes. La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer, aboutissant à fournir à tous les pays qu'elle rassemblera les éléments fondamentaux de la production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification économique (...). Source : https://european-union.europa.eu/principles-countries-history/history-eu/1945-59/schuman-declaration-may-1950_fr Le plan Schuman conduisit à la mise en place de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier ( CECA ), le 18 avril 1951. La CECA regroupait six pays : la France (représentée par les démocrates-chrétiens Jean Monnet et Robert Schuman), l'Italie (représentée par le président du conseil démocrate-chrétien Alcide De Gasperi), la RFA (représentée par le chancelier chrétien-démocrate Conrad Adenauer), la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg. On parlait de « l’Europe des Six ». La CECA visait le développement du libre échange du charbon et de l’acier entre les six pays membres. En supprimant les droits de douane entre les six pays sur ces deux produits, on espérait en réduire le coût et la circulation pour faciliter la reconstruction puis le développement économique. Les dirigeants français pensaient également que la concurrence des aciers allemands allait contraindre les industriels français à moderniser leur appareil de production pour rester compétitifs. La CECA fut présentée aux Français comme un instrument du rapprochement franco-allemand exigé par les Américains et comme un moyen d'éviter une nouvelle guerre entre les deux pays. Mais elle se limitait au charbon et à l’acier, en évitant un libre échange généralisé à toutes les marchandises, qui aurait ruiné l’économie française. Cette institution fut la première institution internationale à accueillir la jeune RFA. La CECA obéissait à une logique fédérale. Elle était dirigée par une Haute autorité de 9 membres, indépendante des États, présidée par Jean Monnet et siégeant à Luxembourg. De même, la Cour de Justice de la CECA, destinée à dire le droit et à régler les litiges entre les États membres, était indépendante des États. L’Assemblée parlementaire était composée de 78 députés nommés par les parlements nationaux. Elle conseillait et contrôlait la Haute autorité. La seule instance intergouvernementale était le Conseil des ministres qui donnait les grandes orientations mais qui avaient peu à dire sur le fonctionnement de la CECA. De fait, la CECA fut une réussite et contribua au développement de l’industrie sidérurgique européenne. Document : les institutions de la CECA Source : https://www.touteleurope.eu/histoire/qu-est-ce-que-la-ceca/ Au même moment, les États-Unis, engagés dans la guerre de Corée, souhaitaient le réarmement de la RFA pour qu'elle soit capable de faire face militairement au bloc soviétique sur le continent européen. Il était inenvisageable que l’Allemagne reconstitue une armée indépendante sans le contrôle des autres pays européens. Jean Monnet proposa alors, en 1952, le projet de Communauté Européenne de Défense ( CED ), suivant le modèle de la CECA. On aurait créé un armée européenne fédérale dans laquelle auraient été fondus les soldats allemands, évitant ainsi de recréer une armée allemande de sinistre mémoire. La CED provoqua une crise politique majeure en France où les deux principales forces politiques d’opposition, les gaullistes et les communistes, ne voulaient pas entendre parler du moindre réarmement allemand, ni d'une armée fédérale dans laquelle se serait fondue l'armée française. Ce projet fut abandonné en 1954, après avoir causé en France la chute de plusieurs gouvernements de la Quatrième république. Cela n’empêcha pas que l’armée allemande fut reconstituée en 1955 à l’instigation des Américains, et intégrée à l’OTAN. Documents : Affiches favorables à la CED Documents : affiches du Parti communiste hostiles à la CED La construction européenne fut relancée ensuite pour aboutir à la création de la Communauté Économique Européenne ( CEE ). La CEE consiste en un approfondissement de la CECA par la mise en place d’un libre échange généralisé à toutes les marchandises et plus seulement au charbon et à l’acier. Le libre-échange fut effectivement réalisé en juillet 1968, lorsque les droits de douanes entre les pays membres furent totalement supprimés. En fait, l’échec de la CED a provoqué un repli de la construction européenne sur l’économie. Le projet des "Pères de l'Europe", dont Jean Monnet était donc de construire une Europe fédérale fondée sur l'économie, et selon une logique libérale, mais sans institutions politiques fédérales. Ils supposaient que la convergence économique qui résulterait du marché unique conduirait à une construction politique. Or, habituellement, les fédérations sont d'abord construites sur le plan politique afin que les institutions politiques se chargent ensuite d'organiser l'économie. Les Pères de l'Europe considéraient en outre qu'il fallait avancer progressivement et sans jamais susciter de larges débats démocratiques sur le sujet. Le choix de l'économie avant la politique et le rejet de larges débats et consultations démocratiques rendent compte du fait que l'Europe fut construite dans le dos des populations et des opinions publiques. Document: un buvard d'écolier en 1957 Le 25 mars 1957 fut donc signé le traité de Rome instituant à la fois la CEE (voulue par les Allemands) et Euratom (voulu par les Français). Euratom consistait en un marché assurant la libre circulation des matières fissiles, sur le modèle de la CECA, au moment où la France se lançait dans la construction de la première bombe atomique française (expérimentée dans le désert algérien à partir de 1960) puis dans la filière électronucléaire française. Euratom ne suscita pas l’intérêt des autres pays européens et disparut rapidement. Le traité de Rome obéissait à la logique du libéralisme économique (une union douanière débarrassée des droits de douane à l’intérieur et protégé par des barrières douanières à l’extérieur). Si la CEE fut présentée comme un approfondissement de la CECA, elle fonctionnait en réalité selon une logique strictement intergouvernementale. La Haute Autorité de la CECA fut remplacée par la Commission européenne composée de 9 commissaires nommés par les gouvernements des six Etats membres. Le Conseil des ministres (regroupant les ministres du domaine concerné en fonction de l’ordre du jour) jouait désormais un rôle central : il émettait les directives à suivre mais rédigeait également les règlements. Le vote à l’unanimité permettait à chaque État d’en contrôler les décisions, chaque Etat ayant de fait un droit de veto. La Cour de justice de la CECA devint celle de la CEE. De même, l’Assemblée de la CECA devint l ’ Assemblée de la CEE . Simple organe de contrôle au pouvoir très symbolique, elle se renomma Parlement européen en 1962 mais ne joua un rôle législatif que beaucoup plus tard. Il était prévu que des politiques économiques communes assurent un développement économique équilibré de tous les pays afin de limiter les effets d’une concurrence déloyale. En fait, seule la Politique Agricole Commune ( PAC ) fut mise en place dans l’intérêt de la France en 1962. La PAC finança la modernisation de l'agriculture française et le développement d'une agriculture productiviste qui fit disparaitre une majorité de paysans français ainsi que la biodiversité. Document : Extraits du traité de Rome (25 mars 1957) Article premier : Par le présent traité, les Hautes Parties contractantes instituent entre elles une Communauté économique européenne. Article 2 : La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les États qu'elle réunit. Article 3 : Aux fins énoncées à l'article précédent, l'action de la Communauté comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le présent traité : a) l'élimination, entre les États membres, des droits de douane et des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie des marchandises, ainsi que de toutes autres mesures d'effet équivalent, b) l'établissement d'un tarif douanier commun et d'une politique commerciale commune envers les États tiers, c) l'abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux, d) l'instauration d'une politique commune dans le domaine de l'agriculture, e) l'instauration d'une politique commune dans le domaine des transports, f) l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun, g) l'application de procédures permettant de coordonner les politiques économiques des États membres et de parer aux déséquilibres dans leurs balances des paiements, h) le rapprochement des législations nationales dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun, i) la création d'un Fonds social européen, en vue d'améliorer les possibilités d'emploi des travailleurs et de contribuer au relèvement de leur niveau de vie, j) l'institution d'une Banque européenne d'investissement, destinée à faciliter l'expansion économique de la Communauté par la création de ressources nouvelles, k) l'association des pays et territoires d'outre-mer, en vue d'accroître les échanges et de poursuivre en commun l'effort de développement économique et social. Article 4 : 1. La réalisation des tâches confiées à la Communauté est assurée par - une Assemblée; - un Conseil ; - une Commission; - une Cour de justice (…). Source : Nicolas Rousselier, L’Europe des traités. De Schuman à Delors , Paris, CNRS éditions, 2007, p. 199-203. 2. La construction d’une Europe économique : le Marché commun 2.1. Les difficultés des années 1960 Le premier acte européen marquant de De Gaulle, après son retour au pouvoir en 1958, fut la réconciliation franco-allemande qu'il acta avec le chancelier Conrad Adenauer. La signature du Traité de l’Élysée institutionnalisa l’amitié franco-allemande, le 22 janvier 1963. Ce traité inaugura ce que, depuis, l’on appelle régulièrement le « couple franco-allemand » (tantôt « en panne », tantôt « moteur de l’Europe »). Document: La signature du traité de l'Elysée par Conrad Adenauer et Charles De Gaulle (à la gauche de De Gaule, le premier ministre Pompidou). Source Parallèlement, De Gaulle, président de la république française de 1958 à 1969, s’opposa à l’élargissement de la CEE, c’est-à-dire à l’intégration du Royaume-Uni qu’il considérait comme « le cheval de Troie des Américains » en Europe. A deux reprises, en 1963 et en 1967, il refusa la demande d’adhésion des Britanniques. De Gaulle s’opposait également à l’approfondissement de l’Europe et à une orientation plus fédérale. Face aux tenants d'une Europe fédérale, économique et libérale sur le plan économique, De Gaulle défendait une Europe inter-gouvernementale et politique où la souveraineté des Etats en matière de politique économique et sociale serait sauvegardée. En 1965, Walter Hallstein, le président de la Commission européenne, proposa que le vote au sein de la Commission s’effectue non plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée. Cela aurait rendu la Commission relativement indépendante de certains États. Elle aurait pu imposer ses décisions à des États en désaccord mais minoritaires lors des votes. En outre, Hallstein proposa que le budget européen soit voté par le Parlement européen, et non plus décidé par les États membres. Ces deux propositions s’engageaient clairement sur le chemin du fédéralisme auquel De Gaulle était totalement hostile. C’est pourquoi, entre le 30 juin 1965 et janvier 1966, la France pratiqua « la politique de la chaise vide » dans les instances européennes. De Gaulle eut finalement gain de cause contre Hallstein. Lors de la campagne pour les élections présidentielles de 1965, De Gaulle s'exprima sur l'Europe lors d'un entretien télévisé. Dans l'extrait ci-dessous, très célèbre, notamment en raison de sa formule " on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l'Europe ! l'Europe ! l'Europe ! », mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien ", il formulait sa conception d'une Europe constituée d'une coopération d'Etats souverains. Document : la conception gaullienne de l'Europe Dès lors que nous ne nous battons plus entre Européens occidentaux, dès lors qu'il n'y a plus de rivalités immédiates et qu'il n'y a pas de guerre, ni même de guerre imaginable, entre la France et l'Allemagne, entre la France et l'Italie et, bien entendu, entre la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Angleterre, eh bien ! il est absolument normal que s'établisse entre ces pays occidentaux une solidarité. C'est cela l'Europe, et je crois que cette solidarité doit être organisée. Il s'agit de savoir comment et sous quelle forme. Alors, il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur les réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l'Europe ! l'Europe ! l'Europe ! », mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien. Je répète : il faut prendre les choses comme elles sont. Comment sont-elles ? Vous avez un pays français, on ne peut pas le discuter, il y en a un. Vous avez un pays allemand, on ne peut pas le discuter, il y en un. Vous avez un pays italien, vous avez un pays belge, vous avez un pays hollandais, vous avez un pays luxembourgeois et vous avez, un peu plus loin, un pays anglais et vous avez un pays espagnol, etc. Ce sont des pays, ils ont leur histoire, ils ont leur langue, ils ont leur manière de vivre et ils sont des Français, des Allemands, des Italiens, des Anglais, des Hollandais, des Belges, des Espagnols, des Luxembourgeois. Ce sont ces pays-là qu'il faut mettre ensemble et ce sont ces pays-là qu'il faut habituer progressivement à vivre ensemble et à agir ensemble. A cet égard, je suis le premier à reconnaître et à penser que le Marché commun est essentiel, car si on arrive à l'organiser, et par conséquent, à établir une réelle solidarité économique entre ces pays européens, on aura fait beaucoup pour le rapprochement fondamental et pour la vie commune (…). Chacun a sa patrie. Nous avons la nôtre, les Allemands ont la leur, les Anglais ont la leur, et c'est ainsi. J'ai parlé de la coopération des États, alors cela oui, j'en ai parlé, et je crois que c'est indispensable. Nous avons tâché de l'organiser à cette époque mais cela n'a pas réussi et, depuis, on n'a plus rien fait, excepté nous, qui avons fait quelque chose avec l'Allemagne , car nous avons solennellement, et c'était incroyable après tout ce qui nous était arrivé, nous avons fait avec l'Allemagne un Traité de réconciliation et de coopération. Cela n'a pas non plus jusqu'à présent donné grand-chose. Pourquoi ? Parce que les politiques sont les politiques des États, et qu'on ne peut pas empêcher cela (…). Source: Charles De Gaulle, « Deuxième entretien radiodiffusé et télévisé avec M. Michel Droit, 14 décembre 1965 », in Charles De Gaulle, Mémoires d’espoir, Allocutions et messages , Paris, Plon, 1970, réed. Plon, 2006, p. 965-969 A voir sur : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i12107935/charles-de-gaulle-comme-un-cabri-l-europe-l-europe-l-europe En revanche, De Gaulle ne s’opposa pas à la réalisation du marché commun par le libre échange et la suppression totale des droits de douane entre les six pays membres, qui fut effective le 1er juillet 1968. 2.2 L’accélération des années 1970 La démission de De Gaulle en 1969 permit de relancer la construction européenne car son ancien premier ministre et le nouveau président, Georges Pompidou, passé préalablement par la banque Rothschild, était favorable au libéralisme économique et à la réduction du rôle de l'Etat dans l'économie. En 1973, l’Europe des Six passa à neuf membres avec l’intégration du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark. L’Europe des Neuf se définissait alors par le libéralisme économique, le respect des droits humains et la protection sociale. Le modèle européen s’affirmait donc contre le modèle soviétique (par la référence au libéralisme et au respect des droits humains) et contre le modèle américain (par la référence à la protection sociale). Les grandes réalisations européennes des années 1970 furent portées par le premier véritable « couple franco-allemand », le président Valéry Giscard d’Estaing (VGE) (UDF, centre droit) et le chancelier Helmut Schmidt (SPD, centre gauche). A nouveau, la logique fédérale et la logique intergouvernementale s’affrontèrent. En 1974, VGE parvint à imposer la création des Conseils européens qui réunissent trois fois par an tous les chefs d’État et de gouvernement des pays membres. Selon une logique intergouvernementale, les Conseils européens formulent encore aujourd’hui les grandes orientations de la politique européenne, la Commission devant de décliner ensuite ces orientations. En échange, VGE dut accepter l’exigence des pays du Benelux de l’élection du Parlement européen au suffrage universel à partir de 1979. Ainsi le parlement devenait une instance fédérale qui ne dépendait plus des États, mais qui était dépourvue pour le moment de tout pouvoir. La première présidente élue du Parlement européen en 1979 fut Simone Veil (on jugera au choix si cela constituait pour elle une promotion politique ou un moyen de se débarrasser d'une autorité morale unanimement respectée et donc un peu gênante pour Giscard). La grande affaire des années 1970 était l’inflation, souvent entre 10 et 15 % de hausse des prix par an. Les causes (crise du dollar, choc pétrolier) en sont multiples et il est impossible de les aborder ici. L’inflation était aggravée par la spéculation boursière sur les cours des monnaies : la valeur de chaque monnaie variait constamment par rapport à celle des autres monnaies et cela rendait compliqué le règlement des achats internationaux. Pour les salariés, la situation n’était pas catastrophique puisque les salaires augmentaient automatiquement en même temps que l’inflation. Bien mieux, le taux d'inflation à 10-15 % et une hausse annuelle des salaires équivalente contribuaient à neutraliser les taux d'intérêts des prêts immobiliers ! Par exemple, les salariés qui contractèrent dans les années 1970 des prêts à des taux proches de 10 %, bénéficièrent en réalité d'emprunts à 0 % ! Pour faire face à ces difficultés, en 1978 et 1979, fut créé le Système Monétaire Européen ( SME ) vite rebaptisé « serpent monétaire européen ». Le SME instituait la solidarité entre les monnaies européennes. Tous les pays de la CEE devaient soutenir les monnaies des pays de la CEE en difficulté afin d’éviter que le cours de chaque monnaie ne varie au-delà de plus ou moins 2,25 %, à une époque de crises monétaires fréquentes et créées par la spéculation boursière. Il fallait éviter également que la chute de la valeur d’une monnaie ne réduise trop fortement le prix de ses marchandises exportées dans les autres pays européens et ne produise une concurrence déloyale par la "dévaluation compétitive". Le SME sécurisait les paiements entre les entreprises des différents pays qui étaient alors gênés par la variation permanente des taux de change entre les monnaies européennes. En même temps fut créé l’ European Currency Unit ( ECU ), dont Giscard d'Estaing, dans le texte ci-dessous s'attribue la paternité. Il s'agissait d'une monnaie de référence pour les règlements internationaux. La valeur globale de cette « monnaie panier » dépendait de la valeur de chacune des monnaies européennes. En fonction du poids économique d’un pays, la monnaie de ce dernier représentait une part plus ou moins importante de cette monnaie panier. Le deutschemark entrait pour 30 % de la valeur de l’ECU, le franc français pour 19 %, etc. Le nom de l’ECU fut inventé par VGE en référence à l’écu d’or de Saint-Louis. L’ECU était utilisé uniquement par les grandes entreprises européennes pour assurer leurs règlements internationaux. Il est l’ancêtre de l’Euro. Document : La naissance de l’ECU selon Valery Giscard d’Estaing L'après-midi, autour de la table du Conseil, nous discutons les termes du communiqué. L'accord monétaire européen suppose l'existence d'une unité, d'une monnaie de compte, qui sera l'embryon, le gène de la future monnaie européenne. Comment la nommer ? Embarras autour de la table. Donner à cette unité une appellation en langue anglaise paraît difficile, compte tenu de la non-participation des Britanniques. À l'exception du français, les autres langues de la Communauté sont peu envisageables. Et je devine, aux quelques réflexions échangées, les réticences de nos partenaires vis-à-vis d'un nom français, ressenti comme une manifestation nouvelle de l'impérialisme intellectuel de notre pays. Je demande à Helmut Schmidt, qui préside, de me donner la parole. Le malaise s'épaissit. « Je vous propose de ne pas donner à la nouvelle unité de compte un nom spécial, mais plutôt de la désigner tout simplement par sa fonction: European Currency Unit .» Et je prononce la formule en anglais. Surprise et soulagement général. Le visage de Jim Callaghan [le premier ministre britannique] s'illumine. Il chuchote sa satisfaction à l'oreille de son ministre des Affaires étrangères, David Owen. Il n'y a pas besoin d'un tour de table pour constater l'unanimité. Helmut Schmidt, qui a tout de suite compris le jeu de mots, paraît s'en amuser. Il doit penser que cela permettra de mieux « vendre » le système à l'opinion publique française, ce qui répond à son souhait. Il prend acte de l'accord sur ma proposition. « Dans la pratique, ajoutai-je, toujours en anglais, nous serons conduits à utiliser les initiales, comme pour les Droits de Tirages Spéciaux (DTS). Il vaut mieux les faire figurer entre parenthèses dans les textes : European Currency Unit (ECU). » Pas d'objection. Un peu d'étonnement. On se demande s'il n'y a pas là quelque tour de passe-passe caché. Le Premier ministre belge est le premier à sourire. Puis les autres. Car la monnaie européenne vient ainsi d'être baptisée « écu », du nom que les Français donnaient à la plus précieuse de leurs unités monétaires au temps de la dynastie des Valois. Le 13 mars 1979, le nouveau système monétaire européen entrait en vigueur, sur la base d'une parité du mark de 2,30 par rapport au franc. Celle-ci ne devait pas varier jusqu'en mai 1981. Source : Valéry Giscard d’Estaing, Le pouvoir et la vie , Paris, Compagnie 12, 1988 et 1991, réed. Livre de poche, 2004, p. 143. Enfin, les négociations d’adhésion furent engagée avec des pays qui étaient récemment sortis de la dictature. Ainsi, la Grèce adhéra à la CEE en 1981 pour créer l ’Europe des Dix , l’Espagne et le Portugal en 1986. On parla alors de l’ Europe des Douze . 2.3 Le tournant européen des années 1980 Au début des années 1980, la construction européenne était en panne. Le second choc pétrolier provoqué par la révolution iranienne de 1979 accéléra encore plus l’inflation. En outre, l’élection de Mitterrand puis les élections législatives en 1981 portèrent au pouvoir des hommes politiques de gauche généralement hostiles à la construction européenne présentée comme « l’Europe des marchands et des banquiers ». L'affiche ci-dessous, réalisée par le dessinateur Jean Effel pour le compte du PCF contre le référendum de 1972 en France sur l'adhésion du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark, montre bien le point de vue de la gauche de l'époque sur la CEE. Source : http://www.communcommune.com/2015/03/histoire-le-pcf-et-l-europe.html En 1981-1982, Le gouvernement Maurois d’union de la gauche (PS, PCF, MRG) mena une politique de relance d’inspiration keynésienne : hausse importante du SMIC, cinquième semaine de congés payés, retraite à 60 ans (après 37,5 années de cotisation), nationalisation de banques d’affaire et de sept grands groupes industriels. Pour financer ces dépenses, il était nécessaire d’émettre toujours plus de monnaie, ce qui augmentait le taux d’inflation et supposait de dévaluer le franc dont la valeur diminuait automatiquement par rapport à celle des autres monnaies. En 1983, Mitterrand abandonna cette politique de gauche et initia le « tournant de la rigueur » d’inspiration néo-libérale et personnifié par le ministre des finances Jacques Delors et le nouveau premier ministre Laurent Fabius. Ce dernier se débarrassa des ministres communistes du précédent gouvernement et engagea une politique néo-libérale proche de celle qui était menée par Thatcher au Royaume-Uni depuis 1979 et par Reagan aux États-Unis depuis 1980 : réduction des impôts, démantèlement des services publics, remise en cause des acquis sociaux, grandes vagues de licenciements, recul du contrôle de l'économie par l'Etat. Le tournant de la rigueur s’accompagna d’un « tournant européen » pour Mitterrand qui se rapprocha alors du chancelier conservateur Helmut Kohl (CDU) pour former un second couple franco-allemand dynamique. Kohl s’engagea à soutenir le Franc sur les marchés internationaux à condition que Mitterrand engage le tournant de la rigueur qui supposait une forte réduction des dépenses sociales, le gel des salaires et des licenciements massifs dans l’industrie. Tout cela pour défendre la politique du « Franc fort » sur les marchés monétaires internationaux et afin que le Franc ne sorte par du SME. Ainsi, à partir de 1983 le traitement des fonctionnaires fut gelé par Jacques Delors, le ministre de l’économie et des finances : c’est la fin des augmentations automatiques de leur traitement en fonction du taux d’inflation. Plus de quarante ans après, il en est toujours ainsi et les fonctionnaires continuent à perdre énormément de pouvoir d’achat. Le tournant de la rigueur en France montre clairement l'orientation néo-libérale et anti-keynésienne de la construction européenne. Rester dans le SME impliquait de réduire l'inflation qui était favorable aux salariés et aux emprunteurs, comme nous l'avons vu plus haut, mais défavorable aux détenteurs de capitaux dont la valeur se réduisait à cause de l'inflation. En voulant défendre un Franc fort arrimé au Deutschemark, le gouvernement socialiste français faisait le choix des détenteurs de capitaux contre les salariés. Cette politique du Franc fort renchérissait le coût des exportations qui se seraient vendues plus facilement avec un franc dévalué. En outre, en 1984, la loi Delors supprima la distinction entre les banques d'affaires (qui prêtaient aux entreprises et spéculaient sur les monnaient) et les banque des dépôt (qui recueillaient nos salaires et prêtaient aux particuliers). Désormais, toutes les banques pouvaient embaucher des traders et spéculer sur les marchés financiers. Le gouvernement de Laurent Fabius s'est alors clairement engagé dans une politique favorable à la finance et défavorable aux salariés. La conséquence en fut la désindustrialisation de la France : les salaires constituaient désormais la seule variable d'ajustement des entreprises qui furent obligées de délocaliser dans les pays à faibles salaires et à faible protection sociale pour sauvegarder leurs profits. Une autre conséquence de la rigueur budgétaire fut la détérioration continue des services publics, de plus en plus difficiles à financer en raison de la réduction continue des impôts. Désormais, dans le cadre européen, les politiques keynésienne ou "de relance" ne sont plus possibles. Le tournant européen de Mitterrand fut symbolisé par la cérémonie du 22 septembre 1984 devant l’ossuaire ce Douaumont à Verdun, lors de laquelle Mitterrand prit la main de Kohl. Document : la poignée de mains de Verdun, le 22 septembre 1984 . Source : https://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2014/09/22/mitterrand-kohl-main-dans-la-main-a-douaumont-le-pelerinage-de-la-paix Le processus de construction européenne était relancé sous la houlette de Jacques Delors, président de la Commission européenne. En 1985, fut adoptée la Convention de Schengen permettant la libre circulation des citoyens européens à l’intérieur de l’Europe des Douze à partir de 1992 (ce qui signifiait la fin des contrôles d’identité aux frontières entre les Etats de la CEE et le démantèlement des postes de douane aux frontières) et un contrôle accru des frontières extérieures pour limiter l’entrée des migrants non-européens. Cette convention fut l'une des premières pierres du rempart érigé comme les migrants venus du Sud. Tous les États européens n’adhérèrent pas à la convention Schengen (le Royaume-Uni notamment, c’est pourquoi il fallait toujours présenter une pièce d’identité pour s’y rendre) alors que certains États hors communauté européennes (Norvège, Islande, Suisse) adhérèrent à cette convention, comme l’indique la carte suivante : Source : https://www.touteleurope.eu/les-pays-membres-de-l-espace-schengen/ Plus ambitieux fut l’ Acte unique européen élaboré par Jacques Delors, désormais président de la Commission européenne et adopté le 17 février 1986. L’Acte unique annonçait la liberté totale de circulation des marchandises, des capitaux et des personnes (Convention de Schengen) à compter du 21 décembre 1992, dans ce que l’on nomma alors le Grand marché. La libéralisation de la circulation des capitaux doit être replacée dans le contexte mondial de dérégulation des marchés financiers. Pour que ce grand marché fonctionne, il fallut harmoniser les normes des produits (la norme CE) pour qu’ils puissent se vendre dans toute la communauté européenne. Cela concerna les jouets, les prises de courant, la couleur des phares des voitures (en France, pour les voitures, on passa des phares jaunes aux phares blancs), etc. Il fallut également développer la politique commune de la monnaie, de la recherche, etc. Dès lors, la Communauté Européenne remplaça la Communauté Économique Européenne créée par la traité de Rome de 1957. Enfin, en 1987, fut mis en place le programme ERASMUS, précurseur du programme ERASMUS+. 3. Élargissement et approfondissement de la construction européenne 3.1 Les effets de la chute du bloc soviétique La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, l’effondrement du bloc soviétique dans les semaines qui suivirent et la fin de l’URSS, le 25 décembre 1991, bouleversèrent évidemment le processus de construction européenne. En 1990, la réunification de l’Allemagne agrandit la superficie de la Communauté européenne par l'intégration de l’ancienne RDA à la RFA. En 1995, la Finlande, la Suède et l’Autriche, États théoriquement neutres durant la Guerre Froide et interdits d'adhésion à une organisation internationale, car ils étaient frontaliers du bloc soviétique, purent désormais adhérer à la Communauté européenne. On passa alors de l’Europe des 12 à l’Europe des 15. En 2004, furent intégrés dix nouveaux membres, des anciens pays du bloc soviétique ainsi que Chypre et Malte. En 2007, ce fut le tour de la Roumanie et la Bulgarie, ce qui porta l’Europe à 27. La Croatie fut intégrée en 2013, ce qui porta l’Europe à 28. Avec le Brexit en 2020, on revint à l’Europe des 27. Source : https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-elargissements-de-l-union-europeenne-de-6-a-27-etats-membres/ Ces intégrations successives élargirent considérablement la superficie de l’Union mais posèrent de nombreux problèmes. Le premier était celui du différentiel de développement économique entre les pays des Balkans et les pays européens les plus riches. Le second est était des migrations intra-européennes des populations des anciens pays de l'Est cherchant de meilleures conditions de travail à l’ouest, et des populations Roms de Hongrie ,de Roumanie et de Bulgarie, qui cherchent tout simplement à accéder à des conditions de vie dignes. Un autre problème est celui de la gouvernance d’une Europe à 28 États. 3.2 De l’union économique à l’union politique La chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne inquiétèrent fortement Mitterrand qui était issu de la génération de la Seconde Guerre mondiale. Il craignait le renforcement de la puissance allemande qui attirait déjà tous les pays d’Europe de l’Est et qui risquait de marginaliser la France dans la construction européenne. Par exemple, le Deutschemark était devenu au début des années 1990 la monnaie de tous les ex-pays de l'Est dont l'économie et la société s'était trouvée totalement désorganisées par la chute du bloc soviétique et de l'économie collective. Mitterrand s’efforça donc de renforcer le couple franco-allemand et d’ancrer l’Allemagne à l’ouest par le traité de Maastricht en 1992. L’acceptation de ce traité, soumis à référendum en France, fit l’objet d’un intense débat politique en France où chacun devait se positionner pour ou contre "Maastricht". En plus, choisir la ville de Maastricht pour signer un traité d’une telle ampleur était de mauvais augure pour les Français : c’est lors du siège de Maastricht que fut tué d’Artagnan ! Notons en outre que l'adoption de ce traité marqua le premier véritable débat sur la construction européenne depuis les années 1950. Le traité de Maastricht fut surtout marqué par trois grands types de réalisations. La première réalisation du traité de Maastricht fut l’ Union Économique et Monétaire . Les États membres devaient respecter des critères de convergence économique afin de favoriser leur intégration économique. En outre, leur déficit budgétaire ne devait pas être supérieur à 3 % de leur PIB (au passage, ce nombre n'a aucune valeur scientifique. Il faut retenue en raison de sa valeur symbolique). La Banque Centrale Européenne ( BCE ) fut créée afin de préparer la mise en place en 2002 de la monnaie unique européenne, l' euro , puis de sa gestion (19 États aujourd’hui). La BCE, totalement indépendante des États, est une institution économique de type fédéral qui impose sa politique économique aux Etats. Elle est dirigée par Christine Lagarde depuis 2019. La seconde réalisation était la Politique étrangère et de sécurité commune ( PESC ) qui devait exprimer une sorte de diplomatie commune afin que tous les pays européens parlent d’une même voix à l’échelle internationale. Ce fut globalement un échec. Les prérogatives du Parlement européen furent renforcées : il investit la Commission européenne et joue un rôle plus important dans l’élaboration des règlements européens. Le principe de subsidiarité fut imposé : une loi ou une juridiction de niveau européen s’imposent au niveau de chaque État. On institua enfin la citoyenneté européenne (passeport européen, droit de vote de tous aux élections locales et aux élections européennes). Document : Extraits du traité de Maastricht Résolus à franchir une nouvelle étape dans le processus d'intégration européenne engagé par la création des Communautés européennes ; Rappelant l'importance historique de la fin de la division du continent européen et la nécessité d'établir des bases solides pour l'architecture de l'Europe future ; Confirmant leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'État de droit ; Désireux d'approfondir la solidarité entre leurs peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions ; Désireux de renforcer le caractère démocratique et l'efficacité du fonctionnement des institutions, afin de leur permettre de mieux remplir, dans un cadre institutionnel unique, les missions qui leur sont confiées ; Résolus à renforcer leurs économies ainsi qu'à en assurer la convergence, et à établir une union économique et monétaire, comportant, conformément aux dispositions du présent traité, une monnaie unique et stable ; Déterminés à promouvoir le progrès économique et social de leurs peuples, dans le cadre de l'achèvement du marché intérieur et du renforcement de la cohésion et de la protection de l'environnement, et à mettre en œuvre des politiques assurant des progrès parallèles dans l'intégration économique et dans les autres domaines ; Résolus à établir une citoyenneté commune aux ressortissants de leurs pays ; Résolus à mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition à terme d'une politique de défense commune qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune, renforçant ainsi "identité de l'Europe et son indépendance afin de promouvoir la paix, la sécurité et le progrès en Europe et dans le monde ; Réaffirmant leur objectif de faciliter la libre circulation des personnes, tout en assurant la sûreté et la sécurité de leurs peuples, en insérant des dispositions sur la justice et les affaires intérieures dans le présent traité; Résolus à poursuivre le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises le plus près possible des citoyens, conformément au principe de subsidiarité ; Dans la perspective des étapes ultérieures à franchir pour faire progresser l'intégration européenne; Ont décidé d'instituer une Union européenne (…). Source : Extrait de : « Traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992 », dans Traité sur l'Union européenne, Conseil des Communautés européennes, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1992. Cité par Ph. Mioche, penser et construire l’Europe XIXe – XXe siècle , Paris, Hachette 1996, p. 130-133. Ajoutons ici une analyse tirée de l'excellent ouvrage en BD de Benoit Collombat et Damien Cuvillier, Le choix du chômage. de Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique (Futuropolis, 2021). Les choix qui ont présidé à la construction de l'Union européenne sont inspirés par une logique néo-libérale. Alors que le libéralisme suppose un marché libre et une intervention minimale de l'Etat, le néo-libéralisme suppose que l'Etat se mette au service de du marché. La monnaie unique est désormais gérée par la BCE, instance fédérale en l'absence d'Etat fédéral. L'objectif constamment affirmé de la BCE est d'assurer la libre circulation des capitaux, la lutte contre l'inflation au service d'une politique d'austérité. Les Etats ont perdu leur souveraineté budgétaire et monétaire. Il ne leur est plus possible de financer une politique sociale par le déficit budgétaire ou l'émission de monnaie, selon une logique keynésienne. En outre, comme l'Euro est maintenu à une valeur élevée, les exportations de certains pays furent pénalisées. La conséquence fut la "spécialisation" des pays membre de l'UE: tourisme et agriculture maraichère pour les pays du sud, tourisme et services pour la France, finances pour le Luxembourg et les Pays-Bas, industrie pour l'Allemagne, sous-traitance industrielle pour les anciens pays de l'Est. L'Euro constitue donc l'instrument d'une politique néo-libérale et de l'austérité budgétaire. Parler de "réindustrialisation de la France" dans un tel contexte relève d'une mystification pure et simple. En outre, la puissance de l'économie allemande reposait sur l'énergie à bon marché importée de Russie et sur l'exportation de sa production industrielle dans le reste de l'Europe et dans le monde. La guerre en Ukraine et la concurrence industrielle de la Chine ont considérablement fragilisé l'économie allemande. La Communauté Européenne à dimension essentiellement économique fut remplacée le 1er janvier 1993 par l’ Union Européenne dont s’affirmait désormais la dimension politique. Source : https://www.touteleurope.eu/les-pays-membres-de-la-zone-euro/ 3.3 Les limites de la construction européenne La construction européenne est à géométrie variable : certains États de l’UE ont intégré l’espace Schengen et d’autres non, certains États ont intégré l’union économique et monétaire (la zone euro) et d’autres non. Aujourd’hui la construction européenne est fragilisée par le Brexit et l’euroscepticisme manifeste de plusieurs dirigeants de pays d’Europe de l’Est. La construction européenne a certes sauvegardé la paix entre ses États membres. Elle n’a cependant pas su empêcher la guerre civile en ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995 et elle reste dépourvue d’une politique étrangère cohérente, comme on l’a vu le voir lors de l’intervention américaine en Irak en 2003 (soutenue par le Royaume-Uni, refusée par la France) et comme on le voit depuis le début de la guerre en Ukraine. Il ne faut pas non plus oublier l’inhumanité et l’incohérence de la politique de l’Union européenne à l’égard des migrants venus du Moyen Orient et d’Afrique. Enfin, d'aucuns considèrent que la mise en place d'un marché unique a contribué à spécialiser l'économie des Etats européens : l'Espagne est devenue le jardin de l'Europe (les serres irriguées ont remplacé les oliveraies en Andalousie), la Hongrie et la Roumanie, grâce à leurs bas salaires, ont accueilli les usines automobiles délocalisées depuis la France et l'Allemagne, la France est devenue un pays de services, etc. Cette division internationale du travail a contribué à rendre les économies nationales totalement interdépendantes et à générer d'énormes flux de transports routiers internationaux. Pour terminer, présentons le fonctionnement actuel des institutions européennes renforcées par le traité de Lisbonne de 2007, qui reprit les dispositions du traité constitutionnel de 2005 rejeté par référendum en France. Nous proposons deux schémas différents d'un système complexe. La lectrice ou le lecteur choisira celui qui lui parle le plus. Source : https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-institutions-europeennes/ Source : https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/europe-mdv61 Le Conseil européen regroupe les chefs d’État et de gouvernement et le ou la président·e de la Commission européenne. Il fixe les grandes orientations de la politique européenne et nomme les membres de la Commission européenne. Le Conseil de l’Union européenne rassemble les ministres des États membres. Il propose les textes de loi examiné par la Commission et le Parlement puis les applique : il concentre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Le Parlement européen , à Strasbourg, est constitué de 705 députés (depuis le Brexit) élus au suffrage universel de liste tous les cinq ans. Il investit la commission et examine les projets de loi européens. Il est dirigé par Roberta Metsola depuis 2022. Le Qatargate puis le Moroccogate qui ébranlèrent le Parlement européen à la fin de l'année 2022 ont montré que certains parlementaires manquent de prudence face aux lobbystes très nombreux dans les couloirs des institutions européennes. La Commission européenne située à Bruxelles est composée de 27 commissaires (un par État membre). Elle est dirigée par Ursula von der Leyen depuis 2019 (réélue en 2024). Elle rédige les textes législatifs proposés par le Conseil de l’Union européenne et s’assure de leur exécution. Ainsi, elle exerce en même temps le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Enfin la Cour de justice européenne règle les conflits entre les États et dit le droit européen. A partir des élections européennes de 2024, la répartition des responsabilités européennes est la suivante : Ursula von der Leyen dirige la Commission européenne (second mandat), Antonio Costa (Portugal) préside la Conseil européen (il succède à Charles Michels), Roberta Metsola préside la Parlement (second mandat), Kaja Kallas (Estonie) dirige la politique étrangère. Il est difficile de commenter les institutions européennes : elles mélangent la logique fédérale et la logique intergouvernementale. Elles ne suivent pas la logique de la séparation des pouvoirs car une même institution peut exercer à la fois un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif. Conclusion Plus que tout autre histoire, l’histoire de la construction européenne est complexe car elle s’est bâtie à l’occasion de nombreuses crises nécessitant des compromis entre des intérêts et des visions opposées. En outre les discours politiques rendent encore plus opaque le fonctionnement des institutions européennes. On a longtemps reproché à l’Europe un fonctionnement peu démocratique alors que ses orientations sont décidées par les chefs d’État et de gouvernement et non pas par ceux que l’on appelait à une époque les « eurocrates » de Bruxelles, qui ne rendaient compte de leurs décisions à personne. Les partisans d’une Europe intergouvernementale disent qu’il y a trop d’Europe, les partisans d’une Europe fédérale disent qu’il y a trop peu d’Europe.

  • Sujet possible : Napoléon Bonaparte, du général à l'Empereur / Se déplacer : l'aéroport Roissy-CDG

    Didier Cariou, Université de Brest Composante histoire (12 points) 1. En vous appuyant sur le dossier documentaire, identifiez et définissez les objectifs notionnels qui peuvent être travaillés avec les élèves à partir des documents 2 à 10 pour le traitement de la séquence sur : « Napoléon Bonaparte, du général à l’Empereur, de la Révolution à l’Empire ». 2. Pour conclure le chapitre sur « le temps de la Révolution et de l’Empire », vous décidez de travailler sur le rôle historique de Napoléon Bonaparte. Indiquez les titres des différentes séances envisagées ; développez – au choix – une des séances en définissant les objectifs d’apprentissage et les compétences travaillées. Indiquez précisément quels documents issus du dossier documentaire vous utiliserez et détaillez l’exploitation pédagogique de l’un de ces documents. Composante géographie (8 points) 3. À partir du dossier documentaire (documents 11 à 16), identifiez et définissez les notions essentielles qu’il faudrait faire découvrir et comprendre aux élèves lors de la l’étude d’un aménagement de transport : le cas de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. 4. Vous décidez d’exploiter les documents 15 et16 en classe : quels choix opérez-vous pour conduire cette exploitation ? Document 1 : Extrait du programme du cycle 3, classe de CM1 (2020 Document 2 : Une représentation du coup d’État des 18-19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799). Légende : « Séance du Conseil des Cinq-Cents tenue à St Cloud le 19 brumaire an huit : les braves grenadiers du corps législatif en sauvant Buonaparte ont sauvé la France », par Jean-Baptiste MORRET (1799) © BnF Source : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/iconographie/seance-du-conseil-des-cinq-cents-tenue-a-st-cloud-le-19-brumaire-an-huit-les-braves-grenadiers-du-corps-legislatif-en-sauvant-buonaparte-ont-sauve-la-france/ Document 3: Portrait de Napoléon Bonaparte en costume de premier consul en 1802, par Document 4 : L’uniforme des lycéens Antoine-Jean Gros . du Premier Empire Document 5 : Une pièce de 40 francs en or, 1804 Document 6: La circulaire du 21 Ventôse an VIII (17 février 1800) envoyée par Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur, aux préfets Vous êtes appelé à seconder le gouvernement dans le noble dessein de restituer la France à son antique splendeur, d'y ranimer ce qu'elle a jamais produit de grand et de généreux, et d'asseoir enfin ce magnifique édifice sur les bases inébranlables de la liberté et de l'égalité (…).Votre premier soin doit être de détruire sans retour dans votre département l’influence morale des événements qui nous ont trop longtemps dominés. Faites que les passions haineuses cessent, que les ressentiments s’éteignent, que les souvenirs douloureux s'effacent (…). Ralliez tous les cœurs dans un sentiment commun, l'amour de la patrie (…). Dans vos actes publics, et jusque dans votre conduite privée, soyez toujours le premier magistrat du département, jamais l'homme de la révolution (…). Vos attributions sont multipliées; elles embrassent tout ce qui tient à la fortune publique, à la prospérité nationale, au repos des administrés (…). A la tête de ces mesures, je place la prompte rentrée des contributions ; leur acquittement est aujourd’hui un devoir sacré(…). Vous surveillerez avec sévérité toutes les caisses de votre département. De longs abus dans le maniement des deniers publics ont excités une juste défiance (…). La répression de tous les abus administratifs vous appartient (…). Aimez, honorez les agriculteurs. Protégez le commerce, sa liberté de peut avoir d’autre borne que l’intérêt de l’État. Visitez les manufactures (…). Encouragez les arts qui sont les fruits les plus heureux de la civilisation (…). Vous savez que la facilité des communications est l'un des premiers besoins de l'agriculture et du commerce (…), vous aurez à vous en occuper sans relâche (…). Occupez -vous de la génération qui monte : donnez des soins à l'éducation publique. Formez des hommes, des citoyens, des Français(…). Vos succès feront la gloire du gouvernement et la prospérité publique deviendra votre récompense. L'influence de vos travaux peut être telle que dans quelque mois le voyageur, en parcourant votre département, dise avec douce émotion : Ici, administre un homme de bien. Aidez donc le gouvernement à rendre à la France cette splendeur et surtout ce bonheur qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Source : https://www.meuse.gouv.fr/layout/set/print/Services-de-l-Etat/Prefecture-et-sous-prefectures/La-Prefecture-de-la-Meuse/Histoire-des-prefets Document 7: Loi rétablissant l’esclavage dans les colonies françaises le 30 floréal an X (20 mai 1802) Loi du 30 floréal an X (20 mai 1802) sur la traite des Noirs et le régime des colonies, Centre des Archives d'Outre-Mer. © WikimediaCommons, Sejan-Travail personnel, CC BY-SA 3.0 Source : https://www.napoleon.org/enseignants/documents/video-napoleon-bonaparte-et-le-retablissement-de-lesclavage-20-mai-1802-5-min-40/ Document 8 : Le Code civil des Français, 1804 (extraits) 8. Tout Français jouira des droits civils. 371. L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère. 372. Il reste sous leur autorité jusqu’à sa majorité ou son émancipation. 373. Le père seul exerce cette autorité durant le mariage. 374. L’enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de son père, si ce n’est pour enrôlement volontaire, après l’âge de dix-huit ans révolus. 375. Le père qui aura des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d’un enfant, aura les moyens de correction suivans. 376. Si l’enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père pourra le faire détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet, le président du tribunal d’arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation. 377.Depuis l’âge de seize ans commencés jusqu’à la majorité ou l’émancipation, le père pourra seulement requérir la détention de son enfant pendant six mois au plus ; il s’adressera au président dudit tribunal, qui, après en avoir conféré avec le commissaire du Gouvernement, délivrera l’ordre d’arrestation ou le refusera, et pourra, dans le premier cas, abréger le temps de la détention requis par le père. Document 9 : Napoléon se couronne lui-même, le 2 décembre 1804 L’empereur Napoléon se couronnant lui-même. Dessin de David. Paris, Musée du Louvre. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:David_-_L'Empereur_Napoleon_se_couronnant_lui-meme.png Document 10 : Le serment prononcé par Napoléon lors de la cérémonie du sacre du 2 décembre 1804 « Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la République, de respecter les lois du Concordat et de la liberté des cultes ; de respecter et de faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôt, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de la Légion d'honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français ». Document 11 : Extrait de la fiche EDUSCOL « Se déplacer », classe de CM2 Thème 1 - Se déplacer • Se déplacer au quotidien en France • Se déplacer au quotidien dans un autre lieu du monde. • Se déplacer de ville en ville, en France, en Europe et dans le monde. Présenter un aménagement de transports L’étude peut s’organiser à partir de la présentation d’un aménagement de transports, comme un aéroport international : Roissy-Charles-de-Gaulle, Nice, Toulouse, Lyon St-Exupéry. Ce type d’exemple permet de relever la diversité des moyens de déplacement rassemblés en un seul lieu et des différentes échelles de mobilités : locale avec le tramway, régionale avec la route ou l’autoroute, nationale avec le TGV et les vols nationaux, internationale. Un témoignage de professionnel effectuant des déplacements internationaux réguliers peut permettre de saisir ce que signifie se déplacer sur des longues distances. Ex : un pilote d’avion de ligne, un routier… C’est par ces exemples que la diversité des moyens de transport, des durées de parcours, peut être abordée, tout comme la qualité des aménagements routiers, ferroviaires ou aéroportuaires, indispensables aux déplacements des individus. Cette dernière thématique permet d’utiliser des cartes à d’autres échelles spatiales : cartes des réseaux autoroutiers, des LGV, des vols long-courriers, qui permettent de fixer quelques repères géographiques. À l’aide du planisphère et du globe terrestre, l’enseignant peut montrer les distances exprimées en kilomètres, mais aussi en temps de transport. L’appui sur la carte des fuseaux horaires peut être également recherché. Document 12 : Plan de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle Source : https://fr.maps-paris.com/cartes-de-paris-a%C3%A9roport/l%27a%C3%A9roport-charles-de-gaulle-carte Document 13 : Vue du Terminal 2 de l’aéroport Paris-CDG Source : https://www.urbanistesdesterritoires.com/roissy-charles-de-gaulle-un-territoire-indecidable-par-jacques-grange/ Document 14 : Les destinations aériennes à partir de l’aéroport Paris-CDG Source : https://www.flightsfrom.com/explorer/CDG?mapview Document 15 : Les concentrations moyennes de dioxyde d’azote en microgrammes / m³ en 2017 dans le nord-est de la région parisienne. Données Airparif Source : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35817-deliberation-creation-t4-roissy.pdf Document 16: Carte d’exposition au bruit à long terme de l’aéroport Paris-CDG. Source : Ministère de la transition écologique et solidaire (en bleu : nuisance modérée, en rouge : nuisance très forte) Source : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35817-deliberation-creation-t4-roissy.pdf Propositions de corrigé Didier Cariou, université de Brest Composante histoire (12 points) 1. En vous appuyant sur le dossier documentaire, identifiez et définissez les objectifs notionnels qui peuvent être travaillés avec les élèves à partir des documents 2 à 10 pour le traitement de la séquence sur : « Napoléon Bonaparte, du général à l’Empereur, de la Révolution à l’Empire ». Le thème « Napoléon Bonaparte du général à l’empereur, de la Révolution à l’Empire » intervient à la fin de la séquence sur « Le temps de la Révolution et de l’Empire », qui est la dernière séquence de la classe de CM1. L’objectif de ce thème est de montrer aux élèves qu’un général s’empare du pouvoir par la force, qu’il met en place une dictature militaire qui, paradoxalement, permet de sauvegarder les principaux acquis de la Révolution. Il organise les fondements de la société toujours en place aujourd’hui. Les documents proposés dans le dossier permettent d’envisager la plupart des aspects de l’œuvre de Napoléon Bonaparte. Attention : Napoléon Bonaparte est appelé Bonaparte jusqu’en 1804, puis Napoléon quand il devient empereur Document 2 : cette gravure décrit le coup d’État du 19 brumaire an VIII. Bonaparte s’impose aux membres du conseil des 500 dont certains s’enfuient par la fenêtre. Ce document montre que Bonaparte a mis en place une dictature (le Consulat, de 1799 à 1804) par un coup d’État militaire qui met fin à la période de la Révolution (1789-1799). Attention, ce document est de la propagande, il cherche à faire croire que Bonaparte a été agressé alors qu’il fait un coup d’État ! Document 3 : Le portrait de Bonaparte en costume de 1er consul (qui dirige le pouvoir exécutif) montre un costume militaire (bottes de cavalier, gants, culotte de cheval, épée). Le geste de la main vers les liasses de textes qui signale la prise de décision solitaire. Son regard est tourné vers l'avenir Document 4 : décrit l’uniforme des lycéens et signale la dimension militaire de l’éducation dans les lycées créés en 1802 (une masse de granite) Document 5 : la pièce de 40 francs représente Bonaparte, 1er consul, de profil, comme un empereur romain. On retrouve la couronne de laurier romaine au revers. Cela signale la personnification du pouvoir du 1er consul et sa dimension autoritaire qui annonce la mise en place de l’Empire. Le franc germinal (1802), émis par la Banque de France (1800) est une autre masse de granite qui a permis le redémarrage de l’économie. Document 6 : la circulaire du ministre de l’intérieur Lucien Bonaparte (le frère) aux préfets (une autre masse de granite) permet de comprendre la nature des pouvoirs du préfet. Il rappelle que le préfet dirige le département (« premier magistrat du département ») et qu’il en dirige tous les aspects : impôts et finances, soutien à l’agriculture et au commerce, école, etc. Il est également chargé du maintien de l’ordre dans le département, y compris de la répression des mouvements politiques issus de la Révolution (« détruire sans retour dans votre département l’influence moral des événements qui nous ont trop longtemps dominés »). Document 7 : La loi du 20 mai 1802 rétablit la traite et l’esclavage dans les colonies. Cette loi, appliquée pour répondre aux intérêts des planteurs antillais, annule l’abolition de 1794 et elle est une négation des principes de 1789 (liberté, égalité). Document 8 : le Code civil (une masse de granite), recueil des lois adoptées depuis 1800, organise tous les aspects des relations sociales et garantit les principaux acquis de 1789 (art. 8 : égalité de tous les citoyens qui bénéficient de tous les droits). Le code civil introduit cependant une vision autoritaire de la société et de la famille : le père exerce seul l’autorité parentale sur les enfants, il peut les faire mettre en prison. Souvent modifié, il reste encore le principal document juridique en France aujourd’hui. Document 9 : Le dessin de David montre Napoléon se couronnant lui-même lors de la cérémonie du sacre en 1804 et tenant son épée à la main, alors que le pape reste assis sur son trône. Il montre ainsi qu’il ne doit son pouvoir qu’à lui-même et à sa force militaire. L’Empire apparaît ici comme une dictature militaire. Le fait de se couronner soi-même est une totale transgression des usages et montre que Napoléon exerce un pouvoir très particulier. Référence au sacre de Charlemagne ne 800 (référence à l’Empire romain avec la toge et la couronne de laurier, et le pape) Document 10 : Le serment prononcé par Napoléon lors de la cérémonie du sacre montre qu’il s’engage à protéger les acquis de la Révolution (égalité des droits, liberté des cultes, liberté politique et civile, biens nationaux, impôts votés par les assemblées, le bonheur) mais aussi des acquis du Consulat (légion d’honneur) avec une certaine dimension militaire (« la gloire du peuple français »). Conclusion : ces documents permettent de comprendre la nature politique du Consulat et de l’Empire : une dictature militaire qui stabilise certains acquis de la Révolution. 2. Pour conclure le chapitre sur « le temps de la Révolution et de l’Empire », vous décidez de travailler sur le rôle historique de Napoléon Bonaparte. Indiquez les titres des différentes séances envisagées ; développez – au choix – une des séances en définissant les objectifs d’apprentissage et les compétences travaillées. Indiquez précisément quels documents issus du dossier documentaire vous utiliserez et détaillez l’exploitation pédagogique de l’un de ces documents. Séance 1 : L’arrivée au pouvoir de Bonaparte Rappel rapide sur la campagne d’Italie et d’Égypte Le coup d’État de Brumaire an VIII (document 2) Séance 2 : Un régime politique autoritaire Le consulat (1799) (documents 3 et 5) Le contrôle de la population (document 6) et l’autoritarisme (document 8) Séance 3 : La conservation de certains acquis de la Révolution française Le sacre de Napoléon : le tableau de David Le sacre de Napoléon : le dessin de David (document 9) Le serment du sacre (document 10) Nous pouvons développer la séance 3 centrée sur le sacre de Napoléon qui permet de comprendre la nature de ce régime, à la fois dictature militaire et conservation de certains acquis de la Révolution On commence par étudier le tableau du sacre de Napoléon par David. Le but est de faire noter aux élèves que le titre du tableau ne correspond pas à l’action décrite (le couronnement de Joséphine par Napoléon). Pourquoi ? (ici, je propose l’exploitation pédagogique de 2 documents et pas d’un seul) Document 9 : le dessin de David montre Napoléon avec un couronne de laurier sur la tête (empereur romain), se mettre la couronne lui-même sur la tête (geste totalement transgressif) et tenant à sa main son épée. Le pape Pie VII semble prostré sur son trône. Questions posées aux élèves : - Que porte Napoléon sur sa tête ? Une couronne de Laurier - Comment Napoléon est-il habillé ? Comme un empereur romain - Quel geste fait-il ? Il se met lui-même la couronne sur sa tête. - Normalement, qui aurait dû lui mettre la couronne sur la tête ? Le pape - Que veut-il montrer en tenant son épée à la main ? Il est arrivé au pouvoir grâce à ses victoires militaires. Synthèse (par le.la PE) : (réponse à la question initiale) David n’a pas représenté ce couronnement de Napoléon car ce dernier a commis un geste inhabituel. Il s’est mis lui-même la couronne sur la tête pour montrer qu’il ne doit son pouvoir qu’à lui-même et à son épée. Cela diffère du couronnement de Charlemagne en 800 (couronné par le pape) et du couronnement du roi de France (couronné par l’archevêque de Reims). Il montre qu’il n’est pas désigné par Dieu. L’Empire est une dictature militaire fondée sur la souveraineté nationale (un peu manipulée !) puisqu’il a été désigné empereur par plébiscite. Document 10 : le serment du sacre Questions posées aux élèves : - Quels éléments évoquent les principes de la Révolution (vus auparavant) ? La République, égalité des droits, liberté politique et civile, biens nationaux, impôts levés selon la loi - Quels éléments évoquent l’œuvre de Napoléon Bonaparte ? Le concordat, la légion d’honneur, la gloire (militaire) Synthèse (par le.la PE) : dans le pouvoir de Napoléon il y a le rappel à des éléments militaires qui doivent servir à garder les principaux acquis de la DDHC de 1789. C’est un régime politique un peu contradictoire. Production d’écrit (individuelle ou en petits groupes) : Lors de la cérémonie du couronnement, comment Napoléon montre-t-il que son pouvoir est différent de celui des rois de France ? Composante géographie (8 points) 3. À partir du dossier documentaire (documents 11 à 16), identifiez et définissez les notions essentielles qu’il faudrait faire découvrir et comprendre aux élèves lors de la l’étude d’un aménagement de transport : le cas de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Document 11 : (Fiche eduscol) Les concepts évoqués : aménagements (un aéroport, aménagements routiers, ferroviaires), mobilités (déplacements humains d’un lieu à un autre), réseaux (vols long courriers), à des échelles différentes. Aménagement : mise en place d’équipements destinés à satisfaire les besoins d’acteurs, en fonction des ressources et des contraintes du lieu Réseau : un ensemble d’axes qui relient des nœuds ou des pôles et le long desquels se réalisent des flux d’humains, de marchandises, d’informations, etc. Document 12 : aménagements aéroportuaires (terminal 1, 2, 3), réseaux routiers (autoroutes, parkings, autobus), ferroviaires (TGV, RER, CDG Val). Ces réseaux sont connectés. Aménagements hôteliers (Sofitel, Ibis). Document 13 : aménagement aéroportuaire (terminal 2, pistes de décollage), aménagements routiers (réseau routier, parkings) Document 14 : Réseau aérien mondial à partir de Paris-CDG, mobilités Document 15 : Aménagements urbains (banlieue nord-est de Paris), routiers (autoroutes) et aéroportuaires (Paris Le Bourget, Paris-CDG), développement durable (pollution de l’air = pilier environnemental) Document 16 : Aménagements urbains (banlieue nord-est de Paris), réseau routier, développement durable (exposition au bruit = pilier environnemental) 4. Vous décidez d’exploiter les documents 15 et 16 en classe : quels choix opérez-vous pour conduire cette exploitation ? Le concept dominant est celui du développement durable (un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à développer leurs propres besoins) pour étudier les nuisances liées à l’aéroport Paris-CDG. Trois piliers du DD : ici, surtout le pilier environnemental Démarche possible pour étudier les deux documents : 1. Repérer l’aéroport Paris-CDG et le tracé de l’autoroute A1. sur le doc.15 et sur le doc. 16 (recours à Géoportail) 2. Repérer les zones les plus foncées (les plus polluées) sur le doc. 15. Les élèves doivent repérer les autoroutes et la zone de Paris-CDG. 3. Question : pourquoi les zones de nuisances sonores sont-elles allongées d’est en ouest ? Réponse attendue : Elles correspondent au trajet des avions qui décollent et atterrissent à Paris-CDG 4. Bilan : quels sont les effets de l’aéroport Paris-CDG sur l’environnement ? Réponse attendue : nuisances sonores et forte pollution au dioxyde d’azote. Cet aéroport a des effets nocifs sur le climat et sur la santé des riverains. Possibilité de faire produire par les élèves un schéma à l’aide d’un papier calque

  • Sujet possible : La persécution des Juifs en France durant l'Occupation / Le refus des discriminations

    Didier Cariou, maitre de conférence HDR en didactique de l'histoire à l'université de Brest Épreuve écrite d’application Domaine histoire, géographie, enseignement moral et civique Durée 3 heures 1. Vous enseignez en classe de CM2. Vous préparez une séquence d’apprentissage portant sur la persécution des Juifs en France durant l’Occupation. En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire (documents 2 à 10), indiquez les savoirs à construire avec les élèves à l’occasion de cette séquence. 2. Indiquez le titre de chaque séance de la séquence en indiquant les compétences travaillées par les élèves et les documents que vous utiliseriez dans chaque séance. Choisissez un document du dossier documentaire, indiquez sa place dans une séance et présentez son exploitation pédagogique précise. 3. Des élèves de CM2 refusent de travailler avec certains autres élèves en invoquant l’appartenance religieuse de ces derniers. En tant qu’agent du service public de l’éducation, vous agissez pour faire cesser la situation : décrivez votre action et les valeurs que vous défendez à cette occasion. 4. Vous décidez ensuite de construire une séance d’EMC sur les discriminations en classe de CM2. Vous vous référez au document 11 et à un autre document extrait du dossier documentaire. Indiquez le plan du déroulé de cette séance. Document 1. Extrait du programme de la classe de CM2 (BO, 2020) Document 2 : Définition du crime de génocide adoptées par la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (Assemblée générale de l’ONU, Paris, 9 décembre 1948 (extrait) : « Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel : a) meurtre de membres du groupe ; b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) transfert forcé d’enfant du groupe à un autre groupe ». Document 3 : La loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs (extraits) Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Loi_du_3_octobre_1940_portant_statut_des_Juifs Nous, Maréchal de France, chef de l’État français, Le conseil des ministres entendu, Décrétons : Article premier : Est regardé comme Juif, pour l'application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est Juif. Article 2 : L'accès et l'exercice des fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux Juifs : Chef de l'État, membre du gouvernement, Conseil d'État, Conseil de l'Ordre national de la Légion d'honneur, Cour de Cassation, Cour des comptes, Corps des Mines, Corps des Ponts et Chaussées, Inspection générale des Finances, Cours d'appel, Tribunaux de première instance, Justices de Paix, toutes juridictions d'ordre professionnel et toutes assemblées issues de l'élection ; Agents relevant, du, département des Affaires étrangères, secrétaires généraux des départements ministériels, directeurs généraux, directeurs des administrations centrales des ministères, préfets, sous-préfets, secrétaires généraux des préfectures, inspecteurs généraux des services administratifs au ministère de l'Intérieur, fonctionnaires de tous grades attachés à tous services de police ; Résidents généraux, gouverneurs généraux, gouverneurs et secrétaires généraux des colonies, inspecteurs des colonies ; Membres des corps enseignants ; Officiers des Armées de terre, de Mer et de l'Air ; Administrateurs, directeurs, secrétaires généraux dans les entreprises bénéficiaires de concessions ou de subventions accordées par une collectivité publique, postes à la nomination du Gouvernement dans les entreprises d'intérêt général (...). Article 4 : L'accès et l'exercice des professions libérales, des professions libres, des fonctions dévolues aux officiers ministériels et à tous auxiliaires de la justice sont permis aux Juifs, à moins que des règlements d'administration publique n'aient fixé pour eux une proportion déterminée. Dans ce cas, les mêmes règlements détermineront les conditions dans lesquelles aura lieu l'élimination des Juifs en surnombre. Article 5 : Les Juifs ne pourront, sans condition ni réserve, exercer l'une quelconque des professions suivantes : Directeurs, gérants, rédacteurs de journaux, revues, agences ou périodiques, à l'exception de publications de caractère strictement scientifique. Directeurs, administrateurs, gérants d'entreprises ayant pour objet la fabrication, l'impression, la distribution, la présentation de films cinématographiques; metteurs en scène et directeurs de prises de vues, compositeurs de scénarios, directeurs, administrateurs, gérants de salles de théâtres ou de cinématographie, entrepreneurs de spectacles, directeurs, administrateurs, gérants de toutes entreprises se rapportant à la radiodiffusion (...). Document 4 : L’application du recensement des juifs en zone occupée. Extrait du journal La dépêche de Brest, 25 octobre 1940. Document 5 : Un parc à jeu à Paris durant l’Occupation. Mémorial de la Shoah. Source : https://www.facebook.com/photo/?fbid=10165388336065076&set=a.1016160247245507 Document 6 : Bordeaux, 1942. Entrée de l'exposition antisémite : « Le Juif et la France ». Exposition organisée à l'initiative de l'Institut d’étude des questions juives de Paris. Source : https://www.yadvashem.org/fr/shoah/a-propos/declenchement-guerre-politique-anti-juive/france-et-belgique.html Document 7. Photographie des enfants Madeleine, Simone et Henri Magier, à Paris en juin 1942. Ils furent internés à Drancy avec leur maman Rosa le 6 août 1942 et déportés à Auschwitz le 14 septembre 1942. Source : https://www.memorialdelashoah.org/commemoration-du-29-mai-1942.html Document 8 : L’entrée du camp de Drancy surveillées par un gendarme français, en août 1941. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_183-B10919,_Frankreich,_Internierungslager_Drancy.jpg Document 9 : Note de Dannecker, SS-Hauptsturmführer à l'Office Central de Sécurité du Reich à Berlin, le 6 juillet 1942. Objet : Évacuation des Juifs de France. Référence : Entretien entre le SS-Obersturmbannführer Eichmann et le SS-Hauptsturmführer Dannecker, le 1.7.1942 à Paris. Les négociations avec le gouvernement français ont donné entre temps les résultats suivants : l'ensemble des Juifs apatrides de zone occupée et de zone non occupée seront tenus prêts à notre disposition en vue de leur évacuation. Le président Laval a proposé que, lors de l'évacuation de familles juives de la zone non occupée, les enfants de moins de 16 ans soient emmenés eux aussi. Quant aux enfants juifs qui resteraient en zone occupée, la question ne l'intéresse pas. Je demande donc une décision urgente par télex pour savoir si, par exemple à partir du quinzième convoi de Juifs partant de France, nous pouvons inclure également des enfants de moins de 16 ans. Pour finir, je fais remarquer qu'à ce jour, nous n'avons pu aborder que la question des Juifs apatrides ou étrangers pour faire du moins démarrer l'action. Dans la seconde phase, nous passerons aux Juifs naturalisés après 1919 ou 1927 en France. Document 10 : Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcée lors des cérémonies commémorant la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942, le dimanche 16 juillet 1995 (extraits). Source : https://www.fondationshoah.org/sites/default/files/2017-04/Allocution-J-Chirac-Vel-dhiv-1995.pdf Monsieur le Maire, Monsieur le Président, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Grand Rabbin, Mesdames, Messieurs, Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte. Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l’État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis. Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police. On verra des scènes atroces : les familles déchirées, les mères séparées de leurs enfants, les vieillards - dont certains, anciens combattants de la Grande Guerre, avaient versé leur sang pour la France - jetés sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture de Police. On verra, aussi, des policiers fermer les yeux, permettant ainsi quelques évasions. Pour toutes ces personnes arrêtées, commence alors le long et douloureux voyage vers l'enfer. Combien d'entre-elles ne reverront jamais leur foyer ? Et combien, à cet instant, se sont senties trahies ? Quelle a été leur détresse ? La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy. L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer. Suivront d'autres rafles, d'autres arrestations. A Paris et en province. Soixante-quatorze trains partiront vers Auschwitz. Soixante-seize mille déportés juifs de France n'en reviendront pas. Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible (…). Document 11 : Définition, critères et exemples de discriminations d’après le site du Défenseur des droits. Source : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/institution/competences/lutte-contre-discriminations Proposition de corrigé 1. Vous enseignez en classe de CM2. Vous préparez une séquence d’apprentissage portant sur la persécution des Juifs en France durant l’Occupation. En vous aidant de vos connaissances et du dossier documentaire (documents 2 à 10), indiquez les savoirs à construire avec les élèves à l’occasion de cette séquence. Cette séquences vise à faire comprendre aux élèves les mécanismes qui ont mené de la discrimination à la déportation des Juifs de France vers les camps nazis durant l’Occupation, avec la complicité du régime de Vichy. Auparavant, les élèves auront abordé rapidement la situation de la France durant la Seconde Guerre mondiale (Occupation, régime de Vichy, collaboration). (Document 2) On cherche tout d’abord à faire comprendre aux élèves que l’extermination des Juifs relève du crime de génocide, catégorie juridique qui ne fut pas utilisée lors du procès de Nuremberg puisqu’elle fut officiellement adoptée par l’ONU en 1948. Ce crime réside dans «  l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Le programme du cycle 3 incite à faire étudier aux élèves le génocide des Arméniens (reconnu par la France officiellement en 2001), des Juifs (la Shoah) et des tziganes. Il convient de préciser que, en France et dans quelques autres pays, le terme « Shoah » désigne la spécificité et l’ampleur du génocide des juifs. Durant l’Occupation, le régime de Vichy participa dans un premier temps à la discrimination des juifs. (Document 3). Le statut des Juifs décrété par la maréchal Pétain le 3 octobre 1940, définit les Juifs selon les même critères que ceux de Allemagne nazie : est Juif qui descend de trois grands-parents juifs. Il s’agit d’une définition raciale et raciste de la judéité alors que le fait d’être juif renvoie normalement à la pratique de la religion juive. En conséquence, de nombreux métiers sont interdits aux personnes considérées comme juives : elles sont exclues de l’ensemble de la fonction publique (alors que les conditions d’accès à la fonction publique sont la compétence reconnue par un concours, un casier judiciaire vierge et la citoyenneté française) et des professions liées aux journaux et au cinéma (conformément au vieux préjugé antisémite, encore vivace aujourd’hui, selon lequel les juifs, qui seraient en position dominante dans ces secteurs, manipuleraient l’opinion publique ). (Document 4) Le statut des Juifs est complété à la fin du mois d’octobre 1940 par un recensement des Juifs qui devront se faire connaître à la préfecture, à la sous-préfecture ou au commissariat. Un tampon « juif » ou « juive » est alors apposé sur leur carte d’identité et leur lieu de résidence est noté par les autorités françaises. Ces informations ont ensuite rendues aisée l’arrestation puis la déportation des Juifs. (Document 5) Parallèlement, des lieux sont interdits aux Juifs : cinémas, théâtres, parcs à jeux pour les enfants. Il s’agit d’une discrimination officielle. On peut parler de discrimination car, même si elle est rendue légale par les autorités de Vichy, elle est contraire aux principes républicains qui n’ont pas été officiellement abolis par le régime de Vichy. (Document 6) Parallèlement, des émissions de radios, des articles de journaux (rédigés par Louis-Ferdinand Céline, Brasillach, Rebatet) ainsi que des expositions organisées dans toute la France, cherchent à développer les préjugés antisémites, courants au sein de l’extrême-droite française. Dans un second temps, le régime de Vichy participa à l’arrestation et à la déportation des Juifs vers les camps allemands. (Document 7) Au printemps 1942, comme dans le reste de l’Europe occupée par les nazis, les Juifs âgés d’au moins 6 ans, sont obligés de coudre sur leurs vêtements une étoile jaune, avec l’inscription « juif ». Il devient alors très aisé de les repérer et de les arrêter lors des grandes rafles à partir de l’été 1942. (Document 8) Dès 1941, les premiers Juifs arrêtés arrêtés en région parisienne sont enfermés dans le camp de Drancy (actuel département de la Seine-Saint-Denis) un ensemble d’habitat collectif inachevé et surveillé par des gardes mobiles français dont la caserne jouxte le le camp. Ils sont ensuite emmenés à la gare du Bourget ou de Bobigny où ils montent dans des trains de marchandise en direction d’Auschwitz-Birkenau, la plupart du temps. (Document 9) L’un des événements marquants de la déportation des Juifs en France est la rafle du Vel’ d’hiv’ des 16 et 17 juillet 1942, organisée conjointement par les dirigeants nazis et le police française dirigée par Bousquet. Plus de dix mille personnes furent arrêtées et enfermées au Vel’ d’hiv’ avant d’être déportées à Drancy ou Pithiviers puis à Auschwitz. Ce document est une preuve accablante de la responsabilité des autorités françaises dans la rafle et la déportation des Juifs : ils prouve que la rafle a été organisée avec le gouvernement français et que ce dernier, par la voix de Laval, est allé au-delà des exigences des nazis qui ne souhaitaient pas encore déporter les enfants de moins de 16 ans. (Document 10) Longtemps, les gouvernements français ont ignoré ou minimisé cet événement. Le président Mitterrand a fait du 16 juillet la journée de commémoration de la rafle du Vel’ d’hiv’, mais sans rappeler le rôle de la police française dans cet événement. Le discours du président Chirac du 16 juillet 1995 marque un tournant majeur car il reconnaît pour la première fois la responsabilité de la police et de l’État français dans l’arrestation et la déportation des Juifs. 2. Indiquez le titre de chaque séance de la séquence en indiquant les compétences travaillées par les élèves et les documents que vous utiliseriez dans chaque séance. Choisissez un document du dossier documentaire, indiquez sa place dans une séance et présentez son exploitation pédagogique précise. Cette séquence prend place dans le chapitre sur les deux guerres mondiales en CM2. Elle porte sur « le génocide des Juifs ainsi que les persécutions à l’encontre d’autres populations). Elle est articulée à des séquences plus générales sur le génocide des Juifs en Europe. Elle peut se composer d’au moins deux séances. Les compétences à faire travailler par les élèves : Se repérer dans le temps : construire des repères historiques Raisonner, justifier une démarche et les choix effectués (poser des questions, formuler des hypothèses et les vérifier) Comprendre un document (identifier un document, extraire des informations, identifier son point de vue) Pratiquer différents langages (Écrire pour structurer sa pensée et son savoir, s’approprier un lexique historique approprié) La première séance présente la phase de discriminations à l’égard des juifs. Elle mobilise les documents suivants : Document 3 : le statut des Juifs (3 octobre 1940). Ce document permet de repérer la définition raciste et antisémite des Juifs ainsi que l’exclusion des juifs des professions de la fonction publique et des médias. Document 4 : le recensement des Juifs (octobre 1940). On peut notamment observer que certains Juifs sont considérés comme Juifs alors qu’ils sont baptisés et donc chrétiens  ! Document 5 : l’interdiction faite aux enfant juifs de fréquenter les parcs à jeux. Un exemple de discrimination. Document 6 : le port de l’étoile jaune à partir de l’âge de 6 ans. La deuxième séance présente la phase d’arrestation et de déportation des juifs Document 9 : la note du SS Dannecker prouve la responsabilité de l’État français dans la rafle du 16 juillet 1942. Elle montre que Laval souhaite aller au-delà des demandes des Allemands en demandant également l’arrestation des enfants de moins de 16 ans. On peut alors revenir au document 6 pour commenter le destin tragique des enfants photographiés. Document 10 : des extraits du discours du président Chirac (dont on peut également regarder la vidéo) permettent de faire le bilan de la persécution des Juifs et d’expliquer l’importance historique de ce discours. Document 2 : la définition officielle du crime de génocide permet de faire un bilan de la séquence. Elle peut donner lieu à une production écrite des élèves du type : « Raconte comment le régime de Vichy a participé au génocide des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale ». Exploitation pédagogique d’un document : On peut étudier le document 5 : Dans un premier temps, les élèves repèrent la nature de l’image et de l’espace photographié (un parc à jeu durant l’Occupation). On leur demande ensuite en quoi l’inscription est discriminatoire et choquante. Enfin, on articule cette photographie au doc. 3 (le statut des juifs), pour rappeler que la discrimination touche aussi bien les adultes que les enfants. On peut étudier le document 6 Ce travail peut être réalisé en groupe. Dans un premier temps, on donne le début de la légende aux élèves. Les élèves repèrent le contexte de la photographie (printemps 1942, une photographie chez un photographe avec une tenue soignée). On leur demande ensuite pourquoi le deux petites filles portent une étoile jaune (elles sont considérées comme juives) et pas le petit garçon (il a moins de 6 ans). On fournit ensuite la suite de la légende concernant le destin tragique de ces enfants. On leur demande alors à quoi sert l’étoile jaune (à repérer les Juifs pour les arrêter et les déporter vers Auschwitz). La réponse développée à cette question peut être considérée comme une production écrite à évaluer. On peut étudier le document 10 (en visionnant en parallèle la vidéo du discours sur Youtube). Ce document ne peut être étudié qu’après une présentation rapide de la rafle du Vel’ d’hiv’, le Vélodrome d’hiver (à étudier par exemple avec le document 9). On peut poser les question suivantes : Pourquoi le fait que ce discours soit prononcé par Jacques Chirac le 12 juillet 1995 donne un poids particulier à ce discours ? Réponse : ce discours commémore la rafle du Vel’ d’hiv du 12 juillet 1942. Il est prononcé par le président de la république, ce qui lui donne une grande importance. Quel événement le président Chirac raconte-t-il  ? Réponse : il raconte la rafle du Vel d’hiv. Il raconte que la police française a arrêté plus de 10 000 personnes, des familles entières, les a jetées dans des bus en direction du Vel’ d’hiv’. Ces familles ont ensuite été enfermées dans des camps (Pithiviers, Beaune la Rolande, mais également Drançy) puis déportées à Auschwitz où elles furent exterminées. Pourquoi le président Chirac dit-il : « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions » ? Réponse : Le président Chirac dénonce le rôle du régime de Vichy et de la police française qui ont collaboré avec les nazis et qui ont arrêté des milliers de personnes pour les envoyer à la mort. Le rôle d’un État et de la police étant de protéger les personnes, ces institutions ont donc failli. Ce discours est essentiel car c’est la première fois qu’une président de la république a ainsi dénoncé la responsabilité de la France dans le génocide. Production écrite : Raconte la rafle du Vel’ d’hiv. 3. Des élèves de CM2 refusent de travailler avec certains autres élèves en invoquant l’appartenance religieuse de ces derniers. En tant qu’agent du service public de l’éducation, vous agissez pour faire cesser la situation : décrivez votre action et les valeurs que vous défendez à cette occasion. L’intervention auprès des élèves doit s’appuyer tout d’abord sur le principe de la laïcité : la loi de 1905 reconnaît la liberté religieuse, chacun.e peut donc exercer la religion qu’il ou elle souhaite exercer. En outre, l’appartenance religieuse est un choix personnel que personne ne peut mettre en cause (on peut évoquer également la loi de 2004 et la Charte de la laïcité de 2015). Il convient ensuite de s’appuyer sur les valeurs défendues par l’école : la liberté, l’égalité et la fraternité. Chacun a la liberté de pratiquer, ou non, une religion, quelle qu’elle soit. L’égalité garantit une égale dignité des croyances, ou de l’absence de croyances, individuelles. La fraternité suppose l’absence de toute discrimination entre les personnes. Cela permet d’expliquer aux élèves que leur attitude est discriminatoire, elle produit un traitement différencié et négatif entre des personnes. Pour cette raison, l’attitude de ces élèves est inacceptable car contraire à nos valeurs. 4. Vous décidez ensuite de construire une séance d’EMC sur les discriminations en classe de CM2. Vous vous référez au document 11 et à un autre document extrait du dossier documentaire. Indiquez le plan du déroulé de cette séance. 1. Présentation par l’enseignant.e de la fonction de Défenseur des droits 2. Les élèves repèrent dans le document 11 la définition d’une discrimination. Un échange dans la classe doit leur faire comprendre qu’une discrimination est interdite par la loi et peut donner lieu à une sanction pénale. 3. Les élèves peuvent repérer sur le document des discriminations liées à la religion des personnes (ou tout autre sujet selon les objectifs de l’enseignant.e) 4. Observation du document 5 (le parc à jeu pendant l’Occupation) pour amener les élèves à comprendre en quoi l’écriteau constitue une discrimination (en raison d’une supposée appartenance religieuse). On peut alors faire le lien entre cet écriteau et le refus de travailler avec certains élèves. 5. Production écrite individuelle ou collective : en quoi une discrimination est-elle contraire aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ?

  • Sujet possible : La mise en place de la République / La laïcité

    Didier Cariou, Université de Brest, UBO Composante histoire (12 points) 1. En vous appuyant sur le dossier documentaire, identifiez et définissez les objectifs notionnels qui peuvent être travaillés avec les élèves à partir des documents 2 à 11 pour le traitement de la séquence sur : « 1892 : la République fête ses cent ans », et plus particulièrement sur la mise en place de la Troisième république et la mise en scène des symboles républicains. 2. Pour conclure le chapitre sur « 1892 : la République fête ses cent ans », vous décidez de travailler sur la façon dont la République parvint à s’imposer auprès des Français. Indiquez les titres des différentes séances envisagées ; développez une des séances en définissant les objectifs d’apprentissage et les compétences travaillées. Indiquez précisément quels documents issus du dossier documentaire vous utiliseriez et détaillez l’exploitation pédagogique de l’un de ces documents. Composante EMC (8 points) 3. Vous préparez une séquence sur la laïcité au cycle 3. En vous aidant de documents du dossier (documents 12 à 14), expliquer comment vous définissez la laïcité pour vos élèves. 4. Des élèves ne comprennent pas pourquoi les signes religieux ostensibles sont interdits à l’école. Comment exploitez-vous l’un des documents du dossier pour leur expliquer cette interdiction ? (documents 12 à 14) Document 1 : Extrait du programme du cycle 3 (2020) Document 2 : la loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics Article 1. - Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. - La Chambre des Députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale. - La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat seront réglés par une loi spéciale. Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. - Il dispose de la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et militaires. - Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. - Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre. Article 5. - Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. - En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. Article 6 – Les ministres sont solidairement responsables dans les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. - Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. Article 9. - Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles (article abrogé par la loi du 21 juin 1879) Source: https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1875-iiie-republique Document 3 : Claude Monet. La Rue Montorgueil, à Paris. Fête du 30 juin 1878. (à l’occasion de l’exposition universelle). 1878. Huile sur toile. H. 81,0 ; L. 50,0 cm.© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt. Source : https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/la-rue-montorgueil-paris-fete-du-30-juin-1878-10896 Document 4 : Portrait officiel de Patrice de Mac Mahon, président de la république de 1873 à 1879. Source : https://www.elysee.fr/patrice-de-mac-mahon Document 5 : Portrait officiel de Jules Grévy (président de la république du 30 janvier 1879 au 2 décembre 1887) par Léon Bonnat (1880). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Gr%C3%A9vy#/media/Fichier:Bonnat_Portrait_of_Jules_Grevy.jpg Document 6 : Compte-rendu du débat au Sénat sur l’établissement du 14 juillet comme fête nationale Rapport fait au nom de la commission du Sénat chargée d’examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, ayant pour objet l’établissement d’un jour de fête nationale annuelle, par M. Henri Martin, sénateur, le 29 juin 1880 Messieurs, Le Sénat a été saisi d’une proposition de loi votée, le 10 juin dernier, par la Chambre des députés, d’après laquelle la République adopterait la date du 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle. La commission, qui m’a fait l’honneur de me nommer son rapporteur, a délibéré sur le projet de loi dont vous avez bien voulu lui confier l’examen. Deux de nos collègues ont combattu, non la pensée d’une fête nationale, mais la date choisie pour cette fête. Ils ont proposé deux autres dates, prises dans l’histoire de la Révolution, et qui, toutes deux, avaient, suivant eux, l’avantage de ne rappeler ni luttes intestines, ni sang versé. L’un préférait le 5 mai, anniversaire de l’ouverture des États généraux en 1789 ; l’autre recommandait le 4 août, dont la nuit fameuse est restée dans toutes les mémoires. La majorité, composée des sept autres membres de la commission, s’est prononcée en faveur de la date votée par la Chambre des députés. Le 5 mai, date peu connue aujourd’hui du grand nombre, n’indique que la préface de l’ère nouvelle : les États généraux n’étaient pas encore l’Assemblée nationale ; ils n’étaient que la transition de l’ancienne France à la France de la Révolution. La nuit du 4 août, bien plus caractéristique et plus populaire, si grand qu’ait été le spectacle qu’elle a donné au monde, n’a marqué cependant qu’une des phases de la Révolution, la fondation de l’égalité civile. Le 14 juillet, c’est la Révolution tout entière. C’est bien plus que le 4 août, qui est l’abolition des privilèges féodaux ; c’est bien plus que le 21 septembre [1792], qui est l’abolition du privilège royal, de la monarchie héréditaire. C’est la victoire décisive de l’ère nouvelle sur l’Ancien Régime. Les premières conquêtes qu’avait values à nos pères le serment du Jeu de paume étaient menacées ; un effort suprême se préparait pour étouffer la Révolution dans son berceau ; une armée en grande partie étrangère se concentrait autour de Paris. Paris se leva, et, en prenant la vieille citadelle du despotisme, il sauva l’Assemblée nationale et l’avenir. Il y eut du sang versé le 14 juillet : les grandes transformations des sociétés humaines - et celle-ci a été la plus grande de toutes - ont toujours jusqu’ici coûté bien des douleurs et bien du sang. Nous espérons fermement que, dans notre chère patrie, au progrès par les révolutions, succède, enfin ! le progrès par les réformes pacifiques. Mais, à ceux de nos collègues que des souvenirs tragiques feraient hésiter, rappelons que le 14 juillet 1789, ce 14 juillet qui vit prendre la Bastille, fut suivi d’un autre 14 juillet, celui de 1790, qui consacra le premier par l’adhésion de la France entière, d’après l’initiative de Bordeaux et de la Bretagne. Cette seconde journée du 14 juillet, qui n’a coûté ni une goutte de sang ni une larme, cette journée de la Grande Fédération, nous espérons qu’aucun de vous ne refusera de se joindre à nous pour la renouveler et la perpétuer, comme le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité. Le 14 juillet 1790 est le plus beau jour de l’histoire de France, et peut-être de toute l’histoire. C’est en ce jour qu’a été enfin accomplie l’unité nationale, préparée par les efforts de tant de générations et de tant de grands hommes, auxquels la postérité garde un souvenir reconnaissant. Fédération, ce jour-là, a signifié unité volontaire. Elles ont passé trop vite, ces heures où tous les cœurs français ont battu d’un seul élan ; mais les terribles années qui ont suivi n’ont pu effacer cet immortel souvenir, cette prophétie d’un avenir qu’il appartient à nous et à nos fils de réaliser. Votre commission, pénétrée de la nécessité de donner à la République une fête nationale, persuadée par l’admirable exemple qu’a offert le peuple de Paris le 30 juin 1878, que notre époque est capable d’imprimer à une telle fête un caractère digne de son but, convaincue qu’il n’est aucune date qui réponde comme celle du 14 juillet à la pensée d’une semblable institution, votre commission, Messieurs, a l’honneur de vous proposer d’adopter le projet de loi voté par la Chambre des députés (…). Source : https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/pour-memoire/le-14-juillet-naissance-dune-fete-nationale/le-14-juillet-fete-nationale/le-14-juillet-simpose/ Document 7 : Alfred Philippe Roll (1846–1919). Le 14 juillet 1880, inauguration du monument à la République (vers 1882), esquisse d'Alfred Roll pour un tableau de 63m2 commémorant l'inauguration de la maquette en plâtre de la statue des frères Morice sur la place de la République à Paris. Conservé au Petit Palais à Paris. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Le_Petit_Palais_-_Alfred_Roll_-_Esquisse_-_Le_14_juillet_1880,_inauguration_du_monument_%C3%A0_la_r%C3%A9publique_-_vers_1881_-_001.jpg Document 8 : Statue de la République, inaugurée en 1883, place de la République à Paris. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Place_de_la_R%C3%A9publique_(Paris)#/media/Fichier:A_la_Gloire_de_la_R%C3%A9publique_Fran%C3%A7aise.jpg Document 9 : Alfred Henri Bramtot, Le suffrage universel, esquisse pour la mairie des Lilas (Seine), 1889. Paris, Petit Palais. Source : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/esquisse-pour-la-mairie-des-lilas-le-suffrage-universel#infos-principales Document 10 : Orbigny (Indre-et-Loire) : une classe de l’école de garçons en 1909. Source : Archives départementales de la Drôme. Cote : 23 Fi111 https://archives.ladrome.fr/ark:/24626/ws0ltg93qp15/8c748e00-860f-44ce-9903-5622d0fe2d2b Document 11 : La mairie et l’école communale d’Arcy-sur-Cure (Yonne) en 1913 Document 12: Extrait d’une plaquette de présentation de la laïcité par le Conseil interministériel de la laïcité (CIL). Source : https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite Document 13 : Extraits de la charte de la laïcité Document 14 : Affiche sur l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école Source: https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/concevoir-les-societes/f35e776d-45ce-49c1-bd5f-484568fb922c-laicite/album/83deb989-28f3-43f9-8193-6c6bc7336c99-pourquoi-interdire-signes-appartenance-lecole Proposition de corrigé Didier Cariou, Université de Brest, UBO Il n’est bien entendu pas possible de produire ce qui suit dans une épreuve de 3 heures. Les points essentiels à ne pas laisser de côté sont indiqués en gras Composante histoire (12 points) 1. En vous appuyant sur le dossier documentaire, identifiez et définissez les objectifs notionnels qui peuvent être travaillés avec les élèves à partir des documents 2 à 11 pour le traitement de la séquence sur : « 1892 : la République fête ses cent ans », et plus particulièrement sur la mise en place de la Troisième république et la mise en scène des symboles républicains. (Introduction) La thème « Le temps de la République » est abordé au début de la classe de CM2, dans la continuité du thème «Le temps de la Révolution et de l’Empire », étudié en fin de CM1. Après la Révolution française, la France a connu deux autres révolutions (1830, 1848) et plusieurs constitutions (monarchies, république, empire) ne respectant pas toujours la totalité des principes de 1789 (souveraineté nationale, liberté politique et individuelle, égalité entre les citoyens). C’est seulement avec la Troisième république que ces principes de 1789 furent fermement établis. Le dossier proposé permet de comprendre comment le régime républicain fut mis en place et accepté par les citoyens. Document 2 : Les lois constitutionnelles de 1875, dont celle du 25 février 1875, votées par l’Assemblée à majorité monarchiste élue en 1871, résultent d’un compromis entre les orléanistes et les républicains modérés. Elles mettent en place un régime républicain d’inspiration orléaniste. Le pouvoir législatif est exercé par la chambre des députés élus au suffrage universel masculin (respect de la souveraineté nationale) et par le sénat, élu au suffrage indirect (art.1). Le pouvoir exécutif est exercé par le président de la république élu par les deux assemblées pour sept ans (art. 2) et par les ministres. Ces derniers sont responsables devant les deux chambres (art.6), c’est-à-dire que le gouvernement tombe si la majorité des députés ne le soutient plus. L’exercice du pouvoir a conduit ensuite à donner l’essentiel du pouvoir à la Chambre des députés et au Sénat, qui exercent le pouvoir législatif, élisent le président et devant lesquels le gouvernement est responsable (il peut être renversé s’il n’obtient pas le soutien de la Chambre des députés). Il s’agit donc d’un régime parlementaire (peu de choses à voir avec la cinquième république). Document 3 : Le tableau de Claude Monet, l’un des plus grands peintres impressionnistes représente la rue Montorgueil à Paris, pavoisée de drapeaux tricolores à l’occasion de l’exposition universelle de 1878. La technique impressionniste de petites taches de couleurs permet de mettre en évidence les trois couleurs qui s’imposent ainsi dans l’espace public comme l’un des symboles de la république. De fait le drapeau tricolore était devenu définitivement l’emblème de la France lors de la révolution de 1830, associé à l’héritage de la Révolution française de 1789 (cocarde tricolore associant le blanc de la monarchie au bleu et au rouge de la ville de Paris, donnée à Louis XVI après la prise de la Bastille). Désormais, il est associé à la République comme l’a montré le comte de Chambord, partisan d’un retour à la monarchie d’Ancien Régime et refusant de troquer le drapeau blanc de la monarchie absolue pour le drapeau tricolore de 1789. Concernant Claude Monet : faire le lien avec l’histoire des arts. Documents 4 et 5 : Ces deux documents sont des portraits officiels de deux présidents de la Troisième république : Patrice de Mac Mahon, président de 1873 à 1879 et Jules Grévy, président de 1879 à 1887. Ces deux portraits montrent une énorme différence entre un président, monarchiste légitimiste devant sa carrière à Napoléon III, en uniforme de maréchal et portant toutes ses décorations militaires, et un président austère et digne, en costume noir, la main sur sa table de travail, incarnant la république et garant des institutions. Document 6 : Ce texte reprend le discours du sénateur républicain modéré Henri Martin (le même que celui du Monopoly !) donnant les raisons pour lesquelles le 14 juillet fut décrété jour de fête nationale en 1880. Il explique que cette date vaut mieux que celle du 5 mai (1789), date de l’ouverture des États généraux, complètement occultée depuis, et du 4 août (1789), date de l’abolition des privilèges qui n’instaurait que l’égalité civile. La date du 14 juillet commémore la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, symbole d’unité nationale, qui rassemblait des délégués des gardes nationales venus de la France entière. On pourrait même ajouter que cette fête est une représentation à la fois de l’unité mais aussi de la souveraineté nationale (« union fraternelle », « unité volontaire »). Bien entendu, le 14 juillet 1790, commémore le 14 juillet 1789 qui ne saurait devenir une fête nationale en raison du sang versé ce jour-là, mais qui reste bien dans tous les esprits. Document 7 : Cette esquisse représente la première célébration du 14 juillet sur la place de la République, en 1880, quelques jours après le discours d’Henri Martin. La population semble assez mélangée, le peintre ayant sans doute cherché à représenter l’ensemble du peuple de Paris, y compris les femmes et les enfants. La place de la République est pavoisée de drapeaux tricolores, comme dans le tableaux de Monet. Le centre de la célébration festive et populaire est la maquette de la statue de la République, sous les traits de Marianne. Ce tableau présente trois symboles de la république : le drapeau tricolore, la fête nationale du 14 juillet et la République sous la forme d’une Marianne. Document 8 : Cette photographie présente la statue de la place de la République, inaugurée en 1883, qui incarne la République dans l’espace public. La statue de Bronze, la Marianne qui incarne la République, porte le bonnet phrygien, symbole de la libération des esclaves affranchis à Rome, et une couronne de laurier, symbole de victoire. Elle brandit dans sa main droite un rameau d’olivier, symbole de la paix, et pose sa main gauche sur un bouclier où est inscrite l’expression « droits de l’homme » pour rappeler que les principes de 1789 fondent la République. Son épée est glissée dans son fourreau, comme le combat était terminé. En effet, en 1883, la République est définitivement installée après les incertitudes politiques des années 1870 et les républicains ont adopté les principales lois sur l’école, sur la liberté de la presse, etc. Trois statues symbolisent les valeurs de la république qui sont aussi sa devise : liberté, égalité fraternité. Au pied de la statue, des plaques de bronze rappellent les grandes dates de l’histoire de la République. La statue du lion exprime la force de la souveraineté nationale exprimée par le suffrage universel (masculin), inscription figurant derrière lui sur une urne de vote. Document 9 : Cette esquisse représente une scène de vote pour illustrer la notion de suffrage universel (masculin) exprimant la souveraineté nationale. Les personnages représentent l’ensemble des citoyens (un homme de lettres ?, un bourgeois avec son chapeau, un ouvrier de dos, un vieillard accompagné de sa fille). La solennité de la scène montre l’importance attachée au vote garant de la souveraineté nationale. Document 10 : Cette photographie d’une salle de classe de garçons en 1909 évoque également les valeurs et les emblèmes de la République. Au-dessus du tableau noir où figure une leçon de morale, se trouve le texte de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. De part et d’autre du tableau des images de l’histoire de France rappellent que tous les citoyens partagent un passé commun, ce qui leur permettent de vivre ensemble. La carte de France occupe le plus de place sur le mur et rappelle que les élèves doivent connaître leur pays. Enfin, au centre le maître, en costume sombre, très digne, à l’image de Jules Grévy (document 5), incarne à la fois le savoir qui permettra aux élève de devenir de bons citoyens, et la République elle-même. Document 11 : Cette photographie de la mairie et de l’école d’Arcy-sur-Cure montre l’association classique de l’école primaire et de l’exercice du pouvoir communal. Comme l’a montré l’historien Maurice Agulhon, ces bâtiments construits dans un grand nombre de communes servent à implanter et à rendre visible la République dans l’espace de chaque commune. Conclusion : certains documents du dossier montrent donc comment la République fut enseignée, représentée, implantée dans l'espace public pour susciter l'adhésion des citoyens. 2. Pour conclure le chapitre sur « 1892 : la République fête ses cent ans », vous décidez de travailler sur la façon dont la République parvint à s’imposer auprès des Français. Indiquez les titres des différentes séances envisagées ; développez une des séances en définissant les objectifs d’apprentissage et les compétences travaillées. Indiquez précisément quels documents issus du dossier documentaire vous utiliseriez et détaillez l’exploitation pédagogique de l’un de ces documents. Présentation de la séquence : la mise en place de la République et l’adhésion à la République 1ere séance : L’installation de la République en 1875 Un régime parlementaire Dirigé par un président (Mac Mahon, puis Jules Grvy) Le suffrage universel : la souveraineté nationale 2eme séance : l’adoption des symboles de la République Le drapeau tricolore (depuis 1830) La fête nationale (depuis 1880) L’architecture républicaine : la statue de la République et la devise : liberté, égalité, fraternité 3eme séance : l’adhésion des citoyens à la république L’architecture républicaine : la mairie et l’école Le rôle de l’école primaire Présentation d’une séance précise : 2eme séance : l’adoption des symboles de la République Objectifs : apprendre aux élèves quand et pourquoi furent institués les symboles de la République A partir des documents 3 et 7, on constate la présence des drapeaux tricolores dans l’espace public. Le.la PE rappelle aux élèves que le drapeau tricolore fut adopté officiellement en 1830 par Louis-Philippe. Le drapeau symbolise les acquis de la Révolution depuis sa création le 17 juillet 1789 (le blanc de la monarchie + le bleu et le rouge de la ville de Paris, après la prise de la Bastille). En 1880, le 14 juillet est adopté comme fête nationale. Des extraits du document 6 permettent de comprendre les raisons du choix de cette date. La dimension festive et républicaine peut être travaillée avec le document 7 La statue de la place de la République (document 8) permet de travailler plusieurs symboles de la république : Marianne, le bonnet phrygien, la devise « liberté, égalité, fraternité », le suffrage universel (masculin) et la souveraineté nationale On peut détailler l’exploitation pédagogique du document 8 (la statue de la place de la République) La photographie serait donnée aux élèves avec des flèches pointées sur les différents éléments à repérer en distinguant les trois niveaux de l’édifice La statue de la République : le personnage de Marianne, bonnet phrygien, couronne de laurier, rameau d’olivier, épée, l’expression « droits de l’homme » Les trois statues incarnant les trois valeurs de la république Le lion et l’urne de vote et l’inscription suffrage universel On peut donner ensuite un tableau aux élèves où ils reportent les différents symboles observés sur la statue (colonne de gauche du tableau). En groupes, en s’aidant de leurs connaissances acquises en classe d’histoire sur la Révolution ils remplissent la colonne de droite du tableau en indiquant ce que représente chaque symbole. Pour terminer, en s’appuyant sur le contexte historique travaillé lors des séances précédentes, les élèves pourraient produire un récit racontant les raisons pour lesquelles les républicains ont fait ériger cette statue. Si l’on choisit d’utiliser le document 10 (photographie d’une classe de garçon), on n’étudie pas l’école de Jules Ferry (autre chapitre du thème), mais on essaie de voir comment cette école transmet les valeurs de la République. On met l’accent sur la posture du maître incarnant le savoir et la République, sur la carte de France, la DDHC, les personnages de l’histoire de France qui concourent à transmettre ces valeurs aux élèves. L’évaluation pourrait être une question du type : « Montre en quoi l’école de la Troisième République transmet les valeurs de la République aux élèves ». Faire le lien avec l’EMC : « Acquérir et partager les valeurs de la république » Composante EMC (8 points) 3. Vous préparez une séquence sur la laïcité au cycle 3. En vous aidant de documents du dossier (documents 12 à 14), expliquer comment vous définissez la laïcité pour vos élèves. La laïcité est un principe (un guide pour l’action en fonction de valeurs) qui permet de garantir le respect des valeurs (ce qui semble bon et juste) de la république : liberté, égalité, fraternité. Ce principe est inscrit dans l’article 1 de la constitution de la 5eme République : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Comme le rappelle le document 12, la laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté d’expression (référence à l’article 10 et 11 de la DDHC + l’article 1 de la loi de 1905). En France, la condition de cette garantie est la séparation des Églises et de l’État, depuis la loi de 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni en subventionne aucun culte ». La religion de chacun (ou l’absence de religion) est une affaire privée qui ne regarde pas l’État. En conséquence, chacun est libre de croire ou de ne pas croire, dans le respect de l’ordre public. Autre conséquence : comme le rappelle la charte de laïcité (document 13), en application de la loi de 2004, on distingue à l’école les croyances qui relèvent de l’ordre privé et les connaissances scientifiques qui doivent être enseignées à tous afin de garantir la construction d’une culture commune. On peut également étudier la religion dans le cadre de l’étude du fait religieux. 4. Des élèves ne comprennent pas pourquoi les signes religieux ostensibles sont interdits à l’école. Comment exploitez-vous l’un des documents du dossier pour leur expliquer cette interdiction ? (documents 12 à 14) La loi de 2004 interdit les signes religieux ostensibles (qui signalent explicitement une appartenance religieuse) à l’école : foulard, kippa, croix de grande dimension. Il convient de préciser que les signes discrets portés en pendentif (croix, étoile de David, main de Fatma, etc.) sont autorisés. Il n’est donc pas totalement interdit aux élèves de faire état d’une appartenance religieuse. Celle-ci doit rester discrète. Cela est rappelé dans la charte de la laïcité. Pour répondre aux élèves, on peut utiliser le document 14. Ce dernier présente l’entrée de l’école comme un portique d’aéroport qui suppose de laisser des signes religieux dans un plateau à côté de l’entrée. Cette affiche laisse supposer que l’école doit être un espace pacifié où peuvent s’échanger les idées afin de construire une culture commune et partagée.

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